Pour pérenniser une démocratie, le chemin est long.
D'abord parce que l'idéal démocratique va à l'encontre d'un fondement de la plupart des régimes. Dans presque tous les régimes politiques nationaux ou locaux, on tend à transmettre le pouvoir à des gens qui sont choisis ou nommés par le pouvoir. L' summum est lorsqu'un dirigeant arrive à transmettre le pouvoir à ses descendants qui en seront vus comme les propriétaires légitimes, même s'ils n'en ont pas les compétences...
En démocratie, régulièrement, le dirigeant vient devant le peuple présenter son bilan et lui en demander quitus. Dans de nombreuses cultures, un chef ne peut pas démissionner, il a une charge qu'il doit porter tant qu'un autre ne lui prend pas sa place ou qu'il ne meurt.
Pour qu'une démocratie se pérennise, il faut donc des chefs qui comme Mandela ou Washington quittent d'eux-mêmes le pouvoir alors qu'ils auraient pu le garder. Regardez l'histoire mondiale, vous n'en trouverez pas beaucoup de dirigeants "fondateurs" légitimes qui quittent le pouvoir de leur plein gré alors qu'ils n'auraient eu qu'à dire je reste pour qu'une grande partie de la population trouve cela légitime.
Mais, dans les cas africains, il y a plus que le destin d'un seul homme. Souvent celui-ci est entouré d'un clan, de "clients" dans le sens romain du terme. Bref, quelques dizaines d'hommes qui sont eux-mêmes entourés d'autres hommes, qui eux-mêmes .... Bref, il y a quelques dizaines de personnes dans le cercle proche de Gbabo ( on parle d'environ 80 personnes). Quelques centaines dans le cercle secondaire, quelques milliers, ou dizaines de milliers un peu plus loin. Souvent, ces gens n'ont pas été nommés à ces postes parce qu'ils étaient le meilleur candidat, mais par rapport à leur allégeance à Gbabo ou à un membre de son clan. Ces gens savent que si Gbabo quitte le pouvoir, ils risquent de perdre leur place, mais on risque aussi de découvrir leurs malversations et de les poursuivre pour cela. Ces gens sont piégés en Cote d'Ivoire. Ils n'ont plus le droit d'en sortir, leurs avoirs étrangers risquent d'être saisis, bloqués et eux risquent de finir en prison.
Gbabo s'est piégé lui-même en acceptant dans les conditions de l'accord de Prétoria (il paraitrait même que ce son les Ivoiriens de Gbabo qui avaient proposé cette solution=. La loi normale de la Cote d'Ivoire dit qu'une Commission Électorale Indépendante (CEI) contrôle est supervise l'élection et son dépouillement. Mais que le résultat est validé par le Conseil Constitutionnel. Cette pratique se retrouve d'une manière ou d'une autre dans de nombreux pays. En France, c'est le Ministère de l'Intérieur qui suit le bon déroulement d'un scrutin. Il y a de nombreux pays où une telle pratique serait perçue comme une main-mise du pouvoir sur le résultat des élections...
Lors des accords de Prétoria, les signataires de l'accord ont proposé et accepté que ce soit l'ONU qui valide les résultats de l'élection. Surement que Gbabo pensait mieux tenir la partie sud du pays. Il se trouve que ce n'était pas le cas. Il a largement été battu dans le nord. Mais, il n'est pas majoritaire dans le sud, malgré le bourrage des urnes. Si peu majoritaire que le Conseil Constitutionnel a annulé les résultats de 7 régions du nord du pays, mais qu'il a du invalider des voix en faveur d'Ouattara dans le sud du pays. Il l'a d'ailleurs fait d'une façon qui montre que même dans ce type d'activité, il est un amateur.
D'ailleurs, cet exemple de report des voix montre mieux le dilettantisme de ces apprentis-dictateurs. Admettons que dans une circonscription, il y a 180 000 votes exprimés et que ces votes se répartissent ainsi ; 50000 pour le candidat A et 80000 pour le candidat B. S'il y a suspicion de fraude, usuellement, on annule les votes douteux. Admettons que l'on considère qu'il y a 31 000 votes douteux en faveur du candidat B, le résultat final deviendrait : 50000 pour le candidat A et 49000 pour le candidat B. Les Ivoiriens ont réussi à inventer la machine à laver les votes. Pour eux, 31000 votes douteux donnent le résultat suivant : 81000 pour le candidat A et 49000 pour le candidat B... Et cela alors que les témoignages des observateurs indiquent que s'il y a eu fraude massive dans le sud, elle fut le fait du candidat A...
Bref, Gbabo a signé un accord où il donnait à une autorité indépendante et extérieure au pays le droit de valider le vote et maintenant, que ce résultat ne lui convient pas, il se base sur la loi ivoirienne pour valider le résultat qui lui convient. Mais, il fait cela de manière si grossière que même des militants de son parti lui disent qu'il s'est pris comme un idiot :
http://www.afrik.com/article21577.htmlhttp://www.afrik.com/article21567.htmlCitation:
L’odeur de la mort est de retour dans un pays qui était promis au redécollage économique en cas d’élection incontestée d’un président, qu’il s’appelât Gbagbo, Ouattara ou Bédié, suivie d’élections législatives, départementales et locales qui auraient permis de recaser une bonne partie des élites ivoiriennes de tous bords. Est-ce en replongeant son pays dans une crise désormais inextricable que Laurent Gbagbo et son clan favorisent-ils la deuxième indépendance de la Côte d’Ivoire ? Est-ce en reportant de cinq ou dix ans supplémentaires la relance de l’économie du pays et de la région qu’ils œuvrent à la « libération » totale de l’Afrique du joug des puissances étrangères ? Est-ce en faisant prononcer des décisions ridicules par la plus haute juridiction de leur pays qu’ils feront respecter les institutions des États africains souverains par les donneurs de leçons de l’Occident ?
La situation postélectorale de la Côte d’Ivoire est extrêmement grave. La polarisation de la société ivoirienne savamment provoquée et exaltée par les propagandistes des médias publics et le ministre de la « rue » promu ministre de la Jeunesse de Gbagbo rend la perspective d’une « explication finale » plus crédible que jamais. Pour de nombreuses familles, l’heure du deuil a déjà sonné. Faut-il absolument que la Côte d’Ivoire cède à la tentation de la guerre civile totale pour que toutes ses élites politiques et militaires comprennent qu’il n’y a aucune alternative à la coexistence pacifique de toutes ses communautés, au respect du verdict des urnes et à la cogestion des institutions de l’État par les femmes et les hommes de toutes régions et de tous bords politiques ?
La stratégie du clan Gbagbo est suicidaire. Seul contre la CEDEAO, l’Union africaine, l’Union européenne, les États-Unis et capable de refuser de prendre l’appel téléphonique de Barack Obama, Laurent Gbagbo a définitivement prouvé au monde qu’il était « garçon » comme on dit dans les quartiers populaires d’Abidjan. Simone Gbagbo aussi est indubitablement garçon. Chapeau bas. Il est temps de montrer qu’ils sont aussi capables de faire preuve d’humanité et d’empathie pour tous leurs concitoyens, du sud, du nord, de l’est et de l’ouest. Faut-il vraiment plomber l’avenir de millions de personnes, d’un pays et d’une région juste pour gagner une place au panthéon des héros des luttes de libération africaines ?
En fait, meilleur moyen de pérenniser une démocratie tient à la réussite des transitions démocratiques. C'est pour cela que certains mots me choquent, comme par exemple quand on dit d'un adversaire politique qu'il est un fasciste en puissance ou un futur dictateur. Ces gens-là sont élus pour appliquer un programme. Ils ont réussi à convaincre plus de 50% des votants que leur programme était le meilleur. Même si je ne suis pas d'accord avec ce programme, je dois reconnaitre que jusqu'à présent nos représentants élus ont toujours respecté la transition démocratique. Demain, ce sera peut-être un candidat de mon camp, avec un programme qui me sied qui arrivera au pouvoir, quelque soient ces résultats, aux élections suivantes, il se représentera devant le Peuple en acceptant que celui-ci sanctionne éventuellement sa politique. C'est la seule manière de pérenniser une démocratie.