Tonnerre a écrit:
Ce n'est pas leur aptitude à s'adapter aux changements techniques qui est en cause, ni leur capacité à s'organiser, c'est leur aptitude à travailler sous pression de façon quasi-permanente, éventuellement en sous effectif, avec des changements de poste de travail et des mutations décidées sans concertation avec les personnes intéressées, des suppressions d'emplois etc;
Vous connaissez beaucoup de gens qui ont cette aptitude ?
Citation:
pour parler clairement, il s'agissait en ce qui me concerne de leur difficulté à s'adapter à de nouveaux modes de gestion du personnel.
Qu'en termes élégants... Pour parler clairement, il s'agit de leur difficulté à s'adapter au harcèlement systématique. Qui n'est pas un "mode de gestion du personnel" mais un abus. (Voire un délit, lorsqu'il vise un individu en particulier.)
Citation:
D'après un article paru dans le Nouvel Obs aujourd'hui, le principal problème à FT est, sur un un marché très encombré et concurrentiel, l'impératif de dégager du profit débouchant sur un objectif de réductions importantes et brutales d'effectifs, la tactique (classique) adoptée étant d ' "inciter" les employés en surnombre à partir "volontairement".
Je me permets de faire remarquer que ce problème stratégique de France Télécom n'est pas apparu après la privatisation, que ses personnels ont vécu avec une relative sérénité. (Ils l'ont vécu comme un changement déterminant, mais pas comme un traumatisme.)
Ce problème est apparu avec la possibilité de dégrouper sa ligne téléphonique, les communications passant sur l'Internet, avec un abonnement pas cher et durée illimitée. C'est donc depuis 4 ou 5 ans que France Télécom s'est retrouvé confronté brutalement à une baisse constante de son activité. Sur cette période il a perdu plusieurs millions d'abonnés.
Opérateur historique, ils ont joué auprès de leurs clients sur l'argumentaire : nous avons des agences partout, des techniciens qui peuvent intervenir gratuitement, alors que Neuf Télécom c'est juste un numéro de téléphone et si vous avez un problème, etc... Avec un certain succès... Mais Neuf Télécom (je le sais pour cet opérateur) propose maintenant ses techniciens gratuits...
La bagarre était déjà difficile, et elle s'est durcie.
Perso, je trouve que FT a commis une erreur grave de stratégie en ne s'alignant pas immédiatement sur l'offre ADSL+tél. illimité à 30€, quitte à proposer une option payante "installation, dépannages et remplacements gratuits" (option que ses concurrents n'étaient pas réellement capables d'offrir quand ils ont démarré.) FT est resté sur un formule à 45€ incluant 15€ d'abonnement au réseau téléphonique classique. Résultat : une hémorragie d'abonnés, beaucoup plus grave sur le long terme qu'une hémorragie financière liée à une baisse tarifaire brutale. (Il est plus facile de diminuer ses coûts que de faire revenir les abonnés perdus. Baisser ses coûts, FT avait d'ailleurs commencé à le faire en fusionnant France Télécom, Orange et Wanadoo : l'ADSL rendait cette séparation inutile et couteuse.)
Pour moi, la première priorité, c'était de garder les abonnés. France Télécom n'aurait pas échappé à l'obligation de devoir réduire ses charges, mais en conservant la rente historique que constituait son nombre d'abonnés.
On pourrait paraphraser Churchill :"Vous avez accepté de perdre des abonnés pour éviter la baisse brutale des tarifs... vous aurez la baisse des tarifs et la perte des abonnés." Et donc le problème de réduction des coûts est devenu dramatique : France Télécom est tout simplement trop grande pour ce qui lui reste comme abonnés.
Un cas d'école qui figurera en bonne place dans le palmarès des erreurs de stratégie. (Je vous conseille la lecture du bouquin "Le prix de l'incompétence", un répertoire d'erreurs de stratégie historiques, souvent célèbres, écrit par une consultante en management, et qui constitue un excellent manuel de stratégie illustrée par l'erreur.)
Ici, l'erreur c'est d'avoir surestimé l'avantage concurrentiel que représentait leur service de proximité. Si des abonnés peu habitués à l'informatique ont préféré rester chez FT pour avoir cette sécurité, des jeunes plus "branchés" ont estimé que ça ne justifiait pas un surcoût de 50%, ont constaté que Neuf ou Free ça fonctionnait - et l'ont fait savoir.
Je pense que Michel Bon, le PDG précédent, issu de la grande distribution -milieu hyper concurrentiel - et qui avait fait ses preuves, aurait corrigé la barre plus tôt.
Citation:
Une psy, Brigitte Font Le Bret, qui a suivi des employés de FT à Grenoble, confirme ce qui est dit plus haut, à savoir que le problème résulte bien du passage du public au privé: "depuis la privatisation, changement de culture: on leur lance des challenges, ils gagnent des cadeaux s'ils vendent bien par exemple, mais la mauvaise performance d'un agent pénalise toute une équipe. Résultat: ils sont perdus."
Elle réfute aussi toute référence à une particulière fragilité des patients suivis; selon elle, ce sont essentiellement des gens qui ont mené jusque là une vie "normale" et n'ont pas été affectés récemment par des traumas particuliers, divorces ou deuils. Et elle conclut:"il est temps de réadapter le travail aux limites des hommes. Sinon le carnage continuera."
Pour ce qui concerne les fonctionnaires, c. à. d. les employés de France Télécom, la maison mère, elle se trompe en disant que c'est depuis la privatisation. En réalité, les nouvelles structures étaient déjà en place AVANT la privatisation, sans drame majeur.
Je le redis, les personnels de FT sont des gens normaux habitués au changement. Dans leurs équipes techniques, j'ai rencontré des pros capables d'en remontrer à bien des techniciens du privé.
Il reste d'ailleurs à prouver que les gens embauchés depuis 94 sous statut privé résistent mieux aux mauvais traitements. L'accueil client en téléphonie mobile, par exemple, c'est dur. Or les salariés recrutés pour cette activité l'ont tous été sous la bannière Orange, filiale privée.
La généralisation d'un mode de management de plus en plus brutal est liée à ce que j'ai raconté ci-dessus.
Citation:
Un des médecins du travail travaillant dans l'entreprise déclare: "c'est comme l'amiante; I L faut la supprimer pour que les gens ne tombent plus malade. Ici, c'est le mode de gestion du personnel qui est pathogène".
On veut supprimer des employés et ils se suppriment eux-mêmes. Le résultat dépasse les espérances.
On aura déjà deviné mon opinion sur l'actuel PDG de France Télécom. Etant entendu qu'il avait un tournant difficile à assumer, pour moi il est sorti de route.
Narduccio a écrit:
Donc, si on évitait les généralisations qui comme toutes les généralisations ne veulent rien dire et qui relèvent plus du fantasme que de la réalité, ce serait plus sain pour la suite de la discussion.
Oui, ça brouille les discussions et masque les vrais problèmes.
Pour la tranquillité au travail, la frontière public/privé est moins significative que la frontière salariés permanents / précaires.