Arkoline a écrit:
Si la France a obtenu des résultats mitigés, c'est probablement parce qu'elle a tergiversé avant de décider le confinement.
Ça, c'est faux. Et je me suis déjà expliqué là-dessus à 2 ou 3 reprises. En fait, le 03 mars, l'ARS Grand-Est comprend que 15 jours avant, il y a eu un Rassemblement évangélique, et que la plupart des cas qu'ils sont en train d'hospitalisés, sont liés, d'une manière ou d'une autre à ce cluster. Ils apprennent aussi que lors de ce rassemblement, il y avait beaucoup de monde, plus que les 2000 personnes qu'est sensées contenir la salle. Ils apprennent aussi que certains ont participé à ce rassemblement de manière sporadique. Au début, on pense qu'il est possible que 4, 5000 personnes aient participé à la manifestation. Maintenant, on les estime à 2500 personnes.
Ces personnes ont eu des contacts pendant cette période. Avec le recul, on a une meilleure idée de la propagation. Si on impute à une infirmière, dont les parents ont participé à cette rencontre, 250 soignants malades dans les hôpitaux de Strasbourg. D'autres, ayant peu de contacts ne contamineront pas grand monde. Bref, l'ARS Grand Est prend conscience qu'ils ont peut-être plusieurs dizaines de milliers de cas contacts. Et, vu le public qui a participé à cette semaine de prière, il s'agit de soignants, d'enseignants, de personnels qui travaillent dans des Ehpads.
Là, on prend la décision de passer le département du Haut-Rhin dans une zone intermédiaire entre le niveau 2 et 3 du plan pandémie. Mais, il y a le temps que le préfet du Grand Est prenne conscience de ce qui arrive. Il a le nez dans le nombre d'hospitalisations, et il n'y en a que 10, à ce moment-là en réanimation. Il faut bien comprendre cette dichotomie entre les autorités civiles et les autorités sanitaires de la région Grand Est, l'état d'urgence n'étant pas encore proclamé, c'est l'autorité civile qui a le dernier mot. Pour les uns, on a peut-être 10 à 15 000 malades potentiels dans les 15 jours. Pour l'autre, il n'y a que quelques malades en réanimation et on a encore de la place. Bien entendu, les informations remontent au gouvernement via les 2 filières. Ce qui va faire basculer le gouvernement, ce sont les prospectives informatiques d'un institut anglais qui montre que vu la progression des cas on va vers un problème sanitaire important. Et cela arrive vers la fin de la seconde semaine de mars. Si vous remontez de quelques pages dans la discussion, vous trouverez les références.
Maintenant, il est facile de faire de l'histoire à l'envers et de dire que si on avait confiné début mars, on aurait peut-être eu 50 à 60 000 cas en moins et peut-être 5 000, voire 10 000 morts en moins. Mais, il faut tenir compte du temps qu'il faut pour changer de paradigme quand on se trouve dans une situation inattendue. Il faut le temps de percevoir que la réalité a changée et qu'il faut changer de stratégie.... Mais, encore faut-il savoir quelle stratégie il faut appliquer.
Je l'ai déjà signalé, je travaille dans le nucléaire, dans une équipe d'exploitation pour être précis. En cas d'incident ou d'accident, je fais partie des personnels qui seront amenés à intervenir aux premiers instants de l'évènement. J'ai des collègues qui sont entrainés 6 semaines par an sur simulateur. La population à laquelle j’appartiens, fait des exercices en grandeur réelle au moins 2 fois par an (pour chacun, dont environ 45 exercices au niveau de la centrale). Plus toute un tas de formations pour nous maintenir à niveau. Nous sommes formés pour intervenir efficacement lors d'accidents qui ont des probabilités d’apparitions inférieure à 10-8 par an et par centrale. Le risque d'avoir une pandémie est nettement plus élevé. Pour être efficaces, il faut être entrainés. Il faut que les schémas mentaux aient déjà été testés, pour que lors de vrais évènements on sache vers quoi on va aller et qu'on n'hésite pas à y aller.
Fin février, début mars, à tous les échelons de décisions, il y a eu un temps de latence. Ce temps de latence est normal. Il n'est pas souhaitable, mais si on veut l'éliminer, il faut mettre des moyens en place en face. Dans le nucléaire, EDF n'a pas eu le choix, c'était la condition pour l'acceptation sociale du bon fonctionnement des centrales nucléaires. Dans d'autres secteurs, on a pensé que de toutes façons, on aurait le temps.