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Pour la plupart, les américains s'en moquent éperdument de la France, ils ne savent même pas où c'est. A part ceux de la côte Nord-Est, qui sont généralement francophiles par culture, et ceux de Californie, qui aiment bien les français parce qu'ils travaillent avec eux au quotidien dans les entreprises de la silicon valley, les labos de Berkeley, et ailleurs...
Ce n'est pas parce que certains Américains ne savent rien sur la France qu'il n'y a pas un antifrancisme important, du moins dans certaines zones et/ou couches des US, en fait bien au contraire--cette malveillance systématique ne pourrait exister sans une ignorance crasse qui fait gober les calomnies les plus imbéciles.
Et les sentiments antifrançais vont au-delà d'un simple sentiment de déception vis-à-vis d'alliés qui ont fait faux bond au moment de la guerre d'Irak.
Si vous suivez de près la politique américaine, vous avez sans doute constaté que le French bashing est quasiment devenu un passage obligé du discours électoral républicain--l'image négative de la France est une partie intégrante de ce discours, certes pas aussi centrale que le refrain répétitif sur le terrorisme fondamentaliste mais néanmoins pas négligeable.
Mitt Romney, récemment candidat aux primaires républicaines, avait choisi de donner une place importante au thème anti-français dans sa campagne électorale: il avait ainsi averti les électeurs que "si l'Amérique ne change pas, nous deviendrons la France du 21e siècle" et fait imprimer des autocollants avec les mentions "Hillary = France" et "First, not France" ("les premiers, pas la France").
Un des arguments électoraux utilisés par les Bushistes contre Kerry en 2004 a été ses liens familiaux avec la France. Le malheureux ne pouvait même plus être pris en photo buvant une bouteille d'Evian sans qu'on l'accuse d'être français, "a sissy", snob et élitiste.
Ne vous y trompez pas, ce discours péjoratif sur la France n'est pas anodin, il a un sens politique, il rapporte des gains politiques et remplit une fonction bien précise dans la propagande néoconservatrice.
D'ailleurs, mis à part Romney, de McCain à Rumsfeld, presque tous les politiciens néoconservateurs y sont allés de leur couplet méprisant sur la France (voir quelques exemples mccainiens ci-dessous).
En analysant ces remarques, on observe que la France est présentée comme le repoussoir, l'exemple à ne pas suivre, un pays basé sur un mode de vie et des valeurs radicalement opposés à ceux de l'Amérique, qui sont connotés ou explicitement présentés comme négatives, dissolvants et dangereux.
Plus précisément, les Français y sont présentés comme détestables en tant que:
- suppôts du socialisme, système économiquement dysfonctionnel; paresseux, puisque le socialisme selon la droite US consiste à se faire entretenir par l'Etat et les contribuables; désorganisés, pas fiables, irresponsables et dépendants du berceau à la tombe de l'Etat providence, donc tout à l'opposé de l'individualisme économique et de la self reliance américaine, vertus viriles qui seules peuvent produire une économie dynamique et un peuple productif.
L'antifrancisme est donc une manifestation plus ou moins codée de l'antisocialisme, phobie américaine qui ne date pas de la guerre d'Irak.
Et bien sûr, en discréditant les Français, qui sont présentés dans ce discours comme de pathétiques assistés dépendant des subsides de l'Etat, les ultralibéraux visent à convaincre la population américaine qu'il est plus digne, plus courageux, et meilleur pour l'économie de s'en sortir tout seul sans (presque) rien demander à l'Etat et donc à la dissuader de faire valoir des revendications sociales.
- un peuple sans religion, où la pratique religieuse est faible, où l'athéisme et l'agnosticisme sont répandus, où les valeurs familiales ne sont pas respectées, de moeurs décadentes, corrompues, élitistes et sophistiquées, voire éfféminées, donc dépourvu de l'armature religieuse et morale qui fonde une nation puissante. Je cite de nouveau Mitt Romney: "En France, on me dit que l'on se marie pour 7 ans, après quoi l'un ou l'autre partenaire peut s'en aller. Quelle légéreté!"
- un peuple de capitulards, des vaincus de l'histoire incapables de conserver leur indépendance nationale sans l'aide américaine: autrefois passés du côté de leurs vainqueurs allemands, maintenant vendus aux Arabes, ayant livré des masses d'armes à Saddam Hussein (comme si les US n'avaient jamais livré d'armes à des leaders douteux), peu à peu conquis par leur immigration musulmane, et indécrottablement antisémites. En tout cas, un maillon faible dans la lutte occidentale contre le terrorisme fondamentaliste.
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En gros, dans une Amérique qui s'est fortement droitifiée, la France est dans le discours néoconservateur l'épouvantail qu'on agite pour faire en sorte que les Américains continuent à avoir peur de tout ce qui est présenté comme de gauche; on peut dire aussi que antiaméricanisme, en France, coïncide souvent (pas toujours) avec antidroitisme.
Tout ça est en train de se calmer un peu depuis l'arrivée de Sarkozy au pouvoir, mais lentement.
MCCAIN: [The French] remind me of an aging movie actress in the 1940s who’s still trying to dine out on her looks, but doesn’t have the face for it. The cynical role–the cynical role that France is playing proves that if — if you are not — you cannot be a great nation unless you have great purpose. And they’ve lost their purpose. And it’s very unfortunate, and perhaps Churchill and Roosevelt made a very serious mistake when they decided to give France a veto in the Security Council, following–when the United Nations was organized. [CBS, 2/16/03]
MCCAIN: They’ve made clear their intentions to use whatever means to block our military action in Iraq no matter what we do. So they have to be, I think, treated for what it is, a — an election ploy on the part of the German leader. And in the case of French, simply kind of classic French misbehavior. [CNN, 2/10/03]
MCCAIN: Look, I don’t mean to try to be snide, but the Lord said the poor will always be with us. The French will always be with us, too. [Hardball, 2/10/03]