Alain, encore une fois, mon intention n'était pas de débattre de la réalité des faits, mais de l'impact de ces affaires sur les catholiques anglophones, et je suis très conscient que la perception des actes de pédophilie a changé considérablement en 30 ans: peut-on reprocher à l'église d'avoir été en phase avec les standards de son temps sur la question?
Néanmoins, j'aurais tendance à voir , dans l'ampleur qu'a prise cette affaire aux US, une manifestation ouverte d'un conflit latent entre les fidèles américains, et dans une moindre mesure de leurs evêques, avec la papauté, et surtout avec des positions vaticanes récentes, considérées trop rigides, trop socialement régressives, pas assez évolutives, ne correspondant pas aux aspirations et aux conceptions des fidèles américains, une sorte de gallicanisme US si vous voulez.
Simplement à titre de pièce à verser au dossier, je résume brièvement l'affaire Murphy d'après ce que j'ai trouvé dans une dizaine d'articles dans la presse US, NY Times, Wapo et quelques autres:
Du milieu des années 50 à 74, le père Murphy a été éducateur dans une institutions pour enfants muets issus de famille catholiques, St John, dans le Wisconsin.
De nombreuses plaintes d'enfants victimes d'attouchements sexuels de la part de ce prêtre faites aux dirigeants de l'institution ont été transmises aux successifs archevêques du Wisconsin. Ce qui fait qu'en 74, le père Murphy a été retiré de St John par Monseigneur William Cousins, alors archevêque du Wisconsin, et transféré à l'évêché du Wisconsin du Nord, à Boulder Junction. Bien que ce transfert ait été fait sous certaines conditions restrictives portant sur le ministère du père M, comme de ne pas entrer en contact avec des enfants, ces restrictions n'ont pas été observées par ce prêtre et sa hiérarchie ne s'est pas préoccupée de vérifier qu'il les respectait.
En fait, les contacts de Murphy avec des enfants ont continué, dans sa paroisse où il faisait le catéchisme et en tant qu'éducateur dans une institution pour les délinquant juvéniles de la région, Lincoln Hill. Et les attouchements aussi: une des victimes de Murphy ayant intenté une action en justice contre l'archevéché du Wisconsin, D. Marshall, rapporte des molestations sexuelles alors qu'il avait 13/14 ans en 78. Ce plaignant signale que, ayant plus tard eu des problèmes psychologiques en conséquence de ces attouchements, il a demandé à l'archevéché une aide thérapeutique, sans succès.
Les documents rapportent que M. possédait une petite maison de campagne au bord d'un lac dans la région et qu'il y invitait souvent des enfants d'origine modeste, initialement ravis de passer des vacances dans un lieu aussi agréable.
Finalement , le nouvel archevêque du Wisconsin, Rembert Weakland, inquiet du préjudice que pourraient porter à l'église des menaces de procès par les victimes devenues adultes, a écrit au Vatican, à la Congrégation pour la doctrine de la foi qui a normalement à connaître de ces affaires de pédophilie. A cette époque, c'était le cardinal Ratzinger qui était à sa tête.
Une première lettre a été écrite le 17 juillet 96 par Mgr Weakland au cardinal Ratzinger (selon les archives communiquées par le diocèse du Wisconsin). Dans cette lettre, il expliquait que le cas du père Murphy était grave et qu'à ses yeux la sanction adéquate était la défrocation. Il a écrit peu après une deuxième lettre, demandant la guidance du Vatican à ce sujet.
Après 8 mois, la réponse de la Congrégation, signée par le cardinal Tercisio Bertone, alors numéro deux de la Congrégation après le cardinal Ratzinger et actuellement Secrétaire d'Etat du Vatican, a été que la question devait être réglée par la tenue d'un procès canonique secret pouvant aboutir à la défrocation.
Le 12 janvier 98, le père M. a écrit une lettre personnelle au cardinal Ratzinger, lui demandant son indulgence sur la base du fait qu'il s'était repenti, était en mauvaise santé et que les faits étaient prescrits d'après les "statuts de limitation" de l'église.
Le 6 avril 98, le cardinal Bertone a répondu à Mgr Fliss, évêque du Wisconsin du Nord où vivait toujours le père M. , qu'il n'était pas souhaitable qu'un procès canonique ait lieu et que de simples "mesures pastorales" devaient être mises en oeuvre, telles que "la repentance, la prière, et des restrictions dans l'exercice du ministère". Mgr Fliss a alors répondu que "toutes les mesures pastorales avaient été épuisées" et qu'il était préférable qu'un procès ait lieu.
Une visite de Fliss et de Weakland eut lieu au Vatican le 30 novembre 98, dans le but de rencontrer le cardinal Bertone. Dans les minutes de cette rencontre communiquées par l'archidiocèse, il est rapporté que le cardinal Bertone a réitéré la recommandation de ne pas tenir de procès, sur la base du fait que les faits étaient trop anciens, que le père M. avait eu "une bonne conduite" et que "l'obtention de preuves accroitrait le scandale". La recommandation de la Congrégation était de limiter les fonctions du père M.
Weakland a fait remarquer "qu'il aurait de la difficulté à faire admettre ça à la communauté des muets" mais a néanmoins donné instruction d'arrêter le procès.
Murphy est mort le 21 aout 98, toujours prêtre, sans avoir subi de sanction de la part de sa hiérarchie; pendant les 24 années qui ont suivi son départ de St John, il a continué à avoir accès à des enfants; il a déclaré à un travailleur social qui a été en contact avec lui dans ses fonctions auprès d'adolescents : "c'était une éducation sexuelle (pour les adolescents); ils étaient incertains de leur sexualité, j'ai arrangé le problème. " Plusieurs victimes rapportent que le père M. les mettait fréquemment en garde contre tous contacts sexuels avec des filles.
En plus de l'article cité ci-dessus, d'autres articles sur cette affaire, en voici quelques autres:
http://www.nytimes.com/2010/03/27/us/27wisconsin.htmlhttp://topics.nytimes.com/top/reference ... ne=nyt-perhttp://www.nytimes.com/2010/04/03/us/03wisconsin.html