Le salon géopolitique de Passion-Histoire

Ces chiffres sont trompeurs JM; en fait, une bonne partie de ces exportations allemandes mirifiques vers l'Europe sont produites à l'extérieur de cette zone dans des pays à bas coûts de main d'oeuvre:
http://www.marianne2.fr/Pour-sauver-la- ... 90128.html
Ce n'est donc pas une industrie allemande à salaires de niveau européen qui créée ces bons résultats commerciaux allemands.

Bien sûr, comme stratégie, c'est mieux que d'avoir une balance commerciale de plus en plus déficitaire comme la France, mais cette bonne santé économique des exportateurs allemands est conditionnée par le recours à des mains d'oeuvre à bas coût--en tout cas plus bas qu'en Europe de l'Ouest.
Si les industries européennes veulent survivre et prospérer, elles n'échappent pas à ce passage obligé de la main d'oeuvre à bas coût, pas d'industrie et d'exportations viables possibles sans ça.
De grandes marques françaises de légumes et fruits en conserve comme Bonduelle et ses sous-marques Daucy et Cassegrain non seulement n'achètent presque plus de légumes et de fruits à des producteurs français mais de plus multiplient les usines de mise en boite dans les pays émergents (Brésil) et Europe de l'Est (Bulgarie, Hongrie, etc) où sont produits ces fruits et légumes.
C'est seulement en passant par ces fourches caudines du faible coût de main d'oeuvre qu'ils peuvent conserver leurs parts de marché existantes à l'exportation et en acquérir de nouvelles.

Mais l'augmentation prévisible des coûts de transport pourrait entrainer à moyen terme un changement de paradigme.

Oui, tout à fait, et cette nécessité de relocalisation suite à la raréfaction du pétrole et de l'augmentation des coûts de transport risque d'être plus proche que ce que nous imaginons.
Certaines compagnies françaises ont commencé à relocaliser; non pas suite au coût du transport, mais pour des raisons de "coûts cachés" qu'on oublie de prendre en compte face aux bas coûts de main-d'oeuvre dans les pays où l'on délocalise:
- imperfection des produits livrés, ou ils ne correspondent pas aux standards et exigences des clientèles des pays délocalisants
- dégradation de l'image de marque (importants dans le luxe, la nourriture haut de gamme)
- risque de contrefaçons multipliés dans certains pays
- délais de livraison trop longs, manque de fiabilité pour le respect des délais de livraison

Des remarques très intéressantes qui montrent que la compétitivité est un ensemble ou les côuts salariaux ne sont qu'une partie de l'équation.

C'est évident, les composants sont fabriqués dans l'arrière cour, qui est proche. C'est la reconstruction de la Mitteleuropa traditionnelle. Notons que ça arrange et les Allemands, et les ex pays de l'est, et que si nous grattons bien, ce doit être la même chose pour l'industrie française, ou du moins ce qu'il en reste.



J'achetais autrefois des conserves de poires au sirop d'Australie qui étaient moins chères que les productions européennes. Les productions délocalisées en Bulgarie et autres doivent être subventionnées par l'UE, ce qui induit une distorsion de concurrence, car la production de petits pois ou d'haricots vert est entièrement mécanisée.

Cette amie un brin donquichottesque qui mène toute seule sa petite guerre à la mondialisation en refusant d'acheter des produits non européens s'arrache les cheveux: il est presque impossible de trouver en supermarché des haricots verts en boite qui ne viennent pas du Kenyaou d'Amérique latine; ces haricots verts de provenance extra-européenne reviennent sans doute moins cher à l'entreprise en question mais ils ne sont pas pour autant clairement meilleur marché que les rares légumes "made in UE" que l'on en trouve en rayon.
Les figues sêchées turques , citées plus haut, ne sont pas nettement moins chères que les figues françaises, d'ailleurs presque impossibles à trouver.
Seule solution si vous voulez privilégier petits producteurs et PME français ou à la rigueur européens: vous orienter vers les petits producteurs et coopératives vendant en ligne directement au consommateur, ou à la rigueur certains magasins bio ou de produits régionaux.
Des petits producteurs ont bien compris que la mention "cultivé et mis en conserve en France" pouvait être plus motivante pour le consommateur français que la mention "cultivé et mis en conserve au Kenya"; ne serait-ce que parce que les acheteurs potentiels sont rassurés par rapport au respect de la sécurité des processus de conservation (le non respect des normes concernant ces processus peut rendre les légumes en question dangereux à consommer). Et on a eu ces exemples d'empoisonnement avec des produits chinois à base de lait qui ont inquiété les consommateurs.
Et donc certaines petites entreprises misent sur le label France, comme les conserveries Penmarch par exemple, qui vont jusqu'à indiquer non seulement que leurs sardines sont pêchées et conservées en Bretagne mais donnent aussi sur la boîte le nom du bateau pêcheur!

Les poires, je les achetais par 10.000 boîtes

Lorsque j'étais acheteur, je faisais les fins de campagne des conserveurs avant la nouvelle récolte en petits pois, haricots verts et beurre, et j'achetais alors quelques camions. C'était encore produit en Picardie.

Peut être un empilement réglementaire a fait que c'était trop chiant à produire en France, ce ne serait pas la première fois.

Le climat turc ou grec est plus propice à la production de masse des figues. De même que la quasi totalité des pêches au sirop viennent de Grèce. L'arboriculture est moribonde chez nous, un SMIC agricole aurait pu la sauver, mais on ne transige pas sur les principes.

PS: La France produit plus de 300.000 tonnes de haricots verts pour la conserve, et nous sommes largement en tête dans l'UE. 355.000 tonnes pour le petits pois où nous sommes le 5ème producteur mondial. C'est bien ce qui me semblait, là où c'est mécanisé, nous produisons. Les cultures avec de la main d'oeuvre sont abandonnées.

Oui mais les grandes marques de supermarché (celles que j'ai citées plus haut) achètent et conservent en masse les haricots Kenyans ou autres.
Ces haricots cultivés français ne sont pas majoritaires dans la production de conserves de ces marques de grande consommation, je crois qu'ils sont surtout achetés par des petites marques.
Ces circuits compliqués que suivent les produits, les réponses à ces questions du genre "d'où ça vient", "où ça a été mis en boite" etc, seraient passionnantes à connaître. Malheureusement, les grandes entreprises de conserves ou autres produits alimentaires se gardent bien de mentionner ce genre de détails sur la boite, sauf si ça vient de France ou d'Europe de l'Ouest, parce qu'alors c'est un argument de vente.
Il devrait être rendu obligatoire de le mentionner.

Pour ce qui est des figues turques, ce n'est pas vraiment une question de climat puisque la même situation existe pour tous les fruits secs: abricots, raisins, etc.
Que je sache, nous avons produit et pouvons toujours produire des tonnes d'abricots et de raisins en France; c'est juste que la main d'oeuvre pour les cueuillir ici coûte plus cher.
Même provenance étrangère pour les amandes, les noisettes etc.

C'est marqué, il suffit de lire les lettres qui sont sur le couvercle des boîtes de conserve. Il y a toutes les informations pour qui sait les décoder. Je vais regarder ça le prochain coup que je ferais les courses, car le haricot vert n'est pas mon truc, à moins qu'il y en ait une boite à la maison, ce qui n'est pas certain

Cher JM, please, donnez nous la clé de ce code!
Voilà qui est aussi passionnant qu'utile et nous permettrait de ne pas "acheter idiot" ou du moins à l'aveuglette dans les supermarchés.
Pour les haricots verts Cassegrain originaires du Kenya, j'en suis sûr, c'est marqué en toutes lettres sur la boîte:

http://mangemieux.blogspot.com/2010/01/ ... kenya.html

Ils sont bons d'ailleurs, ce n'est pas le problème; c'est juste que la France produit et peut produire des tonnes de haricots verts d'une part, et que l'agriculture française connait un déclin accéléré par la crise d'autre part.
Dans une telle situation critique de l'agriculture française, je peux donc comprendre qu'on privilégie les producteurs français de haricots voués à disparaître aux dépens des producteurs kenyans qui ont de beaux jours devant eux.
Je ne sais pas toutefois si de tels comportements individuels, même adoptés par des milliers de consommateurs, suffiront à enrayer ce naufrage programmé de l'agriculture française.