Narduccio a écrit:
De nombreuses entreprises portent plaintes régulièrement devant diverses instances contre l’État français. Certaines gagnent, mais de nombreuses plaintes sont classées sans suite, voire déboutées suite à l'instruction qui peut être plus ou moins longue. Ne regardez pas le fait que les entreprises portent plaintes, mais regardez les résultats.
Selon vous, l'affaire de la Lone Pine Resources contre le Canada étant toujours pendante, il n'y a pas lieu de s'en préoccuper. Ce n'est pas mon avis. Le simple fait que cette entreprise dispose d'arguments juridiques sur le fondement du chapitre 11 de l'ALENA mérite attention et doit inciter à la prudence quant au projet de traité de libre-échange transatlantique. Je ne pense pas que les juristes de cette entreprise soient idiots au point de se lancer dans une affaire perdue d'avance.
Narduccio a écrit:
Autre point : de nombreux investisseurs américains portent plaintes contre des pays tiers devant des tribunaux américains (qui ont tendance à appliquer le droit commercial et à donner raison aux investisseurs). Mais, l'ONU a appelé les USA a faire attention, le droit des nations n'est pas le droit commercial. Si une nation a signé un contrat commercial classique, elle doit s'y tenir. Mais, un État reste souverain sur son territoire et ces sentences sont donc nulles et non-avenues.
Quand une nation signe un traité, elle doit s'y tenir. Si, dans un traité international, une nation s'engage à des garanties à l'égard des investisseurs, elle devra assurer ces garanties et, de ce fait, accepte de limiter son pouvoir réglementaire. Cette question délicate fait l'objet d'une fiche de synthèse (de douze pages tout de même) de la Commission Européenne :
http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2013/december/tradoc_152016.pdf. Le problème à résoudre s'énonce ainsi :
Trouver un équilibre entre le droit des Etats à réglementer et la nécessité de protéger les investisseurs.Les sentences prononcées contre l'Argentine par des tribunaux américains sont valides sur le territoire américain et s'appliquent aux avoirs que l'Etat argentin peut posséder sur le territoire américain. De fait, cela interdit à l'Argentine de placer des avoirs aux Etats-Unis.
Narduccio a écrit:
Si on prend le cas de l'Argentine, son problème est qu'en fait, elle doit encore emprunter et qu'elle a besoin d'argent de la part d'investisseurs (et surtout d'investisseurs américains). Donc, elle a le choix entre se plier aux décisions des tribunaux américains qui lui donnent tort et continuer à récolter des fonds ou décider de ne pas les respecter, au risque de perdre les investisseurs. Mais, d'autres pays, ne se sont pas gênés pour faire ce que bon leur semble.
Le cas de l'Argentine est celui d'un Etat en situation de banqueroute, c'est à dire qu'il n'est plus en mesure de tenir ses engagements financiers. Dans le cadre du futur traité transatlantique on présuppose deux choses :
- que les parties signataires ne seront pas en situation de banqueroute,
- qu'elles ont l'intention d'appliquer le traité de bonne foi.
Narduccio a écrit:
Au fait, votre exemple imaginaire est tellement imaginaire que tous ceux qui ont essayé ont perdu. Et parfois des entreprises qui avaient investi des millions en frais à la demande de l'équipe communale précédente.
Je ne pense pas que beaucoup aient essayé parce qu'en l'Etat actuel du droit une telle prétention n'est pas recevable et j'ai expliqué pourquoi (relisez les pages 2 et 3 de ce fil de discussion). Le problème est que, selon comment sera négocié le futur traité transatlantique, aussi étonnant que cela puisse vous paraître, cela pourrait devenir possible. De même que la Lone Pine Resources peut attaquer l'Etat canadien pour avoir décidé un moratoire sur l'exploitation du gaz de schiste, une entreprise étrangère dont les projets d'investissement en France seraient compromis par une modification des règles locales d'urbanisme de la commune où elle avait envisagé de s'installer pourrait traduire l'Etat français devant un tribunal arbitral pour obtenir de ce dernier une indemnisation financés par le contribuable français.