Le salon géopolitique de Passion-Histoire

Comprendre et penser la géopolitique du monde contemporain.

Revenir à Passion-Histoire
Nous sommes le Jeu 28 Mar 2024 17:42

Heures au format UTC + 1 heure [ Heure d’été ]




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 70 messages ]  Aller à la page Précédent  1 ... 3, 4, 5, 6, 7  Suivante
Auteur Message
 Sujet du message: Re: Séisme grec
MessagePosté: Jeu 16 Juil 2015 10:32 
Hors ligne
Membre PH
Membre PH

Inscription: Jeu 18 Mar 2004 00:16
Messages: 772
Je ne pense pas qu'on puisse qualifier Tsipras et Syriza de sociaux-démocrates. Pas plus que Podemos ou Die Linke ou le Parti de Gauche qui les soutiennent et les soutenaient avant l'arrivée au pouvoir de Syriza.

Syriza et Tsipras se définissent eux-mêmes comme de gauche radicale.

Reste qu'une fois au pouvoir, les circonstances et les contraintes commandent. Et Tsipras comme Syriza sont forcés de mener une politique qui à bien des égards est même moins que sociale-démocrate et n'est même pas sociale-libérale. La thérapie de choc, cela n'a pas de couleur politique.

Ce qui frappe la Grèce et qui sidère beaucoup de gens, en particulier en France, c'est que la réalité grecque et européenne est en train de prouver quelque chose qu'on avait voulu oublier puis carrément nier depuis 2 générations, à savoir qu'il n'y a pas de progrès inexorable de l'aisance matérielle, qu'il n'y a jamais de droits économiques et sociaux acquis. La notion d'acquis sociaux est une fiction politique et juridique.

Le certain bien-être et les richesses accumulées par des générations d'européens avait déjà été oblitérés à l'occasion de la seconde guerre mondiale. On l'a oublié.

Il n'y a d'acquis que ce dont on a les moyens et tant qu'on en garde les moyens. Et quand on n'en a plus les moyens, eh bien ce n'est plus acquis : cela s'arrête. Ce n'est pas une question de système de pensée économique. Libéralisme à l'anglo-saxonne, libéralisme fortement régulé à la mode européenne continentale, ou économie planifiée à la mode autoritaire des anciens pays de l'est, on ne peut pas durablement consommer plus que ce qu'on produit ou plus que ce qu'on produit nous permet d'acheter par la voie de l'échange.

Mais le pire, le plus dramatique dans l'affaire grecque, et que les grecs ont bien perçu, c'est l'absence de toute perspective de redressement.

C'est le problème d'un monde devenu trop petit.

C'est un changement anthropologique absolument majeur. Dans toute l'histoire de l'humanité, les problèmes qui se posaient aux sociétés était celui de la rareté, de la pénurie. Si bien que quand il y avait une crise temporaire, liée à un choc (guerre, épidémie, cataclysme) ou à la correction d'un déséquilibre temporaire, eh bien cela repartait de l'avant pour un pays.

Mais depuis une génération, survient ce qui n'était jamais arrivé : le problème n'est plus la pénurie mais le trop-plein, l'excès de productivité permis par le progrès technique.. Tout le monde essaie de dégager tout le monde. Et quand quelqu'un se retrouve sur le flanc, les autres lui prennent "sa place" et ne la lui rendront à aucun prix.

C'est un problème qu'on rencontre à tous les niveaux : entre pays au sein de l'UE ou au niveau mondial, mais aussi un niveau infra-national.

Et apparemment, la perspective qui se dessine n'est pas celle du déclin de la démocratie mais le repli sur les solidarités les plus fortes : les solidarités nationales. C'est la démocratie dans un seul pays : le mien.

C'est là-dessus que l'UE est en train de se fracasser.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Séisme grec
MessagePosté: Jeu 16 Juil 2015 14:48 
Hors ligne
Modérateur
Modérateur

Inscription: Jeu 15 Avr 2004 23:26
Messages: 3318
Localisation: Alsace, Colmar
Caesar Scipio a écrit:
Je ne pense pas qu'on puisse qualifier Tsipras et Syriza de sociaux-démocrates. Pas plus que Podemos ou Die Linke ou le Parti de Gauche qui les soutiennent et les soutenaient avant l'arrivée au pouvoir de Syriza.

Syriza et Tsipras se définissent eux-mêmes comme de gauche radicale.


A un moment, il faut de l'argent dans les caisses pour faire fonctionner le pays :payer les fonctionnaires, assurer les retraites, financer les services sociaux. Si on lit le programme de Syrisa avant qu'ils soient élus, ils n'ont jamais dit qu'ils allaient mener la révolution (quoiqu'en Grèce, vouloir instaurer un système efficace de recouvrement de l'impôt soit révolutionnaire). Ils ont dit qu'ils voulaient faire en sorte que ce soit la moins dur possible pour les petites gens, qu'ils désiraient ramener de la justice sociale et mettre fin à l'austérité. Pour mettre fin à l'austérité, quand on est dans les conditions de la Grèce, il faut conduire des réformes pour ramener de la croissance. Mais, quand les créanciers frappent à la porte en même temps pour exiger les sommes d'argents qui leur sont dues ...

Ce matin j'écoutais les infos sur France-Inter et j'ai appris quelque chose que j'ignorais. Apparemment, la dette grecque a été restructurée de manière à ce que son remboursement soit repoussé à plus tard. C'est aussi ce qui a été fait pour la dette espagnole, la dette italienne, le Portugal, l'Irlande, ... Et d'après ce que disais le chroniqueur, les grecs payent proportionnellement moins que les italiens ou les espagnols. Or, les espagnols et les italiens ont réussi à relancer leur économie et le PIB est reparti à la hausse. Ce qui permet de relativiser le poids de la dette et d'améliorer la situation du pays.

Les grecs restent englués dans le même problème : ils n'arrivent pas à faire rentrer les impôts et ils n'arrivent donc pas à faire bien fonctionner l’État. Dans un système où une bonne part des citoyens sont fonctionnaires. Effectivement, il existe d'autres solutions. Par exemple virer tous les fonctionnaires en surnombre et adapter leur nombre à l'état des finances grecques. Je vous laisse deviner les conséquences ... La Grèce devait avoir les moyens de payer. Si elle avait mis en œuvre la réforme principale demandée lors des premiers plans de redressement de l'économie : mettre en place un système efficace de recouvrement de l'impôt. On parle de démocratie, mais on oublie que le citoyen a des droits et des devoirs. Payer l'impôt est l'un des devoirs fondamentaux. Pour l'avoir oublié, les grecs se retrouvent en situation délicate et ce sont les plus faibles qui en pâtissent le plus, même si ce ne sont pas eux qui ont le plus profité du système.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Séisme grec
MessagePosté: Jeu 16 Juil 2015 18:40 
Hors ligne
Membre PH
Membre PH

Inscription: Jeu 18 Mar 2004 00:16
Messages: 772
Je vais encore vous apporter quelques contradictions.

Seule la dette publique grecque a fait l'objet d'une simili-restructuration. Celles des autres pays que vous mentionnez non. Certains de ces autres pays (Irlande et Portugal) ont juste bénéficié bénéficié de facilités de refinancement auprès du FESF (le "frère aîné" d MES) à une période où ces pays ne pouvaient refinancer leur stock de dette arrivé à maturité qu'à des taux prohibitifs sur les marchés financiers.

S'agissant de l'Espagne, oui, elle semble avoir retrouvé une certaine croissance ... depuis 2014. Sauf que son PIB reste nettement inférieur à ce qu'il était en 2008 et que son taux de chômage est de 25%.

Situation assez proche pour l'Italie qui, elle, est toujours en récession.

http://data.lesechos.fr/pays-indicateur ... u-pib.html

Donc non, les espagnols et les italiens n'ont pas rétabli leur économie. Ils ont juste rétabli un équilibre de sous-emploi.

Les politiques d'assainissement budgétaire ne suffisent pas à rétablir la croissance. Tout au plus permettent-elles de rétablir l'équilibre des comptes et de diminuer les coûts dans l'espoir de chiper des parts de marchés aux pays concurrents par une désinflation compétitive. Sauf que c'est une politique qui n'a une chance de marcher que si on est seul à la pratiquer. Si tout le monde mène cette même politique en même temps, elle échoue et entraîne une spirale déflationniste dans laquelle les recettes fiscales chutent, les dépenses sociales subissent une pression à la hausse, et au final la dette publique augmente.

La balance des transactions courantes de l'UE avec le reste du monde est lourdement excédentaire.

La stratégie du passager clandestin est non coopérative. Elle devient nuisible quand un joueur trop important la pratique (Allemagne en Europe et Chine dans le reste du monde). Et elle conduit à une impasse catastrophique quand tout le monde la pratique.

Elle est d'autant plus absurde en Europe que l'UE enregistre déjà de lourds excédents commerciaux avec le reste du monde. Et si l'UE le fait, ce n'est pas parce qu'elle est dynamique. Elle le fait parce qu'elle comprime sa demande extérieure et qu'elle veut - enfin surtout l'Allemagne chez qui c'est une obsession absurde - accumuler des excédents sur ses clients extra-européens.

Résultat : l'UE stagne économiquement, est un mauvais client pour le reste du monde alors que c'est pourtant un des marchés les plus riches, où le niveau de vie est plus élevé que partout ailleurs, Amérique du nord mise à part.

Tout cela parce qu'un pays pense qu'accumuler indéfiniment des excédents commerciaux énormes, c'est équilibré, c'est un signe de bonne santé économique, c'est bien. Tout cela parce que ce même pays ne fait plus d'enfants depuis 40 ans (taux de fécondité oscillant entre 1,3 et 1,4 enfant par femme) au point que sa population aura diminué de 30% en 2050 et que donc il veut faire payer ses retraites futures en accumulant un maximum de capitaux auprès de clients étrangers.

Et ce même pays a en outre le toupet schyzophrène de dauber sur les pays clients qui enregistrent, eux, les déficits contrepartie des excédents courants allemands. Bienvenue chez les fous ! Sur le plan économique, l'Allemagne ne devrait pas s'appeler Deutschland mais Verrückteland.

Une chose est économiquement certaine. Aucun pays qui est déjà en récession ne peut remuscler son appareil productif (ce qui est la condition pour que la dette grecque redevienne soutenable) et en même temps demander à un pays dont le PIB a déjà baissé de 25% de comprimer davantage son PIB et de dégager des excédents budgétaires monstrueux.

C'est une pure injonction contradictoire. Surtout quand elle est adressée à la Grèce dont l'économie est anémiée.

Enfin, quand même, puisqu'on est dans un salon rattaché au forum Passion-Histoire, je rappelle que le pays le plus virulent vis-àvis de la dette, l'Allemagne toujours, est le pays qui n'a jamais payé ses dettes. Et les dettes publiques et extérieures accumulées par l'Allemagne étaient moralement bien moins révocables que celles de la Grèce.

Les dettes de l'Allemagne étaient les dettes résultant de ses crimes : le fait qu'elle a voulu et déclenché 2 guerres mondiales qu'elle a conduite d'une façon atroce. Et on a plusieurs fois fortement allégé le fardeau de la dette allemande pour lui permettre malgré tout de se redresser, de faire amende honorable.

La Grèce, elle, n'a accumulé sa dette que par gabegie et parce que des "dealers" lui ont fait des facilités pour financer à crédit l'achat de la "came" (voitures et armement notamment) que ces mêmes dealers cherchaient à tout prix à vendre à ce client.

Bref, s'il y a une dette qui est moralement irrévocable, ce n'est, de mon point de vue, pas la dette de la Grèce.

Il faut obliger la Grèce à équilibrer son budget, il faut alléger le poids de sa dette parce que même si le service de la dette pèse moins lourd dans le PIB grec, c'est toujours trop eu égard à la faiblesse de l'économie grecque qui est en pleine syncope. Et il faut aider à financer un plan d'investissement à long terme dans le développement économique en Grèce.

Mais là, ce qu'on est en train d'infliger à la Grèce, cela aurait les mêmes effets que le plan Morgenthau et cela ne laisse le choix aux grecs que de crever pour la dette ou d'abandonner leur pays pour laisser cette dette accrochée à une terre vide d'habitants, seule solution paradoxale ou absurde pour faire admettre aux créanciers que cette dette n'est pas tenable.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Séisme grec
MessagePosté: Jeu 16 Juil 2015 19:54 
Hors ligne
Modérateur
Modérateur

Inscription: Jeu 15 Avr 2004 23:26
Messages: 3318
Localisation: Alsace, Colmar
Caesar Scipio a écrit:
Bref, s'il y a une dette qui est moralement irrévocable, ce n'est, de mon point de vue, pas la dette de la Grèce.


En ce qui concerne l’allègement de la dette, il semble qu'on y aille doucement, pour ne pas brusquer certains milieux. Bref, tout le mode semble savoir que, sauf miracle, la Grèce ne paiera pas tout. Mais, on fait semblant que, oui, elle devra tout payer. Surtout envers les petits pays qui ont déjà fait de gros efforts pour assainir leurs situations.

Quand aux aides ... L'accord de lundi matin a permis de débloquer pas mal de choses qui devraient aider les grecs au quotidien : http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/07/16/20002-20150716ARTFIG00190-la-grece-recoit-de-l-argent-pour-faire-repartir-son-economie.php

Citation:
VIDÉO - Prêt d'urgence, plan d'aide, lignes de crédit aux banques... Les institutions européennes ont pris ce jeudi plusieurs décisions cruciales pour l'avenir de la Grèce. Le Figaro fait le point.
Publicité
Par l'Eurogroupe

• Un troisième plan d'aide

Les ministres des Finances de la zone euro ont procédé à une conférence téléphonique dans la matinée. Ils ont donné leur feu vert pour l'ouverture de négociations sur un troisième plan d'aide à la Grèce, après le vote par le Parlement grec de la première série de réformes réclamées par les créanciers. «Nous avons décidé aujourd'hui d'accorder en principe à la Grèce un soutien financier d'une durée de trois ans», ont déclaré les ministres dans un communiqué à l'issue de la réunion téléphonique, saluant l'adoption par le Parlement grec des réformes prévues dans l'accord conclu lundi à Bruxelles.

» Lire notre article: D'où viennent les 85 milliards d'euros proposés à la Grèce?

• Un prêt-relais de 7 milliards d'euros

L'Eurogroupe a également donné son aval à l'octroi d'un prêt-relais de 7 milliards d'euros à la Grèce via le Mécanisme européen de stabilité financière (MESF), a annoncé Jean-Claude Juncker. Ce prêt-relais doit durer jusqu'à la mi-août, a précisé la porte-parole du président de la Commission européenne.
Par la Banque centrale européenne

• Le relèvement du plafond des crédits d'urgence

Dans sa traditionnelle conférence de presse, Mario Draghi a annoncé avoir décidé de relever de 900 millions d'euros sur une semaine le plafond des prêts d'urgence accordés aux banques grecques. «Nous avons décidé aujourd'hui de relever ELA», acronyme pour ses financements d'urgence qui constituent depuis février la dernière source de financement des banques grecques et étaient plafonnés depuis fin juin à près de 89 milliards d'euros. Il a indiqué que la BCE continuait d'agir en partant du principe que la Grèce «est et restera un membre de la zone euro».

» Lire notre article: Comprendre la décision choc de la BCE de fermer une partie des robinets à la Grèce

• L'allègement de la dette grecque

Le président de la BCE a estimé qu'il n'y avait «pas de controverse sur le fait qu'un allègement de la dette soit nécessaire». «La question est ‘quelle est la meilleure façon de procéder à cette allègement de dette'», a-t-il ajouté. Néanmoins, il a exclu toute décision sur cette question aujourd'hui. Le FMI avait déjà réclamé cette semaine un allègement drastique du fardeau grec. Mais plusieurs pays, dont l'Allemagne, sont fermement opposés à toute restructuration de la dette.

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Séisme grec
MessagePosté: Ven 17 Juil 2015 10:21 
Hors ligne
Membre PH
Membre PH

Inscription: Jeu 18 Mar 2004 00:16
Messages: 772
Vous allez finir par penser que je m'acharne. ;)

Les termes mêmes du communiqué que vous citez montrent précisément que le sommet de l'Eurogroupe n'a quasiment apporté aucune solution.

Ils se sont surtout mis d'accord sur le fait qu'ils allaient ... continuer de se réunir pour négocier les termes d'un 3ème plan d'aide et pour négocier. Tout ce qui est fait pour le moment, c'est la BCE qui réouvre les vannes de ses dispositifs de refinancement à court terme pour permettre à la Grèce de faire face à son échéance de fin juillet (dues au FMI et à l'eurogroupe) et éviter de se retrouver officiellement en défaut de paiement (ce qu'elle est de facto).

Bref, Mario Draghi qui porte la zone euro à bouts de bras depuis qu'il est arrivé à la tête de la BCE est le seul à dire et proposer ce qu'il faut faire, et à faire le nécessaire dans son champ de compétences (et même au delà).

Mais les autres sont juste toujours dans le déni, l'incohérence, les faux-semblants et l'inaction. Et ils demandent à Tsipras un train de mesures de réduction de dépenses à mettre en oeuvre sans délai alors que le bon sens économique voudrait que la Grèce et ses partenaires mettent en oeuvre d'abord les mesures d'investissement et de relance de l'activité puis ensuite les mesures d'assainissement.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Séisme grec
MessagePosté: Ven 17 Juil 2015 11:33 
Hors ligne
Membre PH
Membre PH

Inscription: Sam 13 Mai 2006 23:36
Messages: 183
Localisation: Limoges
Caesar Scipio, autant vos analyses économiques sont très intéressantes, autant j’ai du mal à vous suivre dans vos propos sur l’Allemagne.
Tout d’abord j’ai peut-être mal compris votre notion de « passager clandestin » mais le terme me semble peu adapté quand il s’agit d’un des membres fondateurs de l’Euro et qui est en grande partie à l’origine des fameux « critères de Maastricht ». On peut les critiquer mais il me semble que leur application avait pour but d’éviter la situation actuelle de la Grèce ; et en tout cas la règle du jeu était claire dès le départ.
Ensuite, quand vous dites que l’Allemagne a déclenché 3 guerres, vous allez un peu vite en ce qui concerne la 1ère Guerre Mondiale (la seule qui l’a conduite à devoir payer des réparations). Vous reprenez la thèse exprimée par le traité de Versailles, les historiens actuels sont un tout petit peu plus prudents. Et la fameuse dette de 1919 que l’Allemagne n’a jamais remboursée en totalité (mais qui l’a tout de même plongée dans une crise sans précédent dans les années 20) n’est pas le résultat de ses « crimes » mais d’une volonté avant tout française de la faire payer. L’Allemagne elle aussi sait ce que c’est de « négocier avec un pistolet sur la tempe »… (Peut-être, d’ailleurs, devrait-elle se souvenir davantage en ce moment des événements qu’elle a connus en 1919-1920)

Ensuite vous semblez faire reproche à l’Allemagne du fait qu’elle ne fait plus d’enfants depuis 40 ans et qu’elle adapte sa politique économique en conséquence. Je suis surpris du simplisme de ce raisonnement. L’Allemagne qui ne fait plus d’enfants, ce sont les citoyen(ne)s. Celle qui mène une politique économique, c’est le gouvernement. Reprochez-vous au gouvernement allemand le taux de fécondité des Allemandes ? On sait bien que l’influence des politiques gouvernementales sur la natalité est faible. Ou bien lui reprochez-vous de mener une politique économique qui lui semble adapté à sa situation démographique ?

Pour en revenir à la Grèce, j’avoue que je n’ai pas compris du tout la position de Tsipras qui dans le même temps lance un référendum pour refuser les propositions de l’Eurogroupe, et annonce qu’il veut que la Grèce reste dans l’Euro.

Par ailleurs, si je ne m’abuse, lors de la crise grecque de 2010, les principaux créanciers de la Grèce étaient des banques. La crainte était que le défaut grec ne provoque une crise bancaire (une de plus). Pour l’éviter, les Etats n’ont pas tellement eu d’autre choix que de prendre à leur charge la dette grecque. Ils peuvent eux aussi (y compris l’Allemagne) estimer qu’à cette occasion on leur a forcé la main. Je peux comprendre que des gouvernements qui ont imposé à leurs pays une politique rigoureuse pour assainir leurs finances demandent des garanties lorsqu’ils prêtent à un pays qui a truqué ses comptes. (après je suis d’accord sur le fait que ces garanties ne peuvent pas se résumer à une austérité sans fin).


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Séisme grec
MessagePosté: Ven 17 Juil 2015 13:29 
Hors ligne
Membre PH
Membre PH

Inscription: Jeu 18 Mar 2004 00:16
Messages: 772
Je vais vous expliquer.

La notion de passager clandestin est très couramment employée en économie, en en particulier en ce qui concerne le commerce international entre pays.

Le passager clandestin, c'est celui qui entend privatiser les profits et socialiser les pertes.

http://www.hec.fr/Club-Finance/Editoria ... CLANDESTIN

L'Allemagne est le principal passager clandestin de l'UE et de l'économie mondiale. Sur le plan mondial, elle partage ce rôle avec la Chine. Encore que la Chine ait mis un peu d'eau dans son vin ces derniers temps.

En Europe, l'Allemagne joue sur plusieurs facteurs.

Les contradictions inhérentes à l'euro que j'ai décrites : l'euro est une subvention massive des autres pays européens aux unités de production installées en Allemagne, leur permettant de minorer leurs prix réels. Si l'euro n'existait pas et qu'on en était resté aux monnaies nationales, la monnaie allemande se serait envolée, entraînant une flambée des prix qui aurait conduit à un rééquilibrage des parts de marchés au bénéfice des unités de production concurrentes installées hors d'Allemagne. Si l'euro n'existait pas, les autres monnaies européenns (franc, lire, peseta, ...etc) se seraient dépréciées, entraînant la baisse des prix à l'exportation des produits de ces autres pays qui prendraient des parts de marchés à leurs concurrents allemands et extra-européens.

Avec l'euro et sans union de transfert, l'Allemagne garde pour elle seule l'essentiel des profits/excédents qu'elle réalise grâce à l'UE.

Je rappelle que l'excédent des comptes courants allemands (solde du commerce des biens et services avec les pays étrangers) représente plus de 7% du PIB allemand.

Grosso modo, 55% de cet excédent sont réalisés avec les autres pays européens et 35% du total de l'excédent allemand est réalisé avec le reste de la seule zone euro.

Autrement dit, alors que la contribution nette de l'Allemagne au budget européen ne représente que 0,3% de son PIB, l'Allemagne retire du commerce avec l'Europe presque 4 points de PIB nets chaque année. Et comme l'explique en détail l'OFCE, l'Allemagne doit prêter en retour ces excédents à ses clients, elle doit financer la solvabilité de ses clients, pour que l'économie européenne continue à tourner. Sinon, elle n'est qu'un prédateur incohérent qui tue ses clients.
http://www.ofce.sciences-po.fr/blog/fau ... allemands/


D'autres mécanismes permettent à l'Allemagne d'accentuer les bénéfices qu'elle retire de sa stratégie de passager clandestin :
- le recours massif abusif et même frauduleux au travail détaché,
- la sous-évaluation de la valeur ajoutée réelle des sous-traitants de l'industrie allemande installés dans les pays de l'est de l'Europe par plusieurs mécanismes (écrasement des salaires, faiblesse monétaire pour ceux de ces pays qui n'ont pas rejoint l'euro, et qui permet de rapatrier articifiellement dans les usines d'assemblage allemande une part de valeur ajoutée qui est en réalité faite chez les sous-traitants étrangers).

Oui, je réaffirme que l'Allemagne a bien déclenché 3 guerres.

La 1ère a été voulue, préparée, déclenchée par la Prusse. Ce n'est pas parce qu'un gouvernement français stupide et inconséquent est tombé dans le paneau en prenant bien son élan et en déclarant la guerre que ce n'en est pas moins la Prusse qui l'a voulue et organisée.

La 2ème, aussi. La théorie de l'accident ne tient pas. La réalité c'est que l'Allemagne a donné le feu vert à l'Autriche pour être poser des demandes inacceptables à la Serbie et que l'Allemagne a délibérément préféré que la guerre éclate en 1914 plutôt que plus tard parce que la Russie était en croissance et en modernisation rapide et que l'Allemagne voyait que le rapport de forces allait évoluer d'une manière qui lui serait défavorable dans les années à venir.
Et sur cette 1ère guerre mondiale, s'il y a eu des réparations, c'est, au delà de la question de principe de la responsabilité du déclenchement, à cause des destructions sans précédent que l'Allemagne a commises sur les territoires des pays qu'elle a envahis et sur lesquels ont eu lieu les combats : lorsqu'elle s'est retirée, l'armée allemande a détruit les mines, les voies ferrées, ...etc. Sans parler des exactions à l'encontre des populations civiles.

Ce n'est pas là la thèse des historiens de Versailles.

Sur la 3ème, à savoir la seconde guerre mondiale, je n'y reviens même pas.

Vous qualifiez de simplisme le fait que je constate que l'Allemagne ne fasse plus d'enfant ?
Mais primo ce n'est qu'un constat, pas un reproche. La seule chose, c'est de ne pas faire assumer par les autres les conséquences néfastes de ce constat.
Et secundo, croyez-vous que la politique du gouvernement allemand sorte de nulle part ? La séparation que vous faites entre les choix de la population et ceux du gouvernement, dans une démocratie, est complètement dénuée de fondement. Le gouvernement allemand fait la politique que veut la majorité de sa population et dont il pense qu'elle correspond à l'intérêt des électeurs.

Le problème, c'est que la conception que se fait l'Allemagne de ses intérêts est de plus en plus antagoniste avec les intérêts de l'Europe dans sa globalité et des autres pays européens en détail.

Je suis bien d'accord sur le fait qu'il faut assainir les comptes publics grecs. Mais il faut le faire intelligeamment. Sûrement pas en infligeant un remède qui ne peut que tuer le malade. Ce n'est pas un remède que l'Eurogroupe administre à la Grèce. C'est une punition : une longue et bruyante séance de torture, comme des interlocuteurs allemands l'expliquent par ailleurs en off à leurs interlocuteurs étrangers. Ils torturent bien fort la Grèce pour que les italiens, les espagnols, voire les français, entendent bien les cris de la victime. Si je n'étais pas limité par le nombre de liens qu'il est possible de le mettre, je le copierai ici. Mais vous pouvez aisément retrouver ces références via un moteur de recherche.


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Séisme grec
MessagePosté: Ven 17 Juil 2015 18:01 
Hors ligne
Membre PH
Membre PH
Avatar de l’utilisateur

Inscription: Dim 30 Sep 2007 13:09
Messages: 415
Localisation: Klow
Il faut cependant noter que ce sont les français qui ont imposé l'euro aux allemands qui n'en voulaient pas.

_________________
"Les gosses n'apprennent plus rien à l'école; en histoire-géo par exemple, ils doivent se débrouiller comme ils peuvent. Bientôt, un gamin nous dira par déduction que l'an 1111 correspond à l'invasion des Huns....."


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Séisme grec
MessagePosté: Dim 19 Juil 2015 14:33 
Hors ligne
Membre PH
Membre PH

Inscription: Dim 7 Sep 2008 16:55
Messages: 1370
Vitalis a écrit:
Il faut cependant noter que ce sont les français qui ont imposé l'euro aux allemands qui n'en voulaient pas.


En effet ce fut l'une des conditions mises par Mitterrand pour accepter la réunification. Parallèlement Bush imposait à l'Allemagne unie de rester dans l'OTAN.

Pour revenir au sujet, la question monétaire me semble assez secondaire et le point de vue allemand fort raisonnable. La Grèce n'a pas les moyens de rembourser une dette de 320 Mds € et encore moins une de 400. Ce prêt de 80 Mds semble être un pur scandale.

Ce qui est aussi incroyablement maladroit est d'avoir substitué en 2010 des créanciers publics aux créanciers privés. On a l'impression que l'UE a appliqué alors le principe idiot "nationalisons les pertes et privations les profits" (au risque de voir les banquiers continuer à prendre des risques excessifs). Les créanciers publics n'ont évidemment pas la pugnacité des créanciers privés.

Accessoirement je suis stupéfait du degré de précision des discussions comme si la Grèce n'était pas un Etat souverain mais une PME quelconque ...c'est humiliant pour les Grecs et au final sera inopérant car il est déraisonnable d'imaginer que la Grèce puisse rembourser ...

Une observation : nous ne savons pas tout sur ces négociations. C qui est bien normal. On peut par exemple imaginer que des éléments politico militaire ont pu jouer : situation au Proche Orient, relations greco-turques, pressions américaines, interventions de Poutine ...


Haut
 Profil  
 
 Sujet du message: Re: Séisme grec
MessagePosté: Lun 20 Juil 2015 19:44 
Hors ligne
Modérateur
Modérateur
Avatar de l’utilisateur

Inscription: Dim 26 Déc 2004 21:46
Messages: 1472
Localisation: France
Narduccio a écrit:
Bon, la messe est dite. Pour survivre, les grecs ont du accepter aujourd'hui ce qu'ils avaient refusé par référendum dimanche dernier. D'un autre coté, ils ont "contre-voté" aux distributeurs de billets. Les grecs seraient aujourd'hui le peuple européen qui a le plus d'argent liquide à domicile. Et çà continue, à raison de 60€/par jours, ils vident leurs comptes bancaires et remplissent les matelas.

Bonne nouvelle pour les cambrioleurs en Grèce.


Haut
 Profil  
 
Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 70 messages ]  Aller à la page Précédent  1 ... 3, 4, 5, 6, 7  Suivante

Heures au format UTC + 1 heure [ Heure d’été ]


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 23 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages
Vous ne pouvez pas joindre des fichiers

Aller à:  
cron
Powered by phpBB © 2000, 2002, 2005, 2007 phpBB Group
Traduction par: phpBB-fr.com