Les commentaires de Colombani sont consternants. Sa profondeur de vue est celle des boutiquiers qui gouvernaient la France dans les années 20 : « L’Allemagne paiera ». Au bout du compte, l’Allemagne n’a pas payé. Si l’on avait admis plus tôt cette issue inéluctable, on se serait peut-être épargné l’épisode nazi. On a beau jeu de comparer Tsipras à Chavez. Il serait peut-être opportun de comprendre que Chavez est la conséquence de décennies d’une certaine politique des Etats-Unis en Amérique du sud et que, si l’on veut qu’un émule de Chavez gouverne la Grèce, la meilleure façon d’y parvenir est celle de la Troïka poursuivie pour le plus grand bénéfice des grands pays exportateurs, Allemagne en tête, mais aussi France et Italie. Car, comme l’a très justement relevé Narduccio, les milliards prêtés à la Grèce ont en grande partie financé les importations intra-européennes de la Grèce.
On devrait prêter plus d’attention à des analyses telles celle de Thomas Piketty :
http://www.lemonde.fr/festival/video/2015/07/02/thomas-piketty-ceux-qui-cherchent-le-grexit-sont-de-dangereux-apprentis-sorciers_4668064_4415198.htmlEn résumé :
En 2012, a été conclu un accord, assez ambigü, avec la Grèce selon lequel ce pays devait parvenir à un excédent budgétaire primaire de niveau très élevé, 4% du PIB, et le maintenir jusqu’en 2057, avec cependant un engagement à une renégociation de la dette dès que l’équilibre primaire sera atteint. Or cet équilibre primaire a bien été atteint et, de plus, dans un délai extrêmement court. Contrairement à ce que l’on entend trop souvent, le montant des recettes publiques de la Grèce est devenu supérieur au montant des dépenses publiques. Les Grecs ne vivent plus à crédit ni au-dessus de leur moyens. La Grèce a donc dors et déjà atteint le premier objectif auquel elle s’était engagée. Mais les partenaires européens de la Grèce n’ont pas, de leur côté, accepté de renégocier leur créance, c’est à dire qu’ils n’ont pas tenu leurs engagements, ce que Colombani passe sous silence. Le succès de Syriza aux dernières élections législatives ne s'explique pasq autrement. Selon le diagnostic de Piketty, sans dette, malgré toutes ses insuffisances, l’économie grecque est viable. Une bonne chose à faire serait de ne pas demander davantage aux Grecs tant que le PIB n’est pas revenu à son niveau de 2009 (25% de chute depuis cette date). En fait, ce n’est pas la dette qui a augmenté, c’est le PIB qui a fortement baissé, faisant mathématiquement fortement monter le rapport Dette / PIB.
Pour que la Grèce puisse rembourser intégralement sa dette, il lui faudrait consacrer 4% de son PIB pendant trente ans, c'est-à-dire qu’il faudrait escompter sur un excédent primaire de 4%, ce qui n’est guère réaliste. La position des créanciers est illogique : ils n’y croient pas mais se refusent à l’admettre et, en conséquence, à accepter un abandon de créance.
Pour commencer, le FMI ne faisant que compliquer les choses et les problèmes européens devant se régler entre Européens, la créance du FMI devrait être reprise par l’Europe.
Ensuite, il faudrait qu’une conférence des pays de la zone euro étudie une restructuration d’ensemble des dettes européennes. Il faut profiter des leçons de l’histoire : l’Europe s’est construite sur une annulation de dettes. Les dettes allemandes ont notamment été effacées en 1953. On peut bien aujourd’hui effacer partiellement les dettes grecques. Quand les dettes sont trop élevées, elles ont un poids sur la croissance, non seulement celle du débiteur, mais aussi celle du créancier et il est plus rentable pour tous, dans certaines situations, de les annuler. La croissance qui se manifestera à la suite de l’annulation des dettes grecques compensera largement la perte des créances sur la Grèce.
Une chambre parlementaire de la zone euro devrait être instituée après restructuration de l’ensemble des dettes afin de fixer démocratiquement et dans la transparence sur l’ensemble de la zone le niveau commun des déficits et des investissements publics.