Basarab a écrit:
Je me trompe peut-être, mais à lire votre dernier message, Huyustus, j'aurais presque l'impression que vous partagez le point de vue d'un certain président s'étant excusé de l'arrogance française sur la question de l'Irak auprès de George W. Bush. Est-ce le cas ?
En effet, mon point de vue est que le président Chirac a eu tout à fait raison de refuser d'entraîner la France dans l'aventure irakienne, mais qu'il a commis une faute en allant jusqu'à agiter la menace du veto au conseil de sécurité.
Si on regarde froidement, quel bénéfice la France a-t'elle retiré de cela ?
1) La sympathie dans les foules arabes ? C'est un épiphénomène, qui n'a duré qu'un temps et n'a apporté aucun avantage diplomatique ou économique, et dont on voit même qu'il ne nous protège en aucun cas des menaces terroristes, la France faisant partie de l'axe du mal au même titre que les coalisés de la guerre d'Irak.
2) Au niveau européen, les nouveaux entrants de l'Est extrêmement préoccupés par leur sécurité, en ont déduit qu'une défense européenne sous leadership en partie français serait moins fiable qu'une défense américaine. De ce point de vue, paradoxalement, la position chiraco-villepiniste a affaibli l'idée de défense européenne.
3) Au niveau de l'opinion française, cet exercice de démagogie et de popularité à bon compte en jouant sur le ressort anti-américain de fond des français a eu pour effet de renforcer le sentiment de supériorité des français, ainsi que la légitimation confuse du fait que s'opposer à ce qui est perçu (à tort) comme des valeurs américaines (par exemple le libéralisme économique), c'est positif. Sans en faire un lien de cause à effet, je suis convaincu que cela a eu un effet sur l'échec du référendum sur le TCE.
4) Enfin, la menace du véto a profondément et durablement affecté les liens de confiance entre la France et les USA. Autant le désaccord et les "leçons" villepiniennes provoquaient l'agacement, autant la menace du véto, aux côtés de la Chine et de la Russie, ont été perçus comme une forme de trahison. Plus qu'une faute de goût, ça a été le pas de trop. De ce point de vue, on ne peut en effet qu'être reconnaissant au président Sarkozy d'avoir tout de suite cherché à réparer les pots cassés, tant une alliance forte Europe - USA et France - USA est essentielle à moyen et long terme pour la défense des intérêts français dans le monde. Il l'a fait avec Bush parce qu'il se trouve que c'est Bush qui était à la Maison Blanche à ce moment là ; mais ce n'est pas une question de personnes.
5) Et sur un plan plus technique, malgré la série d'essais nucléaires de 1995, la France n'a pas engrangé tous les moyens de tester par simulation toutes sortes de nouvelles armes nucléaires, en particulier les armes destinées à pénétrer des défenses durcies. Pour cela, nous avons besoin d'une coopération avec les USA, et cette coopération n'a actuellement pas lieu, en raison en particulier du doute qu'ont les USA sur la fiabilité de l'alliance à long terme. De ce fait, notre arsenal dissuasif court le risque d'être moins adapté au fil du temps, et par là moins crédible face à l'évolution de la doctrine d'emploi qui a été formulée en 2006 et 2007.
Pour conclure, cette menace de véto n'a apporté à la France aucun avantage politique, diplomatique, économique. Elle n'a apporté qu'une forme de satisfaction peu reluisante d'avoir résisté à Goliath. C'est bien maigre comme résultat quand on compare aux effets négatifs que cela a produit pour la France.
Bref, un pur exercice de démagogie planétaire exercé par des dirigeants qui ont montré là de manière éclatante qu'ils n'étaient pas à la hauteur de leur tâche.
PS : si, il y a eu un effet positif : il s'est vendu un peu moins de vin français outre-atlantique pendant quelques années, ce qui a légérement modéré la hausse des prix des crus de qualité pour les honnêtes amateurs français bien de chez nous.