Qui a évoqué l'inanité des théories libre-échangistes ?
Il ne m'a pas semblé que Panzermeister l'ait fait. Tout cela n'est d'ailleurs pas une question de théories mais de fait. Les théories, c'est bon pour les théoriciens.
Seuls les professeurs diafoirus pensent qu'il faut à tout prix appliquer des théories sans faire de compromis avec le réel, sans chercher à en éviter les conséquences fâcheuses.
Il y a aussi d'autres théories, telle notamment celle du protectionnisme enfant qui a été particulièrement éprouvée puisque mise en oeuvre par tous les pays qui sont devenus à un moment où à un autre des grandes puissances industrielles : Grande-Bretagne de la 1ère révolution industrielle (qui était ultra-mercantiliste, ce qui est très différent du libre-échange), Allemagne, USA, Japon, Corée du sud, Chine.
Le problème de cette discussion, c'est qu'elle ne me paraît pas vraiment être sur un pied d'égalité. Vous n'avancez pas vraiment de contre-arguments. Vous faites surtout des objections sur un point de vue développé certes critiquable, mais développé quand même, sans vous-mêmes développer symétriquement des éléments qui iraient en sens contraire.
Revenons par exemple au libre-échange. Le problème, ce sont surtout les distorsions au libre-échange.
Croyez-vous que les conditions de concurrence soient égales entre l'UE et la Chine ou entre les USA et les autres pays ? L'asymétrie est partout. L'application de la clause de la nation la plus favorisée, c'est le principe selon lequel chacun peut définir des niveaux planchers de protection différents. Pour pouvoir détenir une entreprise de média aux USA, il faut avoir la nationalité américaine. Et pour ce qui est des investissements qu'une entreprise étrangère souhaite effectuer en Chine, si on appliquait le principe de réciprocité, les chinois hurleraient à mort, et pas seulement.
S'agissant du système juridique américain que j'évoquais, je ne dis nullement qu'il est mauvais. Je dis en revanche qu'il a des spécificités qui permettent bien plus facilement qu'en France de vider de leur substance les engagements souscrits par les américains.
En France, on a un système juridique hyper-formaliste qui a constitutionnalisé la supériorité du droit international sur la loi nationale et dans lequel tout doit être écrit et où les juges font strictement respecter ce formalisme.
En Allemagne, le Parlement comme la Cour constitutionnelle peuvent ajouter des préambules ou des conditions à la ratification du traité qui le vident de leur substance.
Au Royaume-Uni, les délices des principes de la common law et d'une constitution non-écrite font qu'on peut de quasi bonne foi affirmer qu'on fait une chose alors qu'on fait en réalité le contraire.
Aux USA, pays très démocratique, le législateur est souverain dans son initiative et les traités ne s'imposent qu'aux lois préexistentes. Il suffit d'adopter une nouvelle loi pour que les traités soient vidés de leur substance.
En France, une loi, même nouvelle, contraire à un traité, voit son application écartée par la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat. Voire elle se fait retoquer par le Conseil constitutionnel.
Plus fort encore : la constitution française prévoit que si un traité comporte des dispositions contraires à la constitution, alors il faut préalablement réformer la constitution avant de le ratifier. Cela peut conduire à un verrouillage de l'état juridique instauré par ce traité et cette réforme constitutionnelle.
Mieux : on peut nourrir des interrogations sérieuses sur les contradictions entre certaines des dispositions de ce traité transatlantique et rien moins que certains articles de notre déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui depuis 1971 a valeur constitutionnelle. Quelle conséquence en tirer ? On est bloqué ? Ou au contraire on modifie la déclaration des droits de l'homme et du citoyen pour permettre aux monopolistes anti-concurrentiels que sont Google, Facebook, Monsanto, Microsoft, ...etc, d'étendre sans entrave leur captation des marchés étrangers et de péréniser leur monopole en vampirisant progressivement tous les secteurs d'activité qu'elles choisissent d'investir ?
Ce qu'il faut comprendre, c'est la réalité du fonctionnement de ces très grandes entreprises et leurs objectifs.
Ces entreprises veulent faire disparaître toutes les barrières qui limitent encore l'exercice de leur pleine puissance de marché. Elles jouent au mmonopoly. Depuis 35 ans, la nouvelle économie américaine s'est fondée/refondée sur le principe du monopole qui permet de vampiriser toute la valeur ajoutée. On impose un standard de fait qui oblige toutes les entreprises à s'en servir. Et on les fait raquer un prix faramineux qui assure des profits magiques. On étouffe toute innovation concurrente car le coût d'un changement de standard serait trop élevé. On rachète ou on copie toutes les innovations qui risqueraient de menacer le standard pour maintenir ledit standard. Et comme on n'en a jamais assez et qu'une économie mondiale qui croit de 3% par an "seulement" ce n'est pas assez rapide, on s'étend aux nouveaux secteurs grâce à une force de frappe financière sans égale et grâce à la puissance du standard qu'on a fixé.
C'est ça l'histoire de la nouvelle économie : d'abord et avant tout une histoire de monopoles anti-concurrentiels.
Et pour tout vous dire, au delà de la question de principe, soyons pragmatiques comme nos amis américains.
Si les standards étaient français, si Google, Monsanto, Microsoft, Facebook, Intel, telle ou telle multinationale des biotechnologies, étaient françaises et installées en France, je serais en faveur de ce projet de traité qui permettrait de promouvoir encore mieux nos intérêts nationaux.
Comme ce n'est pas le cas, il est hors de question d'accepter que nous nous livrions pieds et poings liés aux intérêts monopolistes des Etats-Unis.
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