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Kateb Yacine disait "le français est notre butin de guerre". Et trouvais que c'est une richesse pour les algériens, moi je considère cela plus comme un poison, le Maghreb n'a pas besoin du français symbole du colonialisme.
Kateb Yacine a une attitude sensée.
La connaissance d'une langue n'est jamais un poison, c'est toujours un plus, une richesse, un atout supplémentaire: elle donne accès à des informations, des points de vue, des systèmes de pensée, des univers culturels (littérature, philosophie, histoire etc) qui vous resteraient étrangers autrement; comme tel, c'est un facteur d'enrichissement et de perfectionnement intellectuel unique.
Cela permet aussi de relativiser l'importance de sa propre culture et d'intégrer qu'elle n'est pas la seule ni nécessairement la meilleure. Comme tel c'est généralement (pas toujours)un vecteur de tolérance, d'ouverture d'esprit et de compréhension interculturelle.
Sur le plan pratique, cela facilite les échanges économiques, c'est un atout précieux voire indispensable dans la vie professionnelle ainsi qu' un facteur général de réussite.
Je parlais bien allemand--moins bien maintenant--; il ne m'est même jamais venu à l'esprit que je devais refuser d'apprendre cette langue parce que la France a été occupée par les Allemands pendant la DGM. Des membres de ma famille ont été tués par les Allemands pendant les deux guerres, cela n'a pas empêché leur frères ou leurs enfants d'apprendre l'Allemand; l'un de mes oncles a appris cette langue quand il était prisonnier en Allemagne d'ailleurs.
Il y a un passé douloureux entre la France et l'Allemagne mais je n'identifie pas la langue à cet héritage et je n'ai absolument aucune rancune anti-allemande. Pendant combien de temps allez vous remâcher ce passé-passif franco-algérien? Comment ne voyez vous pas que ces ressentiments soigneusement cultivés (par certains qui y trouvent un avantage politique) ne permettent pas à un peuple de se projeter pleinement dans le futur et de réaliser son potentiel?
J'ai appris un peu d'arabe quand je vivais au Maroc--par respect pour les habitants de ce pays, par désir de mieux comprendre ce qui se disait autour de moi et parce que l'histoire et la culture de ce pays m'ont profondément impressionné. Même si des Marocains se mettaient à poser des bombes partout en France, cela ne m'amènerait JAMAIS à décréter que cette langue fascinante est un poison et à brûler mes livres d'histoire marocaine.
D'ailleurs, si vous allez par là, l'arabe est aussi une langue étrangère introduite par des conquérants au Maghreb; il est irrationnel de poser que l'apport linguistique d'une conquête est bon, et celui d'une autre est un poison.
De plus, il n'y a pas au Maroc de phobie linguistique anti-française virulente ni de blessure post-coloniale à vif comme en Algérie; la colonisation dans ces deux pays a été différente et les Marocains n'en ont pas gardé le même ressenti que les Algériens.
Si il est compréhensible que certains groupes défendent leur langue menacées par l'envahissement de langues dominantes, comme les Québécois au Canada ou les Flamands en Belgique, il est contre-productif de pousser cette revendication jusqu'au ressentiment linguistique obsessionnel en décrétant la proscription totale de la langue dominante dans le pays en question, jusques et y compris pour les paneaux routiers ou les chansons jouées sur les radios.
Refuser ainsi par principe tout savoir qui viendrait de l'étranger, préférer l'ignorance à l'information par souci de protection identaire mal comprise, dégrader sa propre intelligence par un chauvinisme linguistique poussé au fanatisme, tout ça m'est inconcevable.
Une telle attitude est non seulement absurde, elle est aussi suicidaire: ceux qui affrontent la vie handicapés par de tels préjugés se condamnent à l'inadaptation.
Comprenez bien que je ne veux pas vous offenser massinissa; c'est juste que votre attitude m'est totalement inintelligible.
Kateb Yacine l'a bien compris: la possession d'une langue autre que la sienne est une arme, une source de pouvoir, ça n'affaiblit pas, ça rend plus fort. Ceux qui y renoncent volontairement le font à leur détriment.