Cette affaire El Khomry est à la fois caricaturale et révélatrice.
Caricaturale parce que la principale qualité d’un ministre n’est pas de savoir répondre du tac au tac à questions pour un champion sur le code du travail ou sur le code général des impôts. En tant que citoyen, je n’attends pas du ministre du budget qu’il sache me dire du tac au tac quel est le plafond de la 1ère tranche de l’ISF, le taux de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, ou le taux de défiscalisation sur les investissements locatifs Girardin.
S’agissant des CDD, il y a une telle foultitude de motifs permettant de recourir au CDD que la seule bonne réponse, c’était : « cela dépend du type de CDD, pour certains c’est 2 renouvellements et pour d’autres c’est autant de renouvellements que nécessaire. »
Voilà la bonne réponse que Jean-Jacques Bourdin ne connaît toujours pas après le ridicule pataquès qu’il a délibérément provoqué.
On a désormais des journalistes ou des animateurs télé ou radio qui cherchent délibérément à fabriquer de l’information, à provoquer un scoop, à créer un événement qui ne se serait pas spontanément produit (que ce soit Bourdin, Apathie ou Ruquier dans leurs interviews).
Je considère que c’est un grave manquement à la déontologie journalistique et que cela participe de l’abaissement de la qualité de l’information politique et de la vie politique. Entendons-nous bien : j’impute une part de cette responsabilité aux journalistes/animateurs mais une partie minoritaire seulement. La part principale de responsabilité en incombe aux politiques.
La seule bonne réponse à faire à ce type de piège, quand on ne sait pas, c’est « vous êtes bien aimable, mais si vous avez besoin d’un conseil technique ou juridique, adressez-vous à mes services ils se feront un plaisir de vous répondre » .
Tout cela est par ailleurs révélateur parce qu’on a désormais plus que jamais une part considérable de ministres qui ne sont pas au niveau. Si on pose ce genre de questions à des ministres plutôt qu’à des conseillers techniques, c’est parce que nos ministres ne sont bien souvent plus que des conseillers techniques, voire n’ont même pas le niveau d’un bon conseiller technique.
Et si je réprouve la méthode employée par Bourdin, cela ne m’empêche pas de comprendre parfaitement que c’est cela qu’il voulait en fait dénoncer : le fait qu’une grande partie de nos ministres n’a pas du tout le niveau. A l’ère de la tyrannie stérile des communicants, la composition des gouvernements relève hélas du casting. « Tu me mets une femme à ce poste parce que tu comprends, il faut montrer un renouvellement et promouvoir la jeunesse, envoyer des signes à la diversité, …etc. »
Le problème n’est pas qu’elle ne connaisse pas les détails techniques. Le problème est qu’en France on nomme à des postes des gens qui n’ont ni la compétence métier, ni, à défaut de compétence métier, les qualités de flair politique, de stratégie managériale, les capacités de négociation, de fédération et d’entraînement qui sont des caractéristiques obligatoires pour avoir de bons dirigeants politiques. En France, on valorise le baratin, les EDL, la communication, bref des caractéristiques de militant et non pas des caractéristiques de gouvernant.
Ce n’est pas un sujet de culture. René Monory est considéré comme l’un des tout meilleurs ministres de l’économie que la France ait eu, et il était garagiste. Etre garagiste ne veut bien sûr pas dire être inculte et n’empêche pas d’être un solide autodidacte. Mais vous connaissez la formule d’Audiard : « un intellectuel assis ira toujours moins loin … » . Et quand c’est un con qui est assis …
La médiocrité du personnel politique a atteint un niveau préoccupant. Ce n’est pas un problème de culture mais tout simplement de niveau et de qualité. Dans les partis de gouvernement, il aurait du être inconcevable de nommer un Hamon ou une Vallaud-Belkacem comme ministres de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Hamon n’est rien d’autre qu’un militant besogneux. Et NVB n’est rien d’autre qu’une militante/communicante talentueuse mais sans aucune des qualités qui font un bon ministre. Certes, j’apprécie énormément son joli minois, son sourire et ses tenues légères en été, qui sont beaucoup plus attrayants que ceux d’une Nicole Bricq, mais ce n’est pas cela qui fait un bon ministre ni une bonne action politique. Bartolone président de l’assemblée nationale, c’est tout de même énorme. Harlem Désir secrétaire d’Etat aux affaires européennes, no comment. Batho à l’écologie, Duflot au logement, … etc, ce devrait être juste inimaginable. Et on pourrait dire la même chose à droite sur les dernières années avec un Douste-Blazy aux affaires étrangères, une Morano, une Dati à la Justice, un Pierre Bédier, un François Baroin nommé ministre de l’économie, un Christian Estrosi ministre de l’industrie, et j’arrête là la liste.
Je ne m’étends même pas sur les partis protestataires, grands ou petits, ou le niveau est 3 fois pire.
Le niveau baisse, baisse, baisse, parce que la politique se réduit au schéma suivant. Des militants parlent aux militants sous le coaching de communicants qui ont réussi l’exploit de se faire payer très très cher pour les persuader que ce qui comptait c’était l’image.
Un directeur marketing va voir le responsable des ventes pour lui demander l’impact ventes des coûteuses campagnes de publicité. Et si le directeur des ventes lui indique que les ventes chutent et que l’image de marque s’effondre, le directeur marketing change de stratégie de communication ou bien il est viré.
Mais là non, c’est devenu un mélange entre Hélène et les garçons, le loft et la star académie. Ils couchent ensemble, le conjoint de une telle est au cabinet de untel, ils se trompent, se font des vacheries, et sont tout contents d’être là parce que c’est quand même mieux que d’être dans l’anonymat et qu’ils ne savent rien faire d’autre, comme disait Don Salluste.
Ils en sont à près de 90% des français qui se défient de la classe politique, mais ils continuent de plus belle. Sans se rendre compte que le message subliminal qu’ils adressent aux citoyens c’est : « virez-nous parce que rien d’autre ne nous forcera à changer ».
C'est ce qui est en train de se passer, hélas pour nous et bien mérité pour eux.
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