Je ne condamnerai ni n'approuverai mais je me contenterai d'analyser et de tenter de déterminer les causes, le sens et les conséquences. Trump profère des propos extrêmement durs qui sont des appels à la séparation et au rejet des musulmans, dans un pays qui a une tradition de liberté d’expression sans limite. Les média officiels sont certes très policés. Mais sur les nouveaux médias moins institutionnels et pour monsieur et madame lambda, certains se lâchent sans limite. C’est l’Amérique. L’Amérique a déjà pratiqué des quotas, discriminé des étrangers et même des natifs selon leurs origines migratoires ou selon leurs opinions. L’énormité absolue, c’est que Trump a osé, et ce point n’était probablement pas un dérapage calculé mais un dérapage spontané, puisqu’il a même visé les musulmans américains. Et pourtant, un sondage d’opinion (ça n’est certes qu’un sondage mais ça dit tout de même quelque chose à chaud de l’état de l’opinion) indiquait à chaud que 56% des américains approuvaient les propos de Trump. Pas étonnant car les USA ont déjà pratiqué des mesures privatives de liberté à l’encontre de certaines de leurs minorités, notamment pendant la seconde guerre mondiale.
La notion d’ennemi intérieur est probablement plus inhérente à ce pays qu’à n’importe quel autre, étant donné que foncièrement, les états-uniens sont des envahisseurs, bien plus que les descendants de colons espagnols et portugais en Amérique latine. Les fondateurs des 13 colonies puis des USA, ce sont les européens qui voulaient faire place nette devant eux. Hormis au début, il y a eu très peu de mélanges avec les indiens. Les indiens, on les pousse, on les parque et on les massacre. Les noirs aussi ont été perçus comme une menace intérieure. Les espagnols et portugais ont certes commis beaucoup de massacres, mais pas pour faire place nette : c’est juste pour imposer la soumission aux autochtones, les spolier et les exploiter très durement. Mais il y a eu infiniment plus de métissage dans leur sphère.
L’Amérique se raidit contre les musulmans. Il faut dire que quand on voit les photos du couple ayant commis ce dernier massacre, on a l’impression d’être en Irak, en Syrie ou ailleurs au Moyen-Orient, mais pas aux USA. Rapprochez ces photos des actes en question, et cela conduit forcément à une association d’idées très forte sur le thème « cet Islam-là est une menace. » Aux USA, on ne prend pas de gants comme en Europe. Les gens ne se laissent pas dicter ce qu’ils doivent penser, ce qui ne veut pas dire qu’ils mettent forcément leur vote avec leurs passions.
Vous avez aussi le fait que les descendants d’européens, les « caucasiens » comme on dit là-bas, vont bientôt devenir minoritaires sous l’effet de la poussée démographique des latinos et des asiatiques. Et cela crée un sentiment de dépossession chez une partie de ces « caucasiens » auxquels Trump s’adresse.
Quelles conséquences cela peut-il avoir ? A mon avis, il n’est pas sûr du tout que cela nuise à Trump. Et je pense que ce ne sont sûrement pas les condamnations des politiciens professionnels complètement discrédités et rejetés d’une part, et des vedettes d’Hollywood d’autre part (des « liberals », comme on dit là-bas, c’est-à-dire peu ou prou des gauchistes du point de vue des conservateurs), qui vont changer quoi que ce soit. Hillary Clinton suscite un très fort rejet dans la droite américaine. Et entre Trump et Clinton, il est vraisemblable que la majorité des électeurs pencheront pour le second.
Et il est bien entendu que tout cela restera largement au stade du discours de campagne car l’exécutif américain a très peu de pouvoirs en la matière et la Cour suprême veille.
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