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 Sujet du message: Re: Le pacte transatlantique
MessagePosté: Sam 21 Fév 2015 03:18 
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Barbetorte a écrit:
Je crois que vous n'avez pas compris quel était le sujet du débat. Nous parlons du projet de pacte transatlantique qui devrait contenir une clause de protection des investisseurs laquelle serait garantie par une juridiction supranationale chargée d'appliquer cette protection au profit des entreprises à l'encontre des Etats adhérant au pacte.

Dans l'affaire d'annulation du schéma éolien de la région Aquitaine que vous mentionnez, si le pacte transatlantique était conclu comme redouté par certains, les entreprises étrangères produisant des éoliennes, mais non les françaises, pourraient avoir droit à une indemnisation de la part de l'Etat français ( même si le schéma éolien ressort de la compétence de la région Aquitaine ) pour manque à gagner. Là est le problème.


Je parles bien de la même chose : du pouvoir d'une société commerciale de se retourner en justice contre une collectivité si elle estime que cette collectivité lui a porté préjudice en ne respectant pas la loi. Et cela, existe déjà de nos jours et depuis pas mal de temps dans notre société. ceux qui prétendent que ce sera différent avec ce pacte, soit se masquent les yeux pour ne pas voir la réalité, soit ils nous prennent pour des idiots. La seule différence, c'est que pour l'instant, il fallait aller soit devant des juridictions nationales, soit devant les rares juridictions internationales. Or, les juridictions internationales traitent, actuellement, soit de différents entre nations, soit de droit pénal pour des individus qui ont commis des crimes comme des génocides ou des crimes contre l'Humanité. Donc, on ajoute un outil au niveau supranational, mais c'est un outils qui existe déjà au niveau local et national. J'ignorais que les sociétés qui portent plainte contre l’État ou une collectivité locale attentaient tellement à la démocratie. J'attends une démonstration montrant que ce qui est licite au niveau local ou national depuis environ 2 siècles, en France (par exemple) deviendrait dangereux quand cela sera transposé au niveau international. Vous savez, une multinationale a les moyens de se payer les meilleurs avocats, voire même d'acheter le juge, les jurés et leurs familles.

Aujourd'hui, en France, n'importe quelle société de droit privé peut attaquer l’État, ses représentants, les collectivités locales et leurs représentants si elles estiment que leurs droits son bafoués. Par exemple, le droit local alsacien-mosellan est régulièrement attaqué sur divers points par diverses entreprises. Souvent, les tribunaux donnent raison aux collectivités locales. Parfois, ils donnent raison aux plaignants. Ce qui n'est pas antidémocratique quand c'est au niveau local ou national serait donc antidémocratique quand on passe au niveau supérieur ? Et les associations qui s'élèvent contre ce pacte ne se privent pas d'attaquer l’État, ses représentants, les collectivités locales ou leurs représentants. Et ils sont bien contents de pouvoir le faire.

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 Sujet du message: Re: Le pacte transatlantique
MessagePosté: Sam 21 Fév 2015 12:49 
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Narduccio a écrit:
Je parles bien de la même chose : du pouvoir d'une société commerciale de se retourner en justice contre une collectivité si elle estime que cette collectivité lui a porté préjudice en ne respectant pas la loi. Et cela, existe déjà de nos jours et depuis pas mal de temps dans notre société.
Eh bien non, vous n'avez toujours pas compris. Il ne s'agit pas de contester le bien fondé des recours contre la puissance publique, mais d'une innovation majeure, inconnue actuellement dans notre système juridique qui est celle de la PROTECTION DES INVESTISSEURS contre les évolutions législatives et réglementaires. Cette innovation bat en brèche un principe de base qui est que LA LOI NE PORTE PAS PREJUDICE. Quand je dis que, demain, une modification d'un PLU parfaitement légale pourrait conduire à une indemnisation des propriétaires (aux frais de la collectivité) à qui cette modification des règles d'urbanisme serait défavorable, vous ricanez. Mais, non, ce n'est pas possible dites-vous. Ceux qui ont essayé en sont pour leur frais. Eh bien demain, ce pourrait être possible sur le fondement de ce nouveau principe de protection des investisseurs. Actuellement, si vous possédez un terrain constructible, vous détenez un droit à construire. Mais ce n'est pas un droit éternel. La puissance publique compétente peut modifier les règles d'urbanisme, en conformité avec la loi bien entendu, et, de ce fait, vous retirer votre droit à construire et ce sans indemnisation parce ce droit n'est pas éternel mais précaire.

Aujourd'hui, on peut évidemment contester les actes administratifs, et même la loi depuis l'introduction de la QPC. Mais la contestation ne peut aboutir que si la puissance publique a enfreint la loi. Demain, si l'on n'y prend garde, une contestation de mesures réglementaires ou législatives pourrait aboutir même si ces mesures ont été prises en parfaite conformité avec la loi ou la constitution : il suffirait d'attester que la mesure contestée nuit à des intérêts particuliers.

Je reprends des informations données par Panzermeister, malheureusement sans précision, mais on peut les vérifier. Voilà ce à quoi pourrait conduire le pacte en cours de négociation :
Citation:
On a pu voir récemment des sociétés européennes engager des poursuites contre l’augmentation du salaire minimum en Egypte ou contre la limitation des émissions toxiques au Pérou, l’Alena servant dans ce dernier cas à protéger le droit de polluer du groupe américain Renco. Autre exemple : le géant de la cigarette Philip Morris, incommodé par les législations antitabac de l’Uruguay et de l’Australie, a assigné ces deux pays devant un tribunal spécial. Le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly entend se faire justice face au Canada, coupable d’avoir mis en place un système de brevets qui rend certains médicaments plus abordables. Le fournisseur d’électricité suédois Vattenfall réclame plusieurs milliards d’euros à l’Allemagne pour son « tournant énergétique », qui encadre plus sévèrement les centrales à charbon et promet une sortie du nucléaire.


Cela donne à réfléchir. Sur le sujet, j'ai fourni un lien vers un document, disponible en version française, de la Commission Européenne qui le traite de façon assez détaillée. Je le donne à nouveau : http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2013/december/tradoc_152016.pdf. et je vous invite à le consulter avant de continuer à débattre en méconnaissance de cause.


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 Sujet du message: Re: Le pacte transatlantique
MessagePosté: Sam 21 Fév 2015 15:27 
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Vous ne cessez de dire que je n'ai rien compris, ce qui est pas très agréable à lire, mais actuellement des investisseurs ont parfaitement le droit de poursuivre la puissance publique et ils ne s'en privent pas pour le faire. Si vous le désirez, je peux mettre des portions de phrases en majuscule, ce qui selon la netétiquette revient à hurler, je peux aussi les mettre en gras ou en une autre couleur, çà ne change rien au fait que ce soit déjà le cas.

La seule différence c'est que c'est devant des juridictions locales. Ce qui fait qu'un pays comme l'Argentine est poursuivi par un consortium de créditeurs devant un juge local américain qui leur a donné plusieurs fois raisons, alors que des organismes internationaux, comme l'ONU ont essayé de faire comprendre aux américains la "vraie" échelle juridictionnelle internationale. Mais, soit-disant pour respecter l'indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs, l'équivalent du ministère de l'extérieur américain refuse de s'en mêler. Il est fort possible que face à des juges spécialisés internationaux, l'Argentine s'en sorte mieux, puisque le juge américain en charge de l'affaire gère cela comme un litige commercial opposant 2 sociétés de droit privé. En France, il y a eu quelques tentatives de certaines entreprises privées (des petits, comme des grands groupes), mais le Conseil d’État casse systématiquement les jugements où l'on chercherait à confondre puissance publique et droit privé. Mais, il donne raison aux plaignants privés chaque fois que des services de l’État n'y apparaissent en tant que mandataires de la puissance publique.

Par exemple, ces 2 affaires assez anciennes, mais qui fondent la jurisprudence en ce qui concerne la notion de droit privé/droit administratif en fonction du principe d'intérêt général :
Citation:
8 juillet 1963, Société entreprise Peyrot, n° 01804
Le Tribunal des conflits déroge au principe selon lequel un contrat conclu entre deux personnes privées ne peut revêtir le caractère d’un contrat administratif. Il convient également de considérer l’objet du contrat qui vise un but d’intérêt général. Dans cet arrêt, le Tribunal des conflits juge que la construction des autoroutes comme la construction des routes nationales est une mission appartenant par nature à l’Etat et qu’il n’y a pas lieu de distinguer selon que la construction est assurée directement par l’Etat ou par un concessionnaire. Lorsque cette mission est confiée à un concessionnaire, celui-ci agit en réalité pour le compte de l’Etat. Le contrat conclu entre ce concessionnaire et l’entreprise titulaire du marché pour l’exécution des travaux nécessaires à la construction de l’autoroute, même conclu entre deux personnes privées doit, par suite, être qualifié de contrat administratif et soumis au droit public.


[quote3 mars 1969, Société interprofessionnelle du lait et de ses dérivés Interlait, n° 01926
Le Tribunal des conflits apporte une limite à la jurisprudence Peyrot (TC 8 juillet 1963 Peyrot n°01804) et maintient le principe selon lequel un contrat conclu entre deux personnes privées ne peut être qualifié de contrat administratif même si l’un des deux cocontractants est chargé d’une mission de service public. Le Tribunal retient qu’une société de droit privé intervenant en matière de régularisation de prix exerce une mission de service public, mais que, toutefois, elle se livre librement à des opérations commerciales soumises aux règles de droit privé. Par suite, les litiges opposant cette société à ses clients ou à ses fournisseurs relèvent de la compétence du juge judiciaire. Le Tribunal des conflits distingue donc les missions appartenant par nature à l’Etat comme la construction des routes, dans l’hypothèse de l’arrêt Peyrot, et les activités étatiques nouvelles de caractère économique et social. [/quote]

Cela vient de cette page http://www.tribunal-conflits.fr/decisions-quelques-grands-arrets.html

Si vous le désirez, je peux vous fournir d'autres exemples qui montrent que des jugements contre l’État fait par des entreprises privées ont été confirmés ou cassés depuis au moins 2 siècles. L'exemple "imaginaire" que vous évoquiez plus haut ne l'est pas dans les faits. Il est possible depuis pas mal de temps. Mais, il est rare parce qu'en France, l’État se défend bien et que les collectivités locales y sont défendues suivant le même principe. Le danger n'est pas le fait que l'on créé un tribunal supra-national. Le danger vient des textes que ce tribunal devra appliquer. C'est bien pour cela que les USA ont refusé d'adhérer à la Cour Pénale Internationale. Ils avaient la crainte que leurs soldats puissent y être poursuivis, voire leurs dirigeants militaires ou politiques.

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 Sujet du message: Re: Le pacte transatlantique
MessagePosté: Sam 21 Fév 2015 23:05 
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Le cas de la banqueroute de l'Argentine est intéressant mais sans rapport avec le projet de pacte transatlantique.

La distinction entre droit privé et droit administratif, qui a pour but de déterminer l'ordre de juridiction compétent, est une spécificité française totalement inconnue dans de nombreux pays comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou le Japon où il n'y a qu'un seul ordre de juridiction. Elle est elle aussi sans rapport avec le projet de pacte transatlantique.

Citation:
L'exemple "imaginaire" que vous évoquiez plus haut ne l'est pas dans les faits. Il est possible depuis pas mal de temps.
Non, il est impossible en vertu de l'article L 160-5 du code de l'urbanisme qui ne fait d'ailleurs que rappeler et préciser un principe général de droit : la loi ne porte pas préjudice.
Citation:
N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones.

Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu.
Il ne faut pas se méprendre sur les exceptions prévues au deuxième alinéa : elles ne visent que les actes qui s'apparentent à des expropriations et qui donnent de ce fait droit à indemnisation conformément à l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Citation:
Le danger n'est pas le fait que l'on créé un tribunal supra-national. Le danger vient des textes que ce tribunal devra appliquer.
Le danger réside tout d'abord dans le texte du traité. Mais il réside aussi accessoirement dans l'interprétation donnée au texte comme exposé dans cet article du Monde : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/04/15/le-traite-tafta-va-t-il-delocaliser-notre-justice-a-washington_4400693_4355770.html
« L'accord devrait viser à inclure un mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat efficace et ambitieuse, assurant la transparence, l'indépendance des arbitres et la prévisibilité de l'accord, y compris à travers la possibilité d'interprétation contraignante par les parties. » L'interprétation peut se faire en amont de tout litige par la voie législative ou réglementaire et à l'occasion d'un litige par la voie juridictionnelle. Si une entreprise décide d'attaquer un Etat étranger pour manquement allégué au traité, les choses se passeront différemment selon qu'il aura été institué une juridiction supranationale ad hoc ou non. S'il en a été institué une, cette juridiction ne considérera que le texte du traité et ignorera les mesures d'application de droit interne, législatives ou réglementaires, prises par l'Etat en cause. En outre elle sera naturellement portée à apprécier dans un sens restrictif ce qu'autorise le motif légitime de défense des intérêts supérieurs de l'Etat. S'il n'en a pas été institué, le recours devra être porté devant la juridiction nationale compétente de l'Etat attaqué. Celle-ci sera liée par les mesures législatives ou réglementaires d'application prises par cet Etat sauf à les déclarer contraires au traité. De plus, notamment en France où les juges administratifs sont des fonctionnaires issus de l'ENA formés à la défense des intérêts de l'Etat plutôt qu'à la défense des intérêts particuliers, elle aura tendance à considérer plus favorablement les motifs invoqués par l'Etat attaqué.


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 Sujet du message: Re: Le pacte transatlantique
MessagePosté: Dim 22 Fév 2015 02:50 
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Barbetorte a écrit:
Le cas de la banqueroute de l'Argentine est intéressant mais sans rapport avec le projet de pacte transatlantique.


C'est facile quant on écarte d'un revers de la main les arguments des contradicteurs. Le cas de l'Argentine correspond très bien aux peurs des gens qui s'opposent à cette idée de tribunaux. Laissez-moi vous rafraichir la mémoire : l'Argentine s'est retrouvée en grande difficultés financière lorsque la bulle internet a éclatée. A l'époque, elle a fait ce que le FMI a exigé : un plan de résorption de la dette qui a vu l'annulation d'une grande partie de la dette privée. Pour être précis, 95% des créanciers ont accepté une décote de 65% en moyenne sur leurs titres. Mais, les autres créances étaient aux mains d'hedge fonds, en fait des fonds "vautour" qui ont acheté à vil prix une partie de cette dette et qui espèrent gagner pas mal d'argent en obligeant les pays à leur rembourser l'intégralité des créances et des intérêts. Or, dans le cas de l'Argentine, ces fonds et leurs intérêts ont atteints une valeur assez élevée et les fonds en question ont obtenue des jugements aux USA en leur faveur. En France, il y a la loi que vous avez nommée qui permet à l’État d'imposer sa loi aux intérêts privés. Loi qui pourrait exister en Argentine, mais qui ne changerait rien puisque les fonds vautours ont porté l'affaire devant un tribunal américain ... Qui tient pour nulles et non avenues les décisions du FMI, du gouvernement argentin et des instances internationales ...

Donc, actuellement, malgré l'article L 160-5 du code l'urbanisme, la France pourrait se retrouver dans un cas similaire si elle se retrouvait en situation de cessation de paiement. De plus, vous semblez vouloir ignorer que le code de l'urbanisme ne s'adresse qu'à des affaires d'urbanisme. Et pas dans les nombreux autres cas qui peuvent se présenter. Donc, actuellement, une multinationale qui s'estimerait lésée par une décision politique française pourrait très bien porter plainte devant n'importe quel tribunal américain et obtenir gain de cause ... Même pour des affaires d'urbanismes.

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 Sujet du message: Re: Le pacte transatlantique
MessagePosté: Dim 22 Fév 2015 14:14 
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Il faudrait savoir.

Un jour vous dites qu'il n'y a pas lieu de s'effaroucher à l'idée que l'application d'un traité de libre-échange soit supervisée par une justice privée supranationale, que ce ne serait ni dangereux ni nouveau, le contentieux administratif existant depuis au moins deux siècles (ce qui est d'ailleurs faux, mais passons), le lendemain vous agitez le spectre du FMI qui a fait couler l'Argentine, avertissant que la France pourrait se trouver dans la même situation victime de fonds d'investissement vautours et concluant que les gens ont des motifs compréhensibles de redouter la mise en place d'un tribunal international spécial dans le cadre de ce traité.

En ce qui concerne l'idée d'une indemnisation au profit des personnes dont une restriction du droit à construire serait défavorable à leurs intérêts particuliers, un jour vous dites : Au fait, votre exemple imaginaire est tellement imaginaire que tous ceux qui ont essayé ont perdu. Le lendemain : L'exemple "imaginaire" que vous évoquiez plus haut ne l'est pas dans les faits. Il est possible depuis pas mal de temps. Enfin, lorsque je vous prouve que ce n'est pas possible, vous essayez de vous rattraper aux branches par : vous semblez vouloir ignorer que le code de l'urbanisme ne s'adresse qu'à des affaires d'urbanisme. Sauf que j'avais bien précisé que l'article L 160-5 du code de l'urbanisme ne faisait que reprendre un principe général du droit qui, à ma connaissance, n'est écrit dans aucun texte général mais qui résulte de façon évidente de la notion même de loi, expression de la volonté souveraine s'exerçant dans l'intérêt général devant lequel les intérêts particuliers doivent s'incliner dans les limites du respect des principes fondamentaux (déclaration des droits de l'homme et du citoyen, préambule de la constitution de 1946, principes généraux reconnus par les lois de la République).

Citation:
une multinationale qui s'estimerait lésée par une décision politique française pourrait très bien porter plainte devant n'importe quel tribunal américain et obtenir gain de cause
Vu que les Etats-Unis et la France reconnaissent réciproquement la souveraineté de l'autre, je ne vois pas comment ce serait possible. Il faudrait exposer plus précisément des cas vraisemblables. Pour l'instant je n'en vois pas. De toutes façons, la plainte étant un acte de procédure pénale, le terme "porter plainte" est dans un tel contexte impropre. Dans l'affaire de l'annulation d'un schéma éolien que vous avez évoquée, les tribunaux américains sont incompétents aussi bien selon la loi américaine que selon la loi française. Cela n'interdit pas les entreprises américaines d'intenter un recours dans la mesure où elles peuvent attester d'un intérêt à agir, mais elles ne peuvent le faire que devant la juridiction française compétente et l'affaire sera alors jugée au regard de la loi française.

J'arrête là cet échange stérile.

L'exemple donné par Panzermeister d'un recours de sociétés européennes contre une augmentation du salaire minimum en Egypte doit alerter. Je ne crois pas qu'il faille repousser en bloc le projet de traité de libre-échange transatlantique. Il peut être d'un intérêt réciproque d'abaisser certaines barrières non tarifaires mais il faut se garder des lobbies qui font pression pour les abolir toutes au détriment des mesures de préservation prises légitimement par les Etats dans les domaines de l'environnement, de la protection sociale, de la santé, de la culture, de la défense nationale etc. Le cas de l'agriculture est particulièrement délicat. Aux Etats-Unis comme en Europe les subventions publiques représentent une part notable des revenus des agriculteurs. On peut le regretter et considérer cela comme aberrant, mais le fait est qu'on on n'est pas parvenu jusqu'à présent à étendre le libre-échange à l'ensemble des productions agricoles. Vouloir précipiter le mouvement serait désastreux.

L'instauration d'une juridiction supra-nationale chargée de contrôler la bonne application du traité n'est, elle encore, pas à rejeter d'emblée. Mais ses possibilités d'intervention à l'encontre des législations ou réglementations nationales devraient alors être très fermement verrouillées par les termes du traité. Il y a un équilibre à trouver et cette question fait l'objet d'une fiche de la commission européenne dont je donne à nouveau le lien : http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2013/december/tradoc_152016.pdf. Dans le doute il vaudrait mieux renoncer à cette idée et c'est, selon ce que j'ai pu lire, ce à quoi tendraient actuellement les négociateurs européens. Si ce projet de juridiction supra-nationale devait finalement être retenu, je ne comprendrais pas pour quelle raison elle devrait prendre la forme d'un tribunal arbitral. Qu'une justice privée puisse s'imposer à un Etat souverain est en soi une aberration et, de toutes façons, il serait absolument inacceptable qu'elle fonctionne selon une procédure confidentielle comme il est de règle générale en matière d'arbitrage. Dès lors qu'un Etat est en cause, la procédure concerne l'ensemble de ses citoyens et il est alors absolument impératif que la procédure soit publique comme c'est la règle devant toutes les juridictions publiques (à l'exception bien sûr des huis clos dans certaines affaires pénales). Le modèle d'une telle juridiction pourrait être celui du tribunal international du droit de la mer composé non d'arbitres mais de juges ayant un statut de fonctionnaires internationaux.


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 Sujet du message: Re: Le pacte transatlantique
MessagePosté: Dim 22 Fév 2015 14:45 
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Barbetorte a écrit:
Il faudrait savoir.

Un jour vous dites qu'il n'y a pas lieu de s'effaroucher à l'idée que l'application d'un traité de libre-échange soit supervisée par une justice privée supranationale, que ce ne serait ni dangereux ni nouveau, le contentieux administratif existant depuis au moins deux siècles (ce qui est d'ailleurs faux, mais passons), le lendemain vous agitez le spectre du FMI qui a fait couler l'Argentine, avertissant que la France pourrait se trouver dans la même situation victime de fonds d'investissement vautours et concluant que les gens ont des motifs compréhensibles de redouter la mise en place d'un tribunal international spécial dans le cadre de ce traité.


Ce que je dis depuis le début, et je reste constant là-dessus, c'est qu'on dénonce un dispositif du traité comme insupportable pour nos démocraties alors que c'est quelque chose qui existe déjà! Et vous, depuis le début, vous essayez de me faire passer pour un idiot en prétendant que je ne sais pas de quoi je parle ... Je vous ai donc donné plusieurs exemples qui démontrent que ce que tout le monde dénonce comme inadmissible dans le futur avec ce traité existe déjà et n'est encadré que par quelques lois incomplètes et par le fait que dans les usages, de telles décisions ne sont valables que dans les juridictions concernées.

Pourquoi l'Argentine s'est émue des décisions judiciaires américains ? C'est qu'elle pouvaient lui valoir une note encore plus négative auprès des agences de notation et que cela lui fermerait le recours au crédit. Surtout qu'aujourd'hui, ces choses-là sont régies par des programmes. Or, elle a obtenue que ce ne soit pas le cas. Donc, techniquement, il y a eût défaut de paiement ... et l'affaire à fait pschitt. Donc, l'Argentine peut continuer à emprunter et à vivre à crédit. Jusqu'à la prochaine crise.

Oui, j'essaye de relativiser, je garde les yeux ouverts sur le monde qui nous entoure et je vois que les entreprises peuvent porter plainte contre des états ou des collectivités locales, comme peuvent le faire de simples particuliers ou des groupes de pression et que cela est présenté comme un symbole d'une démocratie qui fonctionne par ceux qui combattent les mêmes dispositions à l'égard de ce traité ... Et cela m'interpelle. Ils ont réussi à faire peur à pas mal de gens en utilisant les méthodes qu'ils ont manié à merveille depuis des décennies et c'est souvent pour leurs bénéfices. Malgré les cris au loup des fromagers contre la directive européenne "fromage", la filière fromagère française se porte très bien, elle exporte grâce à cette directive. Et les ravages qu'elle a causé dans l'idéal européen, elle s'en contrefout royalement.

Et au fait, vous m'avez obligé a rechercher de nombreux documents. Pour un utilisable, j'ai du en lire 10 qui abordaient des problèmes limitrophes. Ma vision n'étant pas fossilisée, vous comprendrez qu'elle a un peu évoluée. Mais, dans le fond, j'ai bien compris que certains cherchent à nous berner. Pourquoi mentir aux gens quand on prétend vouloir leur bien ? Pourquoi dire que quelque chose que l'on utilise couramment (le recours aux tribunaux pour aller contre des décisions prises démocratiquement dans des instances locales ou nationales de la République) deviendra la porte ouverte à une anti-démocratisation du système ? Ces gens-là ne se gênent pas pour mener des actions qui vont à l'encontre des décisions prises lors de diverses instances de conseils municipaux, départementaux, régionaux, ...

Ils cherchent à obtenir des modifications du traité à l'avantage de leurs intérêts, puis, comme lors des affaires précédentes, ils laisseront en plan ceux qui auront cru à la réalité de leurs dénonciations.

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 Sujet du message: Re: Le pacte transatlantique
MessagePosté: Lun 23 Fév 2015 11:56 
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Vous dites que ce dispositif existe déjà
Narduccio a écrit:
le recours aux tribunaux pour aller contre des décisions prises démocratiquement dans des instances locales ou nationales de la République
Et il est vrai que les lois actuelles prévoient des recours, ce qui est bien normal, tout de même.
Le dispositif que nous "propose" ce nouveau traité est selon moi différent de ce qui se fait déjà.
Il ne s'agit plus de décisions au cas par cas, mais un recours possible systématiquement, massivement (et croyez bien qu'aucune entreprise futée ne se privera d'un tel possible gain "offert"), par toutes entreprises et en tout temps. C'est donc une exagération de ce qui se fait déjà.
Et ce n'est pas bien.
D'ailleurs...
Quand on y pense, si ce qui se fait déjà leur suffisait, pourquoi irait ils en rajouter dans un nouveau traité ?
Non, ils s'agit bien là de pousser son avantage, en souhaitant que ça passera : je souhaite que cela ne passe pas.


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 Sujet du message: Re: Le pacte transatlantique
MessagePosté: Lun 23 Fév 2015 23:22 
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Panzermeister a écrit:
Le dispositif que nous "propose" ce nouveau traité est selon moi différent de ce qui se fait déjà.
Il ne s'agit plus de décisions au cas par cas, mais un recours possible systématiquement, massivement (et croyez bien qu'aucune entreprise futée ne se privera d'un tel possible gain "offert"), par toutes entreprises et en tout temps. C'est donc une exagération de ce qui se fait déjà.
Et ce n'est pas bien.


Pourquoi les entreprises ne poussent pas à une judiciarisation de leurs relations avec la force publique ? Parce qu'il vaut mieux ne pas froisser des futurs clients. Une société comme Bouygues, qui traite avec l’État français, mais aussi avec de nombreuses collectivités locales a parfois intérêt à passer certaines dépenses dans la colonnes des pertes ... avec la perspective de se refaire sur le contrat suivant. Les concentrations dans certains secteurs sont telles que vous n'avez le choix qu'entre 2 ou 3 entreprises. Vous annulez un marche ? Dommage, mais il y en a 10 autres qui vont permettre de remplir les caisses. Pourquoi se fâcher et risquer de se faire exclure du marché ? Certaines entreprises internationales ont moins de scrupules avec les États avec lesquels ils traitent. Surtout quand il s'agit de petits États. Ou que les perspectives du marché sont négatives.

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 Sujet du message: Re: Le pacte transatlantique
MessagePosté: Lun 23 Fév 2015 23:45 
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Le problème est que cette juridiction aura une idéologie libérale et anti patriotique qui l'empechera d être impartiale. Elle sera surtout le chien de garde des multinationales pour empêcher toute politique un peu interventionniste des États ...enfin c'est le risque


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