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 Sujet du message: Re: Pouvoir judiciaire en démocratie
MessagePosté: Mer 25 Fév 2015 01:47 
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Barbetorte a écrit:
Geopolis a écrit:
Je vais donner un exemple de jurisprudence d'arbitrage judiciaire induisant le vote d'une loi par le pouvoir législatif. Un magistrat s'est permis de décréter, afin que sa mère en fasse deuil, que son fœtus défunt soit mort... avant de naître. L'Assemblée nationale s'est empressée de régulariser l'arbitrage par une loi.
Je ne connais pas cette affaire. Il y a peut-être eu un abus judiciaire, mais vous en dites si peu qu'il est impossible d'en prendre connaissance et l'on ne peut sérieusement en discuter dans ces conditions. Si la question a été portée devant le parlement, c'est qu'il y a eu un débat. La décision judiciaire en question est certainement disponible en ligne. Quant à la loi qui s'en est ensuivi, elle a été nécessairement publiée au journal officiel et rendue accessible en ligne. Vous devriez donner les références.


En fait, depuis des années, des parents d'enfants morts-nés cherchaient une reconnaissance sociale. Avant le XVIIIème siècle, voir un enfant mourir avant la naissance était quelque chose de somme toute relativement commun et on estimait que c'était "normal". Depuis une vingtaine d'années, dans nos sociétés, c'est devenu exceptionnel. Et de plus en plus de parents d'enfants morts-nés ont commencé à exigé que l'on donne un état-civil au petit être qu'ils venaient de perdre. Ils l'ont exigé de diverses manières en utilisant tous les leviers disponibles, dont le levier judiciaire. Certains obtinrent que des juges rendent des sentences en leur faveurs. Sentences qui obligeaient d'inscrire ces enfants à l'état-civil. Mais, conformément à la loi, ces jugements étaient cassés. Puis, un homme politique, désirant devenir président, c'est emparé de la question. Quand il est devenu président, il a fait en sorte que soit votée une loi qui autorise cette pratique. Pour ne laisser planer aucun doute, il s'agit de Sarkozy. Traditionnellement, l’Église aurait dû être contre. Mais, certains ont espéré qu'ainsi on arriverait, petit à petit à interdire l'avortement. Mais, la loi a été rédigée de manière à ne pas permettre cela, les législateurs avaient été avertis du danger. Mais, actuellement, on arrive à obtenir un taux de survie appréciable pour des enfants de 27-28 semaines. Même s'il y a un grand risque de séquelles. Donc, un fœtus mort-né de 25 semaines pourrait être inscrit à l'état-civil. On pourrait donc le considérer comme une personne. Et on pourrait poursuivre le médecin qui n'aurait pas tout fait pour lui permettre de venir au monde, malgré les séquelles ... D'un autre coté, des adultes paralysés de naissance commencent à porter plainte pour obtenir réparation de la vie qu'ils subissent et certains demandent le droit à mourir estimant que lorsqu'il y a trop de séquelles, il est difficile de parler de vie. Il y a donc des groupes de pressions qui cherchent à faire évoluer le droit en l'attaquant sur des points très précis et particuliers. Et parois, les juges se rendent compte trop tard qu'ils sont tombés dans un traquenard.

De plus, si on reprend le problème de départ, si certains parents estiment qu'ils peuvent mieux faire leur deuil en sachant que la société reconnait la réalité de la personne de l'être cher qu'ils ont perdu, d'autres se plaignent de ne pas réussir à faire leur deuil. Et oui, quand on inscrit l'enfant dans le livret de famille, chaque fois que vous vous servez de celui-ci, vous voyez le nom de l'enfant que vous avez perdu ... Un jour, on verra des parents exiger une loi pour qu'ils puissent obtenir un livret de famille sans le nom de l'être perdu, dont ils avaient obtenu l’inscription, mais dont ils ne supportent plus le rappel de la perte ... Drôle de monde où l'on demande à la loi de faire tout et son inverse.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable


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 Sujet du message: Re: Pouvoir judiciaire en démocratie
MessagePosté: Sam 28 Fév 2015 11:37 
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Barbetorte a écrit:
Quoiqu'il en soit, on reste tout de même très loin d'une dictature des juges.

D'accord avec vous. Je souligne juste les deux points suivants.

1. Je trouve que le pouvoir judiciaire, tout en tendant à s'émanciper des pouvoirs législatifs et exécutifs, ce qui semble vertueux, a également tendance à imposer une domination sur les deux autres pouvoirs, ce qui me paraît aussi pernicieux qu'illégitime.

2. Je trouve que les juges sont des hommes politiques qui, en charge du pouvoir judiciaire, ont des comptes à rendre aux citoyens, et non devant quelque instance (officielle, syndicale...), de leur corporation. Que ce soit un suffrage pour les élire ou les destituer, de l'élection d'un responsable de leurs carrières, de cours populaires statuant sur leur destitution ou leurs jugements, ils doivent déposer leurs responsabilités et leurs carrières, répondre de leurs décisions (libérer un récidiviste, braver par leurs jurisprudences les lois...) devant un suffrage ou un collège de citoyens.


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 Sujet du message: Re: Pouvoir judiciaire en démocratie
MessagePosté: Sam 28 Fév 2015 11:49 
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Barbetorte a écrit:
Jadis les punitions physiques paraissaient toutes naturelles alors qu'elles sont maintenant de plus en plus réprouvées.

Je corrige : des avis contraires aux sanctions physiques se sont imposés dans les médias, qui n'ont de fondements qu'idéologiques et quelques fallacieuses démonstrations prétendument scientifiques (telles l'étude montrant que les criminels sont plus frappés que les non criminels, insinuant que cette corrélation constitue une preuve de cause à effet, ce qui est scientifiquement faux).
Barbetorte a écrit:
A titre personnel, avant d'avoir des enfants, je pensais qu'une bonne fessée pouvait avoir des vertus. Maintenant que mes enfants ont plus de vingt, constatant n'avoir pas usé de la force à leur encontre alors que j'y étais initialement disposé, j'ai totalement changé d'avis : on ne se fait pas respecter par la force.

Ça dépend des personnes.
Barbetorte a écrit:
Il est normal que le pouvoir judiciaire juge des agents publics si l'action de ces derniers fait l'objet de plaintes ou de contestations.

Uniquement si le pouvoir exécutif s'en désolidarise.
Barbetorte a écrit:
L'exécutif détient la force dont il peut avoir tendance à abuser. C'est celui qui risque d'être victime d'un usage indu de la force qui doit être protégé, et non le détenteur de la force qui doit être immunisé. Vous voudriez accorder un droit de bavure à la police ?

La démocratie devrait le permettre si les suffrages absolvent des abus, permettre aux suffrages de déculpabiliser ces abus.

Le libéralisme devrait l'interdire et contraindre la démocratie aux lois libérales.

Le tout étant de savoir si le libéralisme prévaut sur la démocratie, ou l'inverse.


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 Sujet du message: Re: Pouvoir judiciaire en démocratie
MessagePosté: Sam 28 Fév 2015 16:54 
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Geopolis a écrit:
1. Je trouve que le pouvoir judiciaire, tout en tendant à s'émanciper des pouvoirs législatifs et exécutifs, ce qui semble vertueux, a également tendance à imposer une domination sur les deux autres pouvoirs, ce qui me paraît aussi pernicieux qu'illégitime.
L'indépendance du pouvoir judiciaire est une nécessité admise par tous les théoriciens du droit et elle est garantie par la constitution de tout Etat démocratique.

Quant à la tendance à la domination, vous vous contentez de vous répéter sans argumenter.

Geopolis a écrit:
2. Je trouve que les juges sont des hommes politiques qui, en charge du pouvoir judiciaire, ont des comptes à rendre aux citoyens, et non devant quelque instance (officielle, syndicale...), de leur corporation. Que ce soit un suffrage pour les élire ou les destituer, de l'élection d'un responsable de leurs carrières, de cours populaires statuant sur leur destitution ou leurs jugements, ils doivent déposer leurs responsabilités et leurs carrières, répondre de leurs décisions (libérer un récidiviste, braver par leurs jurisprudences les lois...) devant un suffrage ou un collège de citoyens.
Les modalités de nominations des magistrats sont résumés sur cette fiche du Conseil Supérieur de la Magistrature : http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/missions-et-attributions. Vous dénoncez vous-même les vices d'une nomination par élection populaire : 6.2 Aux USA, les juges sont (des avocats) élus. C'est un système qui a révélé sa perversion, ayant le premier décroché dans sa performance éducative et influençant ensuite les autres systèmes occidentaux en cela. En général, le candidat le plus riche est élu ; il aurait tendance à prononcer des arbitrages démagogiques pour assurer sa réélection.

Il ne peut y avoir de bonne justice sans indépendance du juge et cette indépendance exige que le juge soit souverain, c'est à dire qu'il doit être impossible de sanctionner le juge pour les décisions qu'il prend. Le juge ne peut être poursuivi, et selon une procédure spéciale impliquant le Conseil Supérieur de la Magistrature, que pour corruption (articles 434-7 et 434-9 du code pénal) ou manquements à la déontologie. Un jugement non satisfaisant peut cependant être infirmé ou cassé par les voies de recours prévues par la loi. Libérer un récidiviste n'est pas une faute si cette décision est conforme à la loi. De plus, le ministère public peut interjeter appel d'une telle décision.

Les juges rendent compte de leurs décisions en donnant obligatoirement les motifs de leurs décisions. Seules exceptions, les arrêts de cours d'assise qui sont rendus par des jurés populaires, exception peut-être bientôt éteinte parce que l'idée de faire reposer la décision sur l'intime conviction est de plus en plus contestée.


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 Sujet du message: Re: Pouvoir judiciaire en démocratie
MessagePosté: Sam 28 Fév 2015 17:40 
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Barbetorte a écrit:
Quant à la tendance à la domination, vous vous contentez de vous répéter sans argumenter.

C'est exact, je reprécisais.
Barbetorte a écrit:
Vous dénoncez vous-même les vices d'une nomination par élection populaire [...]

Oui, je pense que c'est pernicieux et que la justice américaine fut plus prompte que d'autres à devenir malsaine.
Barbetorte a écrit:
Il ne peut y avoir de bonne justice sans indépendance du juge

Indépendant des autres pouvoirs, c'est acté par la théorie; mais des citoyens ?
Barbetorte a écrit:
et cette indépendance exige que le juge soit souverain, c'est à dire qu'il doit être impossible de sanctionner le juge pour les décisions qu'il prend.

J'y adhérerais dans la mesure où les juges se contenteraient de prononcer les sanctions prévues par le pouvoir législatif, en l'absence de toute jurisprudence allant à l'encontre des lois. Ils ne sont que des arbitres statuant sur la culpabilité ou l'innocence des prévenus. En somme, le prévenu a-t-il commis ou non l'infraction ?

Je reproche aux juges d'inventer des infractions et des verdicts.
Barbetorte a écrit:
Libérer un récidiviste n'est pas une faute si cette décision est conforme à la loi.

C'est un autre débat. Je ne débat pas des décisions, uniquement des contradictions entre 1) leurs arbitrages et 2) les lois ou les nécessités de l'éducation par des institutions comme les collectivités ou la famille. Par exemple, à partir du moment où une loi sanctionne les agressions verbales contre les enseignants, ce n'est plus aux juges de les classer sans suite ou de les sanctionner de manière dérisoire.


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 Sujet du message: Re: Pouvoir judiciaire en démocratie
MessagePosté: Dim 1 Mar 2015 00:26 
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Geopolis a écrit:
J'y adhérerais dans la mesure où les juges se contenteraient de prononcer les sanctions prévues par le pouvoir législatif, en l'absence de toute jurisprudence allant à l'encontre des lois. Ils ne sont que des arbitres statuant sur la culpabilité ou l'innocence des prévenus. En somme, le prévenu a-t-il commis ou non l'infraction ?
La loi ne fixe qu'une peine maximale. Le juge a toute latitude pour prononcer une peine moins lourde. Il ne peut en être autrement. Il faut tenir compte des circonstances et de la personnalité de l'accusé.

Geopolis a écrit:
Je reproche aux juges d'inventer des infractions et des verdicts.
Reproche infondé.

Geopolis a écrit:
Barbetorte a écrit:
Libérer un récidiviste n'est pas une faute si cette décision est conforme à la loi.
C'est un autre débat. Je ne débat pas des décisions, uniquement des contradictions entre 1) leurs arbitrages et 2) les lois ou les nécessités de l'éducation par des institutions comme les collectivités ou la famille. Par exemple, à partir du moment où une loi sanctionne les agressions verbales contre les enseignants, ce n'est plus aux juges de les classer sans suite ou de les sanctionner de manière dérisoire.
Vous pensez toujours à votre élève d'onze ans. Que prévoit la loi ? Quelles suites auriez-vous souhaitées ?


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 Sujet du message: Re: Pouvoir judiciaire en démocratie
MessagePosté: Dim 1 Mar 2015 00:50 
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Geopolis a écrit:
Barbetorte a écrit:
Il est normal que le pouvoir judiciaire juge des agents publics si l'action de ces derniers fait l'objet de plaintes ou de contestations.
Uniquement si le pouvoir exécutif s'en désolidarise.
Autrement dit, si les agents de l'Etat commettent des exactionsles et qu'ils sont couverts par le pouvoir, ils sont intouchables. C'est une caractéristique des dictatures.

Geopolis a écrit:
Barbetorte a écrit:
L'exécutif détient la force dont il peut avoir tendance à abuser. C'est celui qui risque d'être victime d'un usage indu de la force qui doit être protégé, et non le détenteur de la force qui doit être immunisé. Vous voudriez accorder un droit de bavure à la police ?
La démocratie devrait le permettre si les suffrages absolvent des abus, permettre aux suffrages de déculpabiliser ces abus.

Le libéralisme devrait l'interdire et contraindre la démocratie aux lois libérales.

Le tout étant de savoir si le libéralisme prévaut sur la démocratie, ou l'inverse.
A l'extrême cela donne le génocide rwandais : une consigne générale de meurtres légitimée par majorité de la population. C'est complètement démentiel. Par ailleurs j'ignore totalement ce que vous entendez par libéralisme. Tout ce que je sais est que le principe de démocratie ne se discute pas. Ce qui peut se discuter est selon quelles modalités exercer la démocratie.


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 Sujet du message: Re: Pouvoir judiciaire en démocratie
MessagePosté: Mar 3 Mar 2015 22:32 
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Geopolis a écrit:
Un magistrat s'est permis de décréter, afin que sa mère en fasse deuil, que son fœtus défunt soit mort... avant de naître. L'Assemblée nationale s'est empressée de régulariser l'arbitrage par une loi.
Il s’agit en fait de la question de l’enfant né sans vie. Selon la législation actuellement en vigueur, la personnalité juridique n’est reconnue qu’aux enfants nés vivants et viables, ce qui est resté inchangé depuis 1803.

Les premières dispositions relatives aux enfants nés morts ou décédés avant la déclaration de naissance sont contenues dans un décret du 4 juillet 1806 : tous les enfants, qu’ils fussent nés vivants ou morts, devaient faire l’objet d’une déclaration et d’une présentation à l’officier d’état civil. En cas de décès antérieur à la déclaration de naissance, l’officier d’état-civil devait dresser un acte de présentation d’un enfant sans vie, devenu acte d’enfant sans vie à compter de la suppression de l’obligation de présentation en 1919, enregistré dans le registre des décès.

A la suite d’un arrêt rendu par la cour de cassation le 7 août 1874 fondé sur les articles 345 du code pénal et 312 du code civil, n’ont plus été enregistrés sur les registres de l’état civil que les enfants nés viables, les fœtus étant considérés comme non viables avant une durée de gestation de cent-quatre-vingt jours.

Depuis l’introduction dans le code civil de l’article 79-1 le 8 janvier 1993, qui a abrogé le décret de 1806, les enfants décédés avant que leur naissance ait été déclarée à l’état-civil font désormais l’objet d’un acte de naissance et d’un acte de décès, ce qui leur assure une personnalité juridique, sous la condition de la production d’un certificat médical indiquant que l’enfant était né vivant et viable. A défaut d’un tel certificat, l’officier d’état-civil dresse un acte d’enfant sans vie inscrit sur le seul registre des décès.

Parallèlement aux dispositions nationales relatives à l’état-civil, des autorités locales avaient pris diverses dispositions afin de permettre à des enfants nés sans vie de recevoir une sépulture. La plus ancienne de ces mesures date de 1868.

L’article 79-1 du code civil ne précisant aucune condition de viabilité, une circulaire prescrivait aux officiers d’état-civil de ne dresser un acte d’enfant sans vie que pour les enfants présumés viables selon la norme retenue par l’OMS, soit un terme de 22 semaines d’aménorrhée ou un poids de 500 grammes.

Entre 1996 et 2001, trois femmes étant accouchées de fœtus chacun pesant moins de 500 g après une aménorrhée de moins de 22 semaines qui demandaient à ce que fût dressé un acte d’enfant sans vie et qui s'étaient heurtées au refus de l’officier d’état-civil ont introduit un recours en justice. Après qu’elles eurent été déboutées en première instance et en appel, la cour de cassation leur a finalement donné raison par trois arrêts rendus simultanément le 6 février 2008 au motif que les conditions imposées par la circulaire suivies par les officiers d’état-civil - une circulaire n’est qu’une instruction adressée aux fonctionnaires, elle est inopposable aux administrés - ajoutait sans base légale des conditions ne figurant pas dans le texte de la loi.

A la suite de ces arrêts ont été pris les décret et arrêté ministériel du 20 août 2008 prescrivant un certificat médical d’accouchement, sans aucune condition de viabilité du fœtus, permettant l’obtention d’un acte d’enfant sans vie. En pratique, les hôpitaux délivrent désormais ce certificat systématiquement après une durée de grossesse de 22 semaines ou pour un poids du fœtus d’au moins 500g et sur demande dans les cas contraires.

Geopolis a écrit:
Notez que dans chaque cas, au-delà du fait qu'on soit d'accord avec les arbitrages judiciaires, ce sont ces arbitrages qui font plier et prennent le pas sur les pouvoirs exécutifs et législatifs.
Si des tribunaux peuvent prendre des décisions provocantes, c'est soit que la loi est muette, soit qu'elle est insuffisamment précise, soit qu'elle est devenue inadaptée, et c'est souvent à l'occasion de l'examen d'un cas concret porté devant une juridiction qu'on s'en aperçoit. Les juges alors font au mieux. Mais ils ne prennent pas le pas. Le législateur, ou l'exécutif lorsque la mesure à prendre est dans le champ de son pouvoir réglementaire, a toujours la possibilité de réagir, soit en validant la jurisprudence, ce qu'il a fait dans l'affaire des enfants sans vie, soit en décidant en sens contraire, ce qu'il a fait à la suite de l'arrêt Perruche. Voilà comment conclut l’avocat général dans les trois affaires tranchées par les arrêts du 6 février 2006 : La jurisprudence a un rôle éminent dans l’actualisation, dans la nouvelle intelligibilité des problèmes conceptuels fondamentaux. Mais il me semble ici que ce n’est pas à elle de fixer la norme, mais à la loi.
Quelle meilleure façon d’y inciter le législateur, que d’écarter du débat la circulaire du 30 novembre 2001 en cassant les décisions qui vous sont soumises ? Vous établirez ainsi une liberté d’initiative totale des familles, dont l’articulation avec les autres textes relatifs à la bioéthique et notamment ceux relatifs à l’IVG ou à la recherche sur l’embryon, permettra au législateur de faire oeuvre d’harmonisation.


Dans le domaine du droit, qui est celui des activités humaines, il n'y a pas toujours une seule solution évidente. Les motifs de refus donnés aux femmes demandant un certificat d'enfant sans vie pour des foetus présumés non viables reposaient sur une interprétation de la loi qui se soutenait fort bien. Mais la cour de cassation a préféré retenir un autre motif tout aussi valable. C'est que la loi n'était pas assez précise. Dans de tels cas il appartient au législateur d'en prendre acte et de combler les lacunes.


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 Sujet du message: Re: Pouvoir judiciaire en démocratie
MessagePosté: Mar 10 Mar 2015 12:17 
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Inscription: Mar 21 Jan 2014 10:15
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Geopolis a écrit:
Quand j'ai commencé à enseigner, existait un "droit de correction" physique réaffirmé par une loi de 1989, me semble-t-il.
Non. En 1989 a été promulgué une loi d'orientation de l'enseignement mais elle ne donne aucun droit de correction physique aux enseignants.

Les corrections physiques sont prohibées dans l'enseignement secondaire depuis 1809 et dans l'enseignement primaire depuis 1834.

Source : [url]probo.free.fr/textes_amis/discipline_2nd_degre_jlg.pdf[/url].

Cette prohibition est confirmée dans l'arrêté ministériel du 5 juillet 1890 toujours en vigueur. Le texte en est reproduit dans le rapport Prum (1991) de l'IGEN.

On ne peut reprocher aux juges d'ignorer une loi imaginaire.


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 Sujet du message: Re: Pouvoir judiciaire en démocratie
MessagePosté: Mer 15 Avr 2015 14:55 
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J'aime parfois jouer la provocation, de manière constructive toutefois. Je me lance donc. ;)

En France il n'y a pas de pouvoir judiciaire proprement dit.

Référez-vous à notre constitution : son titre VIII n'établit qu'une autorité judiciaire.

Et contrairement à ce qu'affirme une certaine doctrine, ...

http://www.conseil-constitutionnel.fr/c ... 17360.html

..., cette distinction n'est pas si anodine que cela.

Elle relève de la conception même de la souveraineté nationale telle qu'elle a été fondée en France à l'occasion de la révolution française et telle (aussi et je dirais même surtout) qu'elle a été interprétée à l'occasion de la période la plus décisive de réorganisation de la France contemporaine, sur les plans administratif et judiciaire, qu'a été celle du consulat et de l'empire.

Même si une indépendance juridique est assurée aux juges du siège dans l'exercice de leurs fonctions, ces juges procèdent d'un seul des autres pouvoirs constitués en tant que tels (l'exécutif et le législatif), et en l'espèce de l'exécutif avec le concours du Conseil supérieur de la magistrature.

Cette précision sémantique opérée, il n'en reste pas moins en effet que dans le débat sur le point de savoir si les juges doivent n'être rien d'autre que la bouche de la loi ou s'ils peuvent être créateurs de droit, la pratique a tranché depuis longtemps. Les juridictions créent effectivement du droit par leur jurisprudence.

Le plus souvent, cette jurisprudence comble le vide ou l'imprécision de la loi sur un point qu'il est nécessaire de combler ou de préciser pour rendre la Justice.

Mais il y a aussi des décisions juridictionnelles qui s'écartent de la loi, dans certains cas même pour la remettre en cause. Ces remises en cause résultent souvent du contrôle du respect d'un droit conventionnel, notamment européen, qui a pris une place de plus en plus importante. Elle peut aussi résulter de véritables choix politiques ou moraux qui conduisent des juridictions, à juger contra legem.

Dans ces différents cas, le législateur peut être conduit à remettre la loi sur l'établi, que ce soit pour valider ce qui n'est encore qu'une interprétation jurisprudentielle, ou pour recadrer les juges en précisant qu'elle est l'intention du législateur, représentant du peuple souverain.

Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, a souvent interpellé le gouvernement et le parlement sur l'enjeu de la qualité de la rédaction des lois, qui laisse trop souvent à désirer, et qui de ce fait ouvre un large champ à la jurisprudence de l'autorité judiciaire.


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