Dupleix a écrit:
c'est cette manie de toujours chercher des responsables, de préférence parmi les gens qui nous gouvernent
(...)
En quoi chercher des responsables à la crise de masques actuelle va aider à la résoudre ?
La phrase "chercher des responsables de préférence parmi les gens qui gouvernent" fait sourire: la responsabilité, c'est justement dans la description de poste des "gens qui gouvernent".
Cela fait quelques jours que l'antienne est lancée, comme un "élément de language" et répétée à l'envi avec un soupçon d'ironie méprisante: "il y a 67 millions d'épidémiologistes". Sous-entendu, il serait malséant, risible, ridicule, de poser des questions quand on n'est pas spécialiste des maladies infectieuses. Mais une autre manière de voir les choses est qu'il y a surtout 67 millions de citoyens, électeurs et contribuables, devant lesquels un gouvernement répond. Plus il y aura de gens pour s'intéresser de près aux mécanismes de l'épidémie et de la santé publique, mieux cela vaudra.
1. le "comité scientifique": par définition impersonnel, donc irresponsable devant les électeurs, anonyme. Qu'un gouvernement se lave les mains (c'est le cas de le dire) en défaussant toutes ses décisions sur un tel comité ne l'exonère pas pour autant. Car les scientifiques n'ont pas tous été du même avis depuis le début de cette crise sur sa gravité et sur les mesures à prendre (deux exemples: des scientifiques ont demandé de fermer les écoles bien avant que cela ne soit fait, ou d'annuler le premier tour des élections, et n'ont pas été écoutés, alors que manifestement les événements leur ont donné raison). Quand on a vu de manière éblouissante que le comité avait commis des erreurs d'appréciation, qu'est-ce qui empêche de changer l'équipe dudit comité pour prendre à la place les scientifiques qui avaient vu juste dès le départ, et demandé des mesures plus drastiques? Rien. Rien ne l'empêche, car le choix des conseillers est le privilège du Prince. Il choisit lequel écouter, lequel suivre. La crise est longue, le prince a le temps de voir sur quels scientifiques il vaut mieux compter alors qu'on avance dans le temps.
2. A la question "en quoi chercher des responsables à la crise va aider à la résoudre ?", on peut répondre qu'il est bon que les responsables se sachent observés, et qu'on leur demandera des comptes sur leurs actes et décisions. Si cela les incite à chercher avec la dernière énergie toutes les options possibles, à ne pas céder aux pressions et aux intérêts particuliers, et à prendre des décisions qui peuvent être impopulaires un temps, tant mieux.
3. les masques: je suis tombé sur un article du
Monde qui reprend une question interdite: "Le dénigrement du masque en Europe suscite la consternation en Asie":
https://www.lemonde.fr/international/ar ... 7joRfvbi60"Le port préventif du masque (chirurgical) a contribué à juguler les contaminations dans les pays développés d’Extrême-Orient, où l’appel à ne pas en porter en France si l’on n’est pas malade est vu comme une grave erreur." En effet, une once de bon sens suffit à se rendre compte que même le masque le plus simple réduit - n'empêche pas: réduit!- les risques de contamination, en limitant le contact entre les doigts et le visage, les postillons, les gouttelettes, etc. C'est une évidence. Chinois et Coréens les recommandent, mais ne sont pas écoutés,
4. la télévision montre des hôpitaux de campagne dressés par des militaires portant des masques chirurgicaux simples , pas les masques FFP2. De deux choses l'une: soit ces masques ont bel et bien un rôle protecteur, contre tout ce qui a été répété, soit on se fiche de nos militaires et on les envoie se faire contaminer sciemment. Besoin de transparence, non de propagande, et de cohérence.
5. sur la Chine et Didier Raoult: Le professeur de microbiologie de Marseille Didier Raoult a pris sur lui de commencer à tester chaque malade fébrile, à l'encontre de la doctrine nationale, et à prescrire la chloroquine pour traiter les malades, avec succès semble-t-il, sans attendre la validation de l'essai à l'échelle de l'Union Européenne par l'Inserm. Le pr. Raoult s'appuie sur les travaux chinois, disponibles depuis plusieurs semaines, et négligés par "nos scientifiques". Pour le pr. Raoult, il faut arrêter de regarder tout ce qui vient de Chine comme inférieur. Pour lui la recherche chinoise est à la pointe, et en particulier sur le coronavirus, mais elle a été méprisée. Pour Raoult, la clef du retard pris est là.
Pour rappel, une seule journée de décalage dans les décisions (par exemple le confinement, la fermeture des écoles, etc) correspond à un très grand nombre de contaminations supplémentaires, en cascade, et à un prolongement de la crise qui se compte en semaines.
L'Union sacrée en temps de guerre est acquise au gouvernement. Elle ne signifie pas pour autant l'exonération du droit de regard. Il suffit de voir les discussions que nous avons sur Joffre, Foch, Pétain. Et ce regard et cette curiosité sont importants, justement, car riches de leçons à tirer pour les crises futures et les futurs responsables politiques.
Bon, ce message appellerait une réponse sur beaucoup de points mais cela nous entraînerait dans une polémique qui n’est peut-être pas souhaitable alors que la crise bat son plein.
En attendant, juste trois remarques.
1- je me suis sans doute mal exprimé, mais je ne plaide pas pour l’irresponsabilité du gouvernement.
2- je n'ai jamais employé l'expression "67 millions d'épidémiologistes", que je découvre sous votre plume.
3- comme vous l’indiquez, on juge Foch, Joffre et Pétain. On le fait avec un siècle de recul, et c’est pour cela que l’on peut faire une analyse (ne se limitant pas à un « regard » ou une « curiosité »). Elle est riche de leçons, car alimentée par des milliers d’heures d’études d’historiens concernant leurs décisions, les informations et les moyens dont ils disposaient et les contraintes auxquelles ils étaient soumis. Et même comme cela, on n’échappe pas complètement au biais rétrospectif. Alors pour ma part je ne discuterai certainement pas aujourd’hui de ce que le gouvernement aurait dû (et surtout, pu) décider il y a 10 jours, avec le peu d’informations dont on dispose, et encore moins d’analyse, et alors que la crise est loin d’être terminée.