Sylvie Goulard est sous-gouverneure à la Banque de France. Sabine Mauderer est membre du directoire de la Bundesbank.
Dans une tribune publiée dans Les Echos, Sylvie Goulard et Sabine Mauderer rappellent l'engagement des banques centrales en faveur de la protection du climat et de l'environnement.
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Comment les banques centrales veulent « verdir » la finance
Publié le 8 juil. 2019
Le changement climatique concerne-t-il les banques centrales ? La réponse est résolument oui. Le réchauffement planétaire des températures entraîne des risques financiers considérables, mettant en péril la stabilité de tout le système financier.
Ainsi la multiplication de phénomènes météorologiques extrêmes avec des canicules et des fortes précipitations peut détruire des actifs financiers, en rendant certaines zones inhabitables et en détruisant des récoltes. De plus, les changements de comportement et les changements politiques - comme l'abandon des technologies « brunes » - peuvent évincer certaines entreprises ou certains secteurs d'activité du marché et ainsi provoquer des pertes financières.
Tous ces risques financiers sont réels. C'est pourquoi les banques centrales s'occupent de plus en plus des conséquences du changement climatique pour la finance et encouragent activement son verdissement. Ainsi la Bundesbank et la Banque de France font partie des membres fondateurs du Réseau des banques centrales et superviseurs pour le verdissement du système financier - Network for Greening the Financial System (NGFS) -, qui, depuis 2017, s'est fixé comme objectif d'analyser les risques financiers liés au changement climatique et de soutenir la réalisation des objectifs de l'Accord de Paris.
Nos membres représentent déjà 45 % du PIB mondial.
La pression pour agir est forte. Entre-temps, 40 banques centrales et superviseurs bancaires des cinq continents ont rejoint le NGFS, soit cinq fois plus que lors de sa création. Aujourd'hui, nos membres représentent déjà 45 % du PIB mondial, ils contrôlent trois quarts des banques et deux tiers des compagnies d'assurances d'importance systémique dans le monde. Nous souhaitons convaincre davantage de banques centrales de pays en voie de développement, car ce sont les régions du monde les plus pauvres qui sont le plus impactées par les conséquences du changement climatique.
Que faisons-nous concrètement ? En avril, le NGFS a émis une série de recommandations. L'une des principales préconisations invite les superviseurs des banques à prendre davantage en compte les risques liés au climat et à garantir que ces risques soient identifiés et traités de façon appropriée. Le changement climatique et la politique climatique peuvent affecter les bilans et les modèles commerciaux des banques commerciales de différentes manières. Ainsi, si un établissement financier a, par exemple, accordé de façon accrue des crédits à des secteurs exposés au risque climatique, des décisions de politique climatique ou le progrès technologique peuvent augmenter le risque que ces crédits ne soient pas totalement remboursés.
De plus, toutes les banques centrales sont invitées à donner l'exemple dans le cadre de leurs propres opérations via une gestion durable de leurs portefeuilles. Avec sa Charte d'investissement responsable, la Banque de France a déjà franchi une étape clef.
La Bundesbank s'est également verdie. En sa qualité de gestionnaire du patrimoine de l'Etat fédéral allemand et des Länder, elle investit des montants élevés selon des critères durables. Actuellement, la Bundesbank étudie comment elle pourrait placer son propre portefeuille selon des critères durables. Une stratégie d'investissement responsable n'est pas seulement un accessoire attractif. Elle fait de plus en plus partie intégrante de la stratégie des banques centrales.
Ce n'est pas tout : à Paris comme à Berlin, la protection du climat et la finance verte en particulier figurent désormais parmi les priorités de l'agenda politique. Tandis que la France a déjà émis des emprunts d'Etat verts, cette idée séduit de plus en plus en Allemagne. Compte tenu de la dynamique de marché, il est probable qu'un emprunt d'Etat vert allemand susciterait un vif intérêt auprès des investisseurs.
Cependant, les émissions mondiales de CO2 augmentent encore. C'est pour cela qu'il est important que les banques centrales scrutent non seulement les conséquences du changement climatique sur le système financier, mais aussi son impact sur l'inflation et la performance économique. Ces sujets délicats requièrent le développement d'une expertise plus grande. Le changement climatique nous concerne tous. Il nous faut agir maintenant - dans le strict respect de notre mandat de stabilité des prix - pour réduire les risques futurs.