Tonnerre a écrit:
Plusieurs de mes amis "liberals" au sens américain du terme me disent être gravement déçus par le conservatisme d'Obama, et les nombreuses concessions qu'il a faites à l'idéologie républicaine, et celle-ci en est une de taille.
Promettre au pape qu'il va essayer de réduire le nombre des avortements n'est pas une déclaration qui plait tellement aux Américains progressistes d'une part; car ça a l'air d'une remise en cause indirecte de Roe versus Wade, et de plus, pour les féministes, ces conciliabules entre le président et le pape au sujet de l'avortement sont perçus comme encore et toujours des hommes qui prétendent décider entre eux de ce qui concerne d'abord les femmes.
Il faut quand même dire qu'il y a une caractéristique psychologique qui me semble particulière aux militants américains, qu'ils soient conservateurs ou libéraux : leur extrémisme dans leur positionnement politique, ou du moins la capacité qu'ont les militants les plus extrémistes à être repris par les médias et à imposer leur agenda aux plus modérés.
C'est vrai en ce qui concerne l'avortement, pour lequel une frange des militants pro-choice défendent bec et ongle certaines procédures (IDX ou partial birth abortion, qui constiste en gros à délivrer une partie du fœtus avant de lui aspirer le cerveau) qui sont assez horrible, qui sont très rarement utilisées et qui sont très impopulaires. Du coup, une partie de l'opinion qui serait pro-choice si l'accent n'était pas mis sur cette pratique à tendance à être rejetée avec les pro-life, ce qui complique bien entendu la tâche des militants pro-avortement plus modérés. On constate un peu la même tendance en ce qui concerne le mariage gay. Tout récemment, le New Hampshire a failli ne pas autoriser ces mariages tout simplement parce que certains élus locaux refusaient un compromis avec le Gouverneur et les élus modérés qui aurait conduit à ne pas obliger les Églises le refusant à célébrer ces unions.
J'avoue que j'ai beau être totalement en faveur de l'avortement et du mariage gay, ce genre de tentatives est vite lassant parce que complètement contre-productif, en déplaçant le débat sur des points annexes (une méthode d'avortement quasiment inusitée et tout de même difficile à défendre ; l'obligation pour les Eglises, même les plus conservatrices, de célébrer des mariages gays) qui ne peuvent que rendre ces causes moins défendables et justes au yeux d'une partie de l'opinion. Je pense que c'est assez spécifique aux Etats-Unis, dans le sens ou je n'ai jamais entendu de féministes ou de militants homosexuels défendre ces options, du moins dans le débat public.
Alors évidemment, Obama est obligé de jouer serré avec d'un côté la frange libérale de son électorat et de l'autre les modérés. Politiquement, ce qu'il fait me semble relativement sensé, dans le sens ou ses priorités sont pour l'instant d'ordre économique et social, avec au premier plan la réforme de la sécurité sociale, pour laquelle il aura besoin de l'accord le plus large possible. Or, il peut agacer les libéraux tant qu'il veut, ceux-ci seront de toute manière globalement d'accord avec le projet de réforme tel qu'il semble se dessiner (couverture quasi-universelle assurée par des hausse d'impôts sur les revenus supérieurs). Donc, si il doit se positionner sur des questions de mœurs, il a plutôt intérêt à adopter des positions centristes que libérales, puisque si les centristes peuvent, en dernier recours, partir vers le camp républicain, il n'y a aucune chance que ça arrive de la part des libéraux.
Obama me parait donc sur ce point jouer assez finement, même si j'espère qu'il saura se montrer plus ferme dans le futur.