Geopolis, je dois reconnaître que cette conversation aura au moins eu le mérite de m’inciter à me plonger dans le rapport du GIEC (non seulement le résumé pour les décideurs », mais le « résumé technique » et même le corps du rapport), pour essayer de comprendre comment ils ont travaillé.
Au cas où cela vous intéresserait :
https://www.ipcc.ch/report/ar5/wg1/Geopolis a écrit:
Dupleix a écrit:
Je note que le rapport du GIEC ne prétend pas démontrer une causalité humaine, mais parle en termes de probabilités. Par exemple, dans le 5ème rapport : « il est extrêmement probable qu’ils [les effets des émissions anthropiques] aient été la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle ».
Ainsi, aussi bien ceux qui disent que cette causalité est démontrée [...] me semblent également de mauvaise foi.
Ce qui nous conduit à la démonstration scientifique. Celle-ci se fonde sur trois types de preuves.
La plus faible de ces preuves est la corrélation. Elle stipule que deux événements concomitants pourraient avoir une relation de cause à effet. C'est sur ce seul type de preuve que fonctionne le GIEC : 1. "L'homme libère du CO2 dans l'atmosphère" ; 2. "Il y a de plus en plus de CO2 dans l'atmosphère." ; 3. "Les températures augmentent." qui est devenu, à cause des années 2001-2013 ou elles ont diminué ou se sont stabilisées : "Le climat se dérègle."
Or une corrélation ne démontre pas la relation de cause à effet.
Je me trompe certainement, n’étant pas comme vous un spécialiste du raisonnement scientifique, mais il me semble que quand on écrit en termes de probabilité, c’est justement pour dire que l’on n’apporte pas une démonstration complète de causalité. Personnellement je fais une différence entre « il est (très) probable que » et « il est prouvé que ». Cela dit, dans la vie, on a rarement des preuves.
Certes, il ne reste plus grand-chose de cette prudence dans le discours public.
Geopolis a écrit:
On peut aussi bien affirmer que "Plus Dupleix vieillit, plus il y a de CO2 dans l'atmosphère." Les deux phénomènes sont strictement corrélés sans relation de cause à effet entre eux.
Mouais. Vous m’accorderez tout de même que la combustion des hydrocarbures, qui produit du CO2 qui se répand dans l’atmosphère, a davantage de chances que mon âge d’avoir un effet sur la quantité de CO2 dans l’atmosphère.
Ceci, mais plus globalement la manière dont vous décrivez ici les théories sur le changement climatique, est clairement une caricature, qui fait davantage honneur à votre vigueur de polémiste qu’à vos compétences en matière de raisonnement scientifique.
Car contrairement à ce que vous affirmez à de multiples reprises, le GIEC ne se limite pas à faire des corrélations et à leur attribuer une valeur de preuve (même si c’est ce qu’en retiennent la plupart de ceux qui relaient ses travaux).
Comme tous les scientifiques qui essaient de comprendre et de prévoir des phénomènes complexes, il utilise des modèles. Un modèle consiste à intégrer l’ensemble des phénomènes qui ont une influence sur ce que l’on cherche à comprendre ou à prévoir. Il se base donc sur un ensemble de lois (lois des mécaniques des fluides ou des milieux continus, réactions chimiques, thermodynamique , etc), sur une modélisation, et sur les données d’entrée nécessaires au fonctionnement du modèle et à son calage sur les observations réalisées.
Le chapitre 6 dans le rapport du groupe de travail n°1 pour le 5ème rapport du GIEC illustre par exemple de manière simplifiée (page 471) comment peuvent être modélisés les cycles du carbone, du méthane et de l’azote. (Mais j’ai cru comprendre en parcourant le rapport que les effets des aérosols, des nuages, du volcanisme, de l’activité solaire, etc. ont été pris en compte dans certains modèles.)
Le calage du modèle sur les observations consiste ensuite à ajuster les différents paramètres du modèle de manière à ce que les données de sortie des simulations soient le plus cohérentes possible avec les observations, et à ce stade il est effectivement fait usage de corrélations.
Et c’est ensuite, quand le modèle est calé, que l’on s’en sert pour faire des prévisions.
Je suis désolé de vous infliger ces explications laborieuses, vous connaissez peut-être tout cela très bien, mais cela n’apparaît nulle part dans votre argumentation.
Parmi les données d’entrée, puisque vous le mentionnez, il y bien - entre autres - les observations paléoclimatiques : elles font l’objet du chapitre 5 (82 pages) dans le rapport du groupe de travail n°1 pour le 5ème rapport du GIEC. Donc, ce n’est pas le GIEC qui « s’enflamme avec si peu de recul », comme vous dites.
Au-delà des données, la différence avec une simple corrélation c’est évidemment que le modèle utilise des lois physiques, et c’est comme cela que l’on peut estimer qu’il y a relation de causalité (avec un certain degré de probabilité qui peut être évalué par exemple par la dispersion des résultats ou par des comparaisons entre modèles ou d’autres méthodes plus sophistiquées). Pour se faire une idée du type de modèles utilisés, voici un extrait (en anglais, désolé) du 5ème rapport :
Citation:
A spectrum of models is used to project quantitatively the climate response to forcings. The simplest energy balance models use one box to represent the Earth system and solve the global energy balance to deduce globally averaged surface air temperature. At the other extreme, full complexity three-dimensional climate models include the explicit solution of energy, momentum and mass conservation equations at millions of points on the Earth in the atmosphere, land, ocean and cryosphere. More recently, capabilities for the explicit simulation of the biosphere, the carbon cycle and atmospheric chemistry have been added to the full complexity models, and these models are called Earth System Models (ESMs). Earth System Models of Intermediate Complexity include the same processes as ESMs, but at reduced resolution, and thus can be simulated for longer periods (see Annex III for Glossary and Section 9.1).
Quand je parle de « travaux » du GIEC, c’est notamment à ça que je fais référence. Cela va manifestement au-delà de la comparaison de 3 courbes.
Je suis tout à fait prêt à admettre que les modèles climatiques sont très complexes, qu’il y a des phénomènes dont on a du mal à déterminer les effets, et que pour ces raisons l’utilisation médiatique qui est faite des résultats manque de nuance et sans doute de prudence (quoique à mon avis, comme je l’ai dit, cela ne doive pas changer la conclusion à en tirer en termes d’action).
Je suis même prêt à faire un effort pour admettre, puisque c’est votre argument, qu’il soit de bonne guerre de caricaturer ces travaux pour les faire apparaître sous un jour inepte et les contester.
Mais faire cette caricature au nom de la rigueur intellectuelle, cela relève de l’imposture.
Geopolis a écrit:
C'est pourquoi les scientifiques les plus avertis et consciencieux restent dubitatifs devant les affirmations clamant une relation de cause à effet entre les émissions "humaines" de CO2, l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère et les changements climatiques.
J’ai bien compris que sur la base de votre description des travaux du GIEC se résumant à quelques corrélations, vous estimez que les très nombreux scientifiques qui y participent ne sont ni avertis, ni consciencieux. On se demande bien pourquoi il a fallu autant de monde pour faire si peu de travail, et aussi comment on a trouvé autant de mauvais scientifiques dans la communauté internationale. Néanmoins, si le seul exemple de scientifique consciencieux et averti que vous avez à proposez est celle qui mentionne un refroidissement climatique détectable depuis un an, cela ne me convainc guère.
Geopolis a écrit:
1. Les climato-alarmistes n'utilisent que ces attaques pour dénigrer leurs contradicteurs, des "mercenaires du business polluant" ou "idiots utiles incompétents" ; il paraît normal qu'elles leur soient retournées, qui plus est très légitimement ("mercenaires du business écolo et des apôtres du gouvernement global" et autres "vedettes médiatiques idiots utiles incompétents") ; des scientifiques climato-alarmistes ont même réclamé la censure et l'ostracisme de scientifiques contradicteurs, ce qui est idéologique et antiscientifique.
Bon, si c’est celui qui dit qui y est, alors d’accord.
Au passage il serait utile que vous définissiez ce que vous appelez collectivement « les climato-alarmistes », ensemble dont j’ai du mal à saisir le contour mais qui semble coupable de bien des maux.
Geopolis a écrit:
Le GIEC est très gêné quand ses prédictions n'adviennent pas et modifie ses constats tout en tentant de trouver des phénomènes expliquant pourquoi il s'est planté.
Soyons honnêtes : s’il faisait le contraire, s’il refusait de revoir son analyse malgré la survenue de phénomènes en écart avec celles-ci, vous diriez que ce n’est pas un comportement scientifique, et vous auriez raison. Mais là, vous lui reprochez en somme d’adapter sa théorie aux observations : étrange pour quelqu’un qui se réclame de la rigueur scientifique.
De la même manière il ne me semble pas choquant que d’un rapport à l’autre, de nouveaux phénomènes puissent être intégrés dans les modélisations et modifier les conclusions.
Geopolis a écrit:
Dupleix a écrit:
Et donc dans ce genre de discussion j’ai tendance à m’appuyer non seulement sur mon bon sens (dont on voit qu’il est faillible), mais aussi sur les résultats scientifiques, et donc à accorder un minimum de confiance aux scientifiques (je sais que ce n’est pas très à la mode).
Et du peu que j’ai pu comprendre :
- la température actuelle moyenne de la planète est à un maximum historique, et elle augmente depuis 50 ans ;
- certains gaz, dont le CO2, produisent un effet de serre qui provoque une augmentation de la température moyenne ;
- la concentration en CO2 dans l’atmosphère a fortement augmenté depuis un siècle et est notablement supérieure à ce qu’elle a été pendant plusieurs centaines de milliers d’années ;
- aujourd’hui l’activité humaine émet de grandes quantité de CO2 dans l’atmosphère.
D'accord sur cela.
Dupleix a écrit:
Conclusion : tout est en place pour que la température moyenne atteigne des niveaux jamais vus dans l'époque historique, et l'activité humaine y contribue.
Comme vous admettez mon raisonnement et omettez de contester cette conclusion, j’en déduis que vous êtes d’accord.
Geopolis a écrit:
Dupleix a écrit:
Conclusion : tout est en place pour que la température moyenne atteigne des niveaux jamais vus dans l'époque historique, et l'activité humaine y contribue.
Donc :
- soit on pense que l’on pourra s’adapter sans problème à une augmentation future de la température moyenne. Ce n'est pas mon cas, l'histoire nous montre que des variations bien plus faibles de température ont eu des effets importants sur les sociétés humaines ;
Non, les périodes dont vous parlez présentaient des écarts de températures plus importants que les actuels. Par exemple, il y avait des forêts au Groenland, on cultivait la vigne en Angleterre et les Pays-Bas étaient submergés durant la période d'expansion des Vikings. D'ailleurs, nous sortons d'un épisode très froid (vers 1800) et d'un autre moindre (vers 1940) et il paraît peu surprenant que les températures augmentent depuis, d'autant que l'unique relevé fiable remonte vers 1900 (au Bourget) ; comment s'enflammer avec si peu de relevés et de recul ?
Bon, voilà ce qu’on trouve sur le site de météo France (extrait du rapport du GIEC de 2007) :
Et depuis 2000, on n’est pas à la baisse.
Donc au temps des Vikings, il semble qu'il faisait un peu moins chaud qu’aujourd’hui (en moyenne sur l’hémisphère Nord), et donc encore moins que demain si le réchauffement se poursuit. Certes, il est possible que localement la différence soit plus faible. Néanmoins :
- s’il y avait des forêts au Groenland et pas aujourd’hui, c’est peut-être parce que personne ne les avait encore coupées (tout comme en Islande, aux Orcades, etc. ) ;
- s’il y avait de la vigne en Angleterre et pas aujourd’hui, c’est peut-être parce que personne aujourd’hui ne boirait ni ne vendrait la piquette qu’ils consommaient à l’époque ;
- si les Pays-Bas étaient submergés et pas aujourd’hui, c’est peut-être parce que le système d’endiguement construit et entretenu depuis le XVIIème siècle est plus complet et plus efficace.
Vos exemples ne prouvent donc pas grand chose et relèvent plutôt de la corrélation hasardeuse. Un peu de rigueur scientifique, que diable
.
Ceci dit je vous accorde que faire référence au passé n’était pas le plus pertinent, puisqu’il n’y a pas eu dans l’époque historique de hausse similaire (notamment en termes de vitesse d’augmentation) à celle d’aujourd’hui. Néanmoins je suis persuadé que les perturbations créées sur les sociétés humaines par des changements climatiques, surtout rapides, peuvent être dévastateurs.