Il faudrait savoir.
Un jour vous dites qu'il n'y a pas lieu de s'effaroucher à l'idée que l'application d'un traité de libre-échange soit supervisée par une justice privée supranationale, que ce ne serait ni dangereux ni nouveau, le contentieux administratif existant depuis au moins deux siècles (ce qui est d'ailleurs faux, mais passons), le lendemain vous agitez le spectre du FMI qui a fait couler l'Argentine, avertissant que la France pourrait se trouver dans la même situation victime de fonds d'investissement vautours et concluant que les gens ont des motifs compréhensibles de redouter la mise en place d'un tribunal international spécial dans le cadre de ce traité.
En ce qui concerne l'idée d'une indemnisation au profit des personnes dont une restriction du droit à construire serait défavorable à leurs intérêts particuliers, un jour vous dites :
Au fait, votre exemple imaginaire est tellement imaginaire que tous ceux qui ont essayé ont perdu. Le lendemain :
L'exemple "imaginaire" que vous évoquiez plus haut ne l'est pas dans les faits. Il est possible depuis pas mal de temps. Enfin, lorsque je vous prouve que ce n'est pas possible, vous essayez de vous rattraper aux branches par :
vous semblez vouloir ignorer que le code de l'urbanisme ne s'adresse qu'à des affaires d'urbanisme. Sauf que j'avais bien précisé que l'article L 160-5 du code de l'urbanisme ne faisait que reprendre un
principe général du droit qui, à ma connaissance, n'est écrit dans aucun texte général mais qui résulte de façon évidente de la notion même de loi, expression de la volonté souveraine s'exerçant dans l'intérêt général devant lequel les intérêts particuliers doivent s'incliner dans les limites du respect des principes fondamentaux (déclaration des droits de l'homme et du citoyen, préambule de la constitution de 1946, principes généraux reconnus par les lois de la République).
Citation:
une multinationale qui s'estimerait lésée par une décision politique française pourrait très bien porter plainte devant n'importe quel tribunal américain et obtenir gain de cause
Vu que les Etats-Unis et la France reconnaissent réciproquement la souveraineté de l'autre, je ne vois pas comment ce serait possible. Il faudrait exposer plus précisément des cas vraisemblables. Pour l'instant je n'en vois pas. De toutes façons, la plainte étant un acte de procédure pénale, le terme "porter plainte" est dans un tel contexte impropre. Dans l'affaire de l'annulation d'un schéma éolien que vous avez évoquée, les tribunaux américains sont incompétents aussi bien selon la loi américaine que selon la loi française. Cela n'interdit pas les entreprises américaines d'intenter un recours dans la mesure où elles peuvent attester d'un intérêt à agir, mais elles ne peuvent le faire que devant la juridiction française compétente et l'affaire sera alors jugée au regard de la loi française.
J'arrête là cet échange stérile.
L'exemple donné par Panzermeister d'un recours de sociétés européennes contre une augmentation du salaire minimum en Egypte doit alerter. Je ne crois pas qu'il faille repousser en bloc le projet de traité de libre-échange transatlantique. Il peut être d'un intérêt réciproque d'abaisser certaines barrières non tarifaires mais il faut se garder des lobbies qui font pression pour les abolir toutes au détriment des mesures de préservation prises légitimement par les Etats dans les domaines de l'environnement, de la protection sociale, de la santé, de la culture, de la défense nationale etc. Le cas de l'agriculture est particulièrement délicat. Aux Etats-Unis comme en Europe les subventions publiques représentent une part notable des revenus des agriculteurs. On peut le regretter et considérer cela comme aberrant, mais le fait est qu'on on n'est pas parvenu jusqu'à présent à étendre le libre-échange à l'ensemble des productions agricoles. Vouloir précipiter le mouvement serait désastreux.
L'instauration d'une juridiction supra-nationale chargée de contrôler la bonne application du traité n'est, elle encore, pas à rejeter d'emblée. Mais ses possibilités d'intervention à l'encontre des législations ou réglementations nationales devraient alors être très fermement verrouillées par les termes du traité. Il y a un équilibre à trouver et cette question fait l'objet d'une fiche de la commission européenne dont je donne à nouveau le lien :
http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2013/december/tradoc_152016.pdf. Dans le doute il vaudrait mieux renoncer à cette idée et c'est, selon ce que j'ai pu lire, ce à quoi tendraient actuellement les négociateurs européens. Si ce projet de juridiction supra-nationale devait finalement être retenu, je ne comprendrais pas pour quelle raison elle devrait prendre la forme d'un tribunal arbitral. Qu'une justice privée puisse s'imposer à un Etat souverain est en soi une aberration et, de toutes façons, il serait absolument inacceptable qu'elle fonctionne selon une procédure confidentielle comme il est de règle générale en matière d'arbitrage. Dès lors qu'un Etat est en cause, la procédure concerne l'ensemble de ses citoyens et il est alors absolument impératif que la procédure soit publique comme c'est la règle devant toutes les juridictions publiques (à l'exception bien sûr des huis clos dans certaines affaires pénales). Le modèle d'une telle juridiction pourrait être celui du tribunal international du droit de la mer composé non d'arbitres mais de juges ayant un statut de fonctionnaires internationaux.