L'affaire des masques est assez intéressante sur le mode de fonctionnement de notre société. Par certains points, elle rejoint de comment je perçois les "apprentissages" dans le nucléaire suite à Fukushima sur la gestion de crise. Je précise que ce qui suit est mon analyse de la situation après avoir lu plusieurs articles sur le sujet.
Coté masques, comment en était-on arrivé là. D'abord, parlons gestions des stocks stratégiques. En fait, il y a 3 méthodes pour gérer de tels stocks. La première, la plus basique : on part du postulat qu'on a besoin de telle quantité de tels matériels. Donc, dans un magasin, on stocke autant de matériels que nécessaires. Bon, un jour on se rend compte que ces matériels sont périmés ou trop usagés, voire dépassés, et on fout tout à la poubelle pour refaire une commande. Cela fonctionne souvent, un militaire que j'avais croisé lors de mon service militaire en 1980, nous avait parlé qu'il y avait encore des hangars pleins de matériel militaire récupéré dans les stocks allemands après la SGM et qui avaient été simplement repeints... Marginalement certains de ces matériels ont par la suite faits la joie des collectionneurs quand l'Armée s'en est débarrassée, la majorité sont allés au ferraillage.
Seconde méthode, le stock tampon. Là, vous vous dites que vous allez être plus intelligents, vous aller sur-commander lors des premières commandes, ensuite, vous utilisez prioritairement les plus vieux matériels, de manière à garder toujours un stock en réserve. C'est assez efficace, sauf qu'il faut accepter qu'à chaque révolution technologique vous ayez un train de retard ... le temps d'écluser le stock-tampon. A moins d'accepter de tout foutre à la poubelle. Cela cause aussi des problèmes lors des évolutions des normes. Vous pouvez vous retrouver du jour au lendemain avec sur les bras du matériel obsolète.
Pour les masques, en 2011, les pouvoirs publics ont constaté que les industriels de l'époque étaient en capacité de répondre au besoin, en cas de demande forte, en augmentant leurs capacités de production. Donc, elles ont décidé de se passer de stock, apparemment après avoir passé des accords avec ces professionnels pour une fourniture prioritaire. Mais, de 2011 à maintenant, ces professionnels ont fait de l’efficacité industrielle et commerciale... Dit autrement, ils ont constaté qu'il était plus profitable de regrouper la production dans des usines situés dans des pays à main d’œuvre à bas prix, et ils ont relocalisé. Certains sont allés plus loin en se procurant directement auprès d'usines chinoises qui fabriquaient selon leurs cahiers des charges. Et quant il a fallu augmenter les cadences pour répondre à la demande, les ouvriers des usines chinoises étaient confinés.
D'autant plus que certaines personnes, dont des pharmaciens, ont d'abord pensé à garnir leur porte-monnaie en vendant aux plus offrants et en-dehors des filières officielles. D'où les descentes de polices chez divers pharmaciens et para-pharmaciens qui étaient censés avoir du stock, avec sûrement des condamnations à la clef.
Mais, divers industriels qui possèdent ce type de masques pour protéger leurs travailleurs ont décidé de fournir l'administration de la santé. Parfois gracieusement. En fait, contrairement à ce que prétendent certains, un masque FFP2 conforme aux normes va aussi bien pour un professionnel de la santé que pour un peintre, un chimiste, ... Dans certaines industries, on possède même des masques FFP3 qui filtrent plus les particules, mais qui sont plus difficiles à utiliser car ils imposent une respiration plus dynamique. [urlhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Masque_de_protection_FFP]Wikipedia : masque de protection FFP[/url]
Le rapport avec Fukushima ? Avant Fukushima, EDF pensait que lorsqu'elle aurait besoin de groupes électrogènes et de pompes pour secourir une centrale en difficulté, il lui suffirait de demander aux pouvoirs publics, voire à se fournir sur le marché. On trouve assez facilement des groupes électrogènes de plusieurs MW de puissance et Enedis y a recours chaque fois que des lignes sont entrainées au sol par des tempêtes et que la réparation prendra plus que quelques heures. Un coup de téléphone et on a des groupes à disposition, si on est dépassé par les besoins. Sauf qu'à Fukushima, il n'y avait plus de réseaux et que les pouvoirs publics étaient débordés par les demandes. Et oui, il fallait des groupes électrogènes pour les hôpitaux, pour les lieux où l'on avait rassemblé les populations qui venaient de subir un tremblement de terre historique suivi d'un tsunami. En fait, Fukushima a montré au monde du nucléaire qu'il fallait penser un coup de plus. Mais apparemment, les pouvoirs publics n'ont pas su tirer les enseignements à leur niveau. Ils ont imposés à EDF de prendre des mesures pour ne pas se retrouver dans la même situation ... Et on voit actuellement que ce sont eux qui se retrouvent dans cette situation pour ne pas avoir anticipé.
_________________ Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable
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