Voyez les deux déclarations récentes du président Sarkozy à propos de l'attitude du président Bush durant la crise de Géorgie, ainsi que la réaction de la Maison Blanche.
AFP a écrit:
A la veille du G20, Nicolas Sarkozy accable George Bush
A quelques heures de rallier Washington pour le sommet du G20 sur la crise financière, le président français Nicolas Sarkozy a publiquement égratigné plusieurs fois son "ami" américain George W. Bush, dénonçant notamment son attitude dans la crise russo-géorgienne.
Si dans les premiers mois de sa présidence M. Sarkozy s'était largement affiché comme un partisan du rapprochement avec les Etats-Unis et leur président - s'attirant au passage de nombreuses critiques - il a pris de grandes distances avec l'administration sortante lors de ses dernières sorties publiques. Recevant jeudi à Paris un "prix du courage politique", le président en exercice de l'Union européenne a longuement défendu sa médiation dans la crise russo-géorgienne, et brocardé l'attitude sur ce dossier de George W. Bush, qui achève son second mandat en janvier.
"Lorsque le 8 août, il a fallu partir pour Moscou et pour Tbilissi, qui a défendu les droits de l'Homme ? Est-ce que c'est le président des Etats-Unis qui a dit c'est inadmissible ? Ou est-ce que c'est la France qui a maintenu le dialogue avec M. Poutine, M. Medvedev et M. Saakachvili?", s'est-il interrogé. "Je me souviens de l'appel du président américain disant la veille de notre départ à Moscou: N'y va pas, ils (les Russes) veulent aller à Tbilissi, ils sont à 40 km. N'y va pas, dénonce. Nous y avons été avec Bernard Kouchner. Comme par hasard, alors que nous y étions, le cessez-le-feu a été annoncé", a poursuivi Nicolas Sarkozy.
Après cette première salve, le chef de l'Etat français a récidivé vendredi à Nice (sud-est de la France) sur le même thème lors d'un sommet UE-Russie, cette fois sans citer M. Bush. "En tant que président du Conseil européen, je n'ai jamais agité la menace militaire, à la différence d'autres", a-t-il relevé. "Les agitations dans une mer proche de navires militaires, je ne vois pas ce que ça a amené", a-t-il poursuivi, en allusion à l'envoi pendant la crise de navires militaires américains, officiellement pour transporter de l'aide humanitaire, dans le port géorgien de Poti sur la mer Noire.
Nicolas Sarkozy a également mis en cause vendredi à demi-mots la décision américaine d'installer un bouclier anti-missile en Pologne et en République tchèque, à l'origine de fortes tensions entre Moscou et Washington. "On peut continuer entre la Russie et l'Europe à se menacer de boucliers, de missiles, de marine et caetera, ça n'amènera rien à la Russie, ça n'amènera rien à la Géorgie, et ça n'amènera rien à l'Europe", a-t-il jugé.
Après la période de brouille qui avait marqué les relations franco-américaines pour cause de guerre en Irak, le réchauffement prôné par Nicolas Sarkozy à son arrivée à l'Elysée avait déjà été sérieusement mis à mal par la crise financière. A plusieurs reprises, le président français a mis en cause la "responsabilité" américaine dans la tourmente qui pèse sur l'économie mondiale. Jeudi, il a lancé une nouvelle pique aux Etats-Unis en affirmant que le dollar ne pouvait plus "prétendre à être la seule monnaie du monde".
Les discussions entre le locataire de l'Elysée et l'hôte de la Maison Blanche s'annoncent donc amères à Washington ce week-end, le premier défendant une "refondation" du système financier international auquel le second a déjà fait savoir qu'il préférait de simples "réformes". Dans ce climat, l'insistance de Nicolas Sarkozy à "graver dans le marbre" le principe d'un deuxième sommet en février avec son successeur Barack Obama - jugé plus favorable à des réformes de fond - semble confirmer son souhait de tourner rapidement la page Bush. (afp)
AFP a écrit:
La Maison Blanche perplexe sur les propos de Sarkozy
Le chef de l'Etat français a lâché deux salves consécutives jeudi et vendredi semblant viser plus ou moins directement le président américain et sa politique dans la récente guerre en Géorgie.
La Maison Blanche à Washington
La Maison Blanche à Washington
(c) Reuters
La Maison Blanche s'est montrée perplexe vendredi 14 novembre devant les critiques du président français Nicolas Sarkozy contre son homologue américain George W. Bush, un porte-parole disant ne pas bien savoir de quoi Nicolas Sarkozy parlait.
Alors que les deux hommes devaient se retrouver vendredi soir à la Maison Blanche avec d'autres dirigeants pour un sommet sur la crise financière internationale, Nicolas Sarkozy a lâché deux salves consécutives jeudi et vendredi semblant viser plus ou moins directement M. Bush et sa politique dans la récente guerre en Géorgie.
"Je ne sais pas bien de quoi parle le président Sarkozy", a dit à l'AFP un porte-parole de la Maison Blanche, Gordon Johndroe.
"Le président Bush a été et reste résolu à résoudre la question entre la Russie et la Géorgie", a-t-il dit.
Gordon Johndroe a aussi dit ne pas bien voir ce que voulait dire Nicolas Sarkozy quand il critiquait la décision américaine d'envoyer des bâtiments militaires en mer Noire en pleine crise.
"Je ne sais pas de quels navires de guerre il parle, mais je crois que les Géorgiens ont été très reconnaissants envers les navires de la Marine américaine du ravitaillement humanitaire qu'ils leur ont fourni et dont ils avaient grand besoin", a dit Gordon Johndroe. (AFP)
Comment interpréter cet épisose qui tranche avec le ton précédent ?
S'agit-il de mettre la pression sur les USA au moment d'un G20 pour lequel Bush a déjà annoncé qu'il n'était pas question de changements significatifs en termes de gouvernance mondiale de l'économie et de la finance ?
Ou s'agit-il de désamorcer les tensions avec la Russie, suite à leurs timides avancées à propos des missiles de Kaliningrad ?
Ou s'agit-il en filigrane de mettre la pression sur Obama dans le cadre de la définition de ses premières actions d'importance, en montrant une résolution plus forte qu'à l'accoutumée de l'Europe sur les solutions à apporter à la crise financière ainsi que sur la nécessité de maintenir des relations correctes avec la Russie ?
Ou encore, s'agit-il principalement de déclarations à usage interne européen visant à justifier la prétention de Sarkozy à garder une place de leadership prééminente pendant la présidence tchèque qui démarre en janvier ?
Ou encore plus prosaïquement, mais là on sort de considérations géopolitiques, de déclarations à usage franco-français pour faire contraste à la pathétique scène que joue ces jours-ci le PS, et consolider une remontée du capital politique du président dont il pourrait juger avoir besoin pour faire passer le prochain train de réformes (c'est l'hypothèse selon laquelle Sarkozy aurait lu les messages de Jean-Marc Labat et se serait décidé à prendre vraiment le taureau par les cornes
)
Ou bien d'autres raisons géopolitiques à ces déclarations ?
Ca ne me paraît pas inintéressant de nous livrer à cet exercice de décryptage, dans la mesure de ce que nous savons et de ce que nous pouvons inférer.
Quel est votre avis ?