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 Sujet du message: Re: Ou va la justice française ?
MessagePosté: Mer 25 Fév 2009 11:35 
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À propos du vocabulaire abscons de la législation et de la justice, il est à noter qu'il habitue nos magistrats à un style parfaitement désuet, qui lorsqu'il se révèle dans certains jugements ne laisse pas d'être croustillant : pour le plaisir :

Citation:
Le désir, la consommation du désir et le droit pour le dire

Beaucoup d’entre vous sans doute connaissent ce jugement de relaxe prononcé en 1982 par le tribunal correctionnel de Chalons-sur-Marne à l’encontre d’un jeune homme poursuivi pour “avoir détourné, sans fraude ni violence”, une jeune fille mineure de 17 ans et demi au moment des faits (article 356 du code pénal abrogé par le nouveau Code pénal entré en vigueur en 1994)

Mais sa (re) lecture est toujours aussi délicieuse, et je ne résiste pas.

Tribunal correctionnel de Chalons-sur-Marne, 13 octobre 1982, présidence de M. Gelle.

    Attendu qu’il appert des pièces de la procédure, des débats à l’audience et des déclarations de N. que Dlle D., lors âgée de 17 ans et demi, servait des boissons dans l’auberge dont la femme R. était la tenancière, lorsque, sur le minuit, arrivèrent quatre hommes et deux filles;

    que le sieur N., à l’époque âgé de 18 ans et 3 mois, qui était parmi ceux-ci, convia la mineure à la danse et, envisageant ses attraits, fit d’icelle prompte conquête;

    qu’enhardi par l’absence de toute barrière que la jouvencelle eut pu dresser contre son entreprise et même conforté par l’accueil sans nuance qu’elle réservait au projet de son fier vainqueur, N. ne balança point à rechercher ses grâces secrètes et ses faveurs ultimes;

    que Dlle D.les lui prodigua d’ailleurs sans différer aucunement ni les restreindre davantage;

    que cependant, dame B., ci-devant Joséphine D., instruite dans le même temps de l’aventure et mue par le désir tardif de préserver sa fille d’une atteinte qu’elle croyait peut-être originelle mais qui n’était que nouvelle, la mineure ayant en effet déclaré aux procès-verbaux qu’un tiers avait déjà bénéficié de ses suffrages trois mois auparavant, vint heurter à la porte du logis où s’étaient retranchés les amants, interrompant ceux-ci en leurs ébats avant même qu’ils en eussent atteint le sommet;

    Attendu que le sieur N. bien qu’il ne laissât point de confesser la connaissance entière qu’il avait de l’âge de la donzelle, fait néanmoins plaider aujourd’hui sa relaxe au motif pris de ce qu’il n’aurait pas eu la volonté durable de la soustraire à la parentale autorité;

    Attendu, en droit, que si le délit d’enlèvement ou de détournement de mineure est constitué nonobstant l’adhésion que la victime ait pu y mettre, pour ce qu’un mineur, en effet, ne peut point valablement consentir, encore faut-il qu’il existe chez son auteur un élément intentionnel consistant en la conscience d’une part, de soustraire ledit mineur des lieux où l’avaient placé ceux à l’autorité ou à la direction desquels il était soumis ou confié et, d’autre part, de l’en retirer d’une manière sinon définitive, en tout cas durable;

    Et attendu qu’en la cause, il n’est pas certain que le prévenu N. eût d’autres desseins que de satisfaire à une impétuosité momentanée devenue fugitive dès son assouvissement; que dès lors, non seulement n’est établie à son encontre nulle intention de ne plus représenter la mineure, mais que, de surcroît, la preuve n’est pas rapportée que le détournement se fût prolongé au-delà du temps habituellement nécessaire à l’apaisement d’un désir d’autant plus vivement consumé qu’il était ardent;

    Attendu qu’il n’est donc point en l’espèce de rapt de séduction;

    Et considérant que le fait poursuivi ne saurait recevoir aucune qualification pénale;

    Par ces motifs, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, relaxe Stéphane N. des fins de la poursuite sans peine ni dépens”.


:lol: (trouvé sur le blog de la chroniqueuse judiciaire du Monde, Pascale Robert-Diard).

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 Sujet du message: Re: Ou va la justice française ?
MessagePosté: Mer 25 Fév 2009 11:42 
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Et dans les commentaires, cette observation :

Citation:
Ne serait-il pas de notre temps, que nul ne dénierait au Président Gellé de percevoir l’époque avec justesse, et s’il la transcrit en considérations inactuelles, il lui rend intemporellement justice tant dans sa bassesse que son humanité faite de misère ou de fulgurance spirituelle. La justice se pare du manteau éternel de la vertu cardinale, pour qu’il nous rappelle dans une langue hors du temps qu’en toute cause se jouent et se dénouent les mêmes drames humains, voudrait-on les voiler dans les circonstances du moment pour leur donner le goût de l’actualité si prisée des chroniqueurs et folliculaires trop souvent ignorants de l’histoire.

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 Sujet du message: Re: Ou va la justice française ?
MessagePosté: Mer 25 Fév 2009 15:07 
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Shinji a écrit:
À propos du vocabulaire abscons de la législation et de la justice, il est à noter qu'il habitue nos magistrats à un style parfaitement désuet, qui lorsqu'il se révèle dans certains jugements ne laisse pas d'être croustillant : pour le plaisir
Erreur, c'est un contre-sens dans l'interprétation. Le magistrat s'est amusé, en en rajoutant des tonnes, dans un exercice de style, du second degré. C'est très visible quand on sait que les magistrats, gens très fins et cultivés, font assaut entre eux de rédactions à l'ancienne en y mettant beaucoup d'humour. En général, c'est pour la forme. J'ai passé 3 ans à la Chancellerie, les jeunes magistrats de la place Vendôme adoraient cet exercice de virtuosité avec des cas imaginaires portant presque toujours sur le sexe. Le cas précité est un modèle du genre révélant le grand talent de son auteur.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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 Sujet du message: Re: Ou va la justice française ?
MessagePosté: Mer 25 Fév 2009 15:19 
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Alain.g a écrit:
Erreur, c'est un contre-sens dans l'interprétation. Le magistrat s'est amusé, en en rajoutant des tonnes, dans un exercice de style, du second degré.

Bien sûr, ce n'est pas de vocabulaire juridique en tant que tel qu'il est fait usage dans cette "composition", mais la force de ce texte réside dans la parfaite maîtrise d'un style désuet, maîtrise venant, je pense, de l'habitude de fréquenter les expressions juridiques désuètes et figées dans le temps (figées dans le temps pour la bonne raison exposée par un commentaire : nécessité pour la justice de se tenir à l'écart des modes et des effets passagers du temps). C'est pourquoi je formulais dès l'abord : "À propos du [et non pas : Bel exemple du] vocabulaire abscons de la législation et de la justice, il est à noter qu'il habitue [et non pas : il est manifeste dans cet exemple-là] nos magistrats à un style parfaitement désuet". ;)

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 Sujet du message: Re: Ou va la justice française ?
MessagePosté: Mer 25 Fév 2009 20:45 
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Je ne vous dis pas mon "amusement" quand en Licence, je devais commenter ce genre d'arrêt :roll:

Mais pour contrebalancer cet arrêt, je vous propose celui là, pour vous montrer que certains juges peuvent avoir de l'humour :
Citation:
Cour d’appel de Riom, 1ère chambre civile, 7 septembre 1995

Attendu que la poule est un animal anodin et stupide, au point que nul n’est encore parvenu à le dresser, pas même un cirque chinois; que son voisinage comporte beaucoup de silence, quelques tendres gloussements et des caquètements qui vont du joyeux (ponte d’un œuf) au serein (dégustation d’un ver de terre) en passant par l’affolé (vue d’un renard); que ce paisible voisinage n’a jamais incommodé que ceux qui, pour d’autres motifs, nourrissent du courroux à l’égard des propriétaires de ces gallinacés; que la cour ne jugera pas que le bateau importune le marin, la farine le boulanger, le violon le chef d’orchestre, et la poule un habitant du lieu-dit La Rochette, village de Salledes (402 âmes) dans le département du Puy-de-Dôme.

Par ces motifs : statuant publiquement et contradictoirement, infirme le jugement, déboute le sieur Rougier de son action et le condamne aux dépens..."


:lol:


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