Vous confondez arbitrage et conciliation et vous n'évoquez que des contentieux de droit national privé alors que le projet de pacte transatlantique pose des questions de droit international public.
Il y en a deux, que j'ai soulignées plutôt que dénoncées.
1. Une loi (ou un règlement) peut-il créer un préjudice susceptible de donner à des personnes privées un droit à indemnisation envers un Etat ?
2. La seule juridiction compétente pour constater le préjudice et déterminer le montant de l'indemnisation à laquelle l'Etat est condamné peut-il être un tribunal arbitral, c'est à dire une justice privée ?
En droit français, la loi ne crée pas de préjudice. Au cas où l'on pourrait l'oublier, le législateur a tenu à le rappeler dans le code de l'urbanisme. Imaginez que vous possédiez un terrain constructible selon le plan d'urbanisme en vigueur mais que le conseil municipal décide de modifier ce plan avec pour effet de rendre votre terrain inconstructible et donc d'en diviser la valeur vénale par cinq ou dix. Vous pourriez être tenté de demander une indemnité en compensation à la commune. Mais ce serait en vain.
Dans le cadre de l'ALENA, et vraisemblablement dans le cadre du traité transatlantique, une telle exigence serait recevable sur le fondement de la clause de protection des investisseurs. C'est ainsi que la Lone Pine Resources, une entreprise ayant son siège aux Etats-Unis qui a prospecté dans la vallée du Saint Laurent, réclame au Canada 250 millions de dollars parce que la province du Québec a décidé un moratoire sur l'exploitation du gaz de schiste.
Le principe d'une telle clause peut néanmoins se justifier dans une certaine mesure. Il apporte une garantie efficace contre des mesures protectionnistes qui ne seraient pas dans l'esprit du traité. Mais il peut être un frein à des mesures de protections sanitaires ou environnementales. Aussi ces clauses doivent-elles être négociées avec une extrême prudence.
L'institution d'une juridiction internationale chargée de régler les litiges s'élevant dans le cadre d'un traité ne peut qu'en faciliter la bonne application. On peut néanmoins s'interroger sur le choix de confier les litiges à des personnes privées plutôt qu'à des personnes à qui on confèrerait le statut de magistrat. Il y a surtout lieu de s'inquiéter de l'existence d'éventuelles règles de confidentialité. Si elles sont habituelles en matière d'arbitrage, elles ne seraient pas acceptables dès lors que l'Etat est partie au litige.
On peut avoir un aperçu des dispositions relatives au règlement des différends de l'ALÉNA en suivant ce lien :
https://www.nafta-sec-alena.org/Default.aspx?tabid=137&language=fr-CA