Tel que vous l'aviez formulée, il semblait que le Portugal avait pris
la bonne décision, seul dans son coin, en ne tenant compte que d'éléments internes. Or, le Portugal prend cette décision car son voisin, plus peuplé que lui est fortement touché. Il prend cette décision alors qu'il y a de nombreux résidents étrangers dont certains sont retournés dans leur pays natal pour les fêtes, au risque de rapatrier le virus dans leurs bagages. Il y a un contexte, qui ne semblait pas évident dans votre réponse. Quand il confine, le gouvernement portugais espère que le virus ne circule pas à bas bruit sur son territoire. Et il a la chance que ce ne soit pas le cas.
Beaucoup de personnes font l'erreur de penser qu'une telle pandémie à une progression rationnelle. En fait, pour la plupart des épidémiologistes, elle a un comportement chaotique. Ce qui s'en rapproche le plus, c'est la progression d'un incendie. Il y a des situations superpropagatrices. Pour la France, ce fut la semaine de prière de la congrégation évangélique de la porte ouverte près de Mulhouse. C'est le match Atalanta-Valence à Bergame qui le fut pour l'Italie et l'Espagne
Coronavirus : « Atalanta-Valence a été une bombe biologique », un pneumologue de Bergame consterné par la tenue de ce match. Dans un tel contexte, il est pas très juste de dire que le Portugal a pris à temps, la bonne décision. Il y a un facteur chance. Les autorités sanitaires françaises ont appris tardivement qu'ils avaient une telle situation. Pour l'éviter, ils auraient du confiner avant le 15 février. Or, à ce moment-là, ils n'avaient aucune raison rationnelle de la faire.
Quand le Portugal prend la décision de confiner, il a des raisons de la faire; elles sont en Espagne, ses raisons. Le Portugal n'a pas confiné "très tôt", il a la chance qu'au moment où il prend la décision de confiner, il n'y a pas un embryon de situation super propagatrice sur sont territoire. Au fait, si cela vous intéresse, dans cet article on explique ce concept de situations super propagatrice : [urlhttps://www.vidal.fr/actualites/25061/covid_19_la_seule_chose_qui_compte_c_est_l_endroit_ou_s_qu_elle_tombe_ou_comment_eviter_une_eventuelle_deuxieme_vague/]COVID-19 : La seule chose qui compte, c'est l'endroit où s'qu'elle tombe, ou comment éviter une éventuelle deuxième vague[/url]
Et bien entendu, au moment où les autorités sanitaires doivent conseiller les autorités politiques pour le confinement, une partie des données présentes dans cet article sont inconnues ou pas clairement établies.
Citation:
Lorsque 80 % des cas sont dus à 10 ou 20 % des personnes infectées, comme cela semble être le cas pour la COVID-19, cela signifie également que 80 à 90 % des personnes infectées sont responsables de 20 % des infections. Donc, dans la majorité des cas, une personne infectée n'en contamine aucune autre. Dès lors, on comprend que les probabilités ne jouent pas en faveur du SARS-CoV-2 et que la majorité des chaînes de contamination ou des foyers s'éteignent d'eux-mêmes.
C'est probablement ce qui s'est passé en France entre novembre 2019 et février 2020, et c'est également pour cela que les modélisateurs estiment qu'il faut au moins 4 introductions distinctes du SARS-CoV-2 pour qu'il s'installe dans un pays vierge.
Dans les conditions de distribution binomiale négative propres à la transmission stochastique, il est statistiquement nécessaire que quelques douzaines de cas surviennent simultanément pour créer les conditions nécessaires à une envolée épidémique. C'est là où les situations superpropagatrices sont indispensables : soudain, le milieu devient favorable à la propagation de SARS-CoV-2, malgré sa faible contagiosité chez la majorité des personnes infectées.
Cette particularité explique que les foyers les plus importants de COVID-19 ne soient pas systématiquement apparus dans les grandes métropoles (comme c'est le cas pour les infections à distribution de type Poisson), mais également dans des lieux moins peuplés (par exemple Mulhouse ou Codogno), là où avait eu lieu un événement superpropagateur.
Par ailleurs, toujours selon le modèle binomial négatif, une fois un foyer installé, la croissance du nombre de cas explose rapidement, en quelques générations de patients infectés. Par exemple, sur le paquebot Diamond Princess, les 135 premiers cas se sont déclarés en 5 jours. Cette croissance exponentielle stable, que nous avons pu voir en avril en France, n'est pas permise par une distribution de type Poisson, moins volatile.
Donc, en France, il fallait confiner, car on savait déjà que le nombre de cas allait augmenter de manière exponentielle. A l'époque, on ne savait pas que la mortalité toucherait surtout les plus vieux, on la pensait un peu plus "équitablement" répartie. Le Portugal a confiné, partiellement de manière préventive, mais avec l'incertitude de la présence éventuelle et insoupçonnée de cas importés depuis l'Espagne voisine. Ils ont eu la chance de ne pas avoir de clusters insoupçonnés établis sur leur territoire. Il faut bien comprendre que si en France on avait confiné le 1er mars au lieu du 15 mars, le nombre de cas n'aurait pas varié de manière exceptionnelle, puisqu'une bonne partie des cas déclarés après proviennent de contaminations initiées suite à la semaine de prière. Pour agir de manière efficace sur le nombre de cas, le confinement aurait dû avoir lieu en février, alors qu'il n'y avait presque aucuns cas en Europe, et alors que certains "spécialistes" claironnaient que puisque l'épidémie était en train de disparaitre en Chine, on n'allait pas être atteints.