C’est en effet inquiétant. Je remarque cependant que les documents cités en référence sont très orientés. Or, pour porter une juste appréciation, il faut entendre les contradicteurs des diverses tendances et non d'une seule.
L'idée d'un traité commercial n'est pas à rejeter d'emblée. J'ai quelque peine à croire que tout serait dans l'intérêt américain et tout au détriment de l'Europe. Par exemple, c'est un détail qui me vient à l'esprit, les fromages au lait cru posent problème aux Etats-Unis ; il y a peut-être moyen de discuter pour les faire accepter. Il est vrai que le secret dans lequel on entoure les négociations donne du crédit aux soupçons, en particulier sur la qualité des négociateurs car, s'il faut conclure un arrangement, c'est bien sûr entre Etats souverains et non entre magnats de la finance et de l'industrie.
Une instance judiciaire chargée de régler les conflits portant sur l'application du traité me paraît une nécessité. Le traité conclu, nait le risque qu'une des parties soit tentée de prendre des mesures réglementaires contrevenant à une application de bonne foi des termes du traité. Le protectionnisme non tarifaire est chose courante. L'abus ne serait pas dans le droit à indemnisation en cas de modifications de dispositions réglementaires mais dans les termes du traité qui doit prévoir un juste équilibre entre abandon de souveraineté de la part des Etats et sécurité juridique pour les acteurs économiques. Des instances judiciaires supra-nationales existent déjà, à commencer par la cour de justice de l'Union Européenne. Bien entendu, le pouvoir judiciaire étant une prérogative régalienne, il doit être confié à des magistrats désignés par les parties contractantes et non dévolu à des cabinets d'arbitrage de droit privé.
Pour illustrer en quoi un argumentaire comme celui paru dans Theatrum Belli peut susciter des réserves, je relève cet extrait :
Citation:
…révélatrice du degré de soumission de l’Europe aux Etats-Unis – comme Ie sont également Ie récent achat par les Pays-Bas de 37 avions de combat américains F-35, Ie choix du gouvernement allemand de choisir Ie lanceur américain Falcon 9 pour lancer trois satellites gouvernementaux, ou la décision de la France d’acquérir du constructeur américain General Atomics des drones de surveillance Reaper pour 1,5 milliard de dollars.
Pour l'auteur de l'article, pas de doute, si la France de achète des drones américains, c'est qu'elle est dominée par les Etas-Unis. Mais c’est méconnaître les véritables raisons d'un tel achat. On s’est récemment convaincu de l’urgence à doter les armées françaises de drones. Or l'industrie française n'en fabrique pas encore. Il faut donc les acheter à ceux qui sont capables d'en fournir, à savoir les industriels américains. Certes, Dassault a lancé un programme de drones, mais cela prend du temps. En attendant, on n'a pas le choix. C'est à rapprocher d'un problème similaire qui s'est posé il y a une vingtaine d'années, celui du remplacement des avions d'interception de la Marine, qui étaient hors d'âge, qui a été réglé dans le sens inverse. Il y avait alors une alternative : attendre l'aboutissement du programme Rafale ou acheter aux Etats-Unis des F-18 immédiatement disponibles. L'état-major de la Marine, sur des considérations purement militaires, avait conseillé au gouvernement l’achat de F-18. Le gouvernement en a décidé autrement au profit de Dassault. On a pu s’en féliciter, mais il faut tout de même savoir que cette décision incluait celle de faire l’impasse pendant une dizaine d’années sur une composante essentielle du dispositif aéronaval.