Barbetorte a écrit:
Être citoyen, ce n'est pas assumer des actifs et des passifs moraux. Le mot moraux, c'est vous qui l'ajoutez pour me faire dire ce que je ne dis pas. Je tiens beaucoup à ma métaphore comptable. Vous avez parfaitement raison d'observer que les actifs et les passifs ne sont pas éternels. Il y a ce qu'en comptabilité on désigne par amortissement. L'empreinte des évènements s'érode. Mais celle de l'esclavage est loin d'être effacée.
Cela, c’est vous qui l’affirmez de manière totalement subjective. Le propre de la démarche victimaire, c’est le fait que des personnes aillent chercher dans le passé des explications aux difficultés qu’elles rencontrent aujourd’hui. Sur le mode « tiens, je ne suis pas aussi haut dans l’échelle sociale et économique que je le voudrais. Est-ce que ce ne serait pas la faute de quelqu’un d’autre ? ».
La comptabilité patrimoniale relève d’une pure logique de propriété matérielle. C’est un pur sophisme que de la transposer dans un autre champ, pour des faits qu’on ne peut pas rattacher à des personnes précises et pour lesquels on peut rarement établir un lien de causalité.
Barbetorte a écrit:
Et que leur propriété ainsi que les conséquences de leur propriété ne coulent pas de source. Si, la propriété coule de source. Quand on hérite, on sait parfaitement pourquoi et la conséquence de la propriété, qui coule de source, est qu'il faut la gérer.
Affirmation encore une fois purement gratuite. Vous ne démontrez rien. La parole présente ne crée pas une réalité passée. Les actes passés ne sont pas un bien patrimonial. Cette question de l’héritage des actes ne peut trouver un début de fondement que s’il y a eu une décision validée selon des modalités qui permettraient de la rendre comparable avec les modalités actuelles, et que s’il n’y a pas discontinuité entre le régime et le peuple de l’époque et ceux d’aujourd’hui.
On en est très loin. Il n’y avait pas le début du commencement d’un régime reposant sur la légitimité populaire (sûrement pas la Grande-Bretagne d’avant l’abolitionisme), hormis les Etats sudistes esclavagistes aux USA, qui auraient assumé par des décisions. Une oligarchie arrivée au pouvoir sans le moindre processus de validation un tant soit peu démocratique, validant les pratiques d’une oligarchie affairiste n’engage pas la responsabilité des ressortissants de toute une nation 8 ou 10 générations plus tard.
Et surtout, vous écartez l’élément fondamental déjà évoqué dans des messages antérieurs. Hormis le cas des rapts/raids/razzias d’esclavagistes arabes, l’acteur central, préalable, indispensable, souverain, décisif, des traites négrières, c’étaient les esclavagistes noirs africains qui trouvaient que c’était une ressource hyper-rentable.
Barbetorte a écrit:
Tout le monde n'a pas été esclavagiste. Toute l'Europe occidentale a été esclavagiste.
C’est un amalgame franchement pauvre. L’Europe occidentale n’avait aucune réalité politique. Elle n’en a d’ailleurs encore quasiment aucune. Il n’y a aucun fondement pour intenter un procès à tel ou tel pays (Mexique, Maroc, …etc) au motif qu’il y a des trafiquants de drogue qui provoquent d’énormes problèmes de santé publique et de criminalité dans les pays où ils refourguent leur came. Il n’y a aucun fondement sérieux pour que les descendants des serfs intentent à la Russie un procès en responsabilité contre la pratique du servage sous les tsars, quand bien même la situation économique de ces personnes serait difficile.
Bref, des européens occidentaux, ce ne sont ni l’Europe occidentale ni les européens occidentaux. Sinon, on est dans l’amalgame et dans l’essentialisation de comportements individuels.
Barbetorte a écrit:
Le recours à l'esclavage ne résulte pas d'un choix politique que l'ensemble ou la majorité des citoyens passés auraient voulu ou validé. Rien dans ce passé ne peut se comparer au processus de validation populaire qui a accompagné le nazisme en Allemagne.C'est bien pour cela que je me suis gardé d'écrire le moraux que vous avez estimé indispensable d'ajouter. Si vous avez bien lu mes interventions précédentes, il n'a pas dû vous échapper que je faisais moi aussi la distinction.
Soit. Mais alors je cherche sans succès la cohérence avec le reste de vos propos et arguments.
Barbetorte a écrit:
Quand bien même descendrais-je par l'escalier de service de César, de Gengis Khan, de Cortès ou de Joséphine, cela ne me rendrait aucunement responsable de leurs actes. Il faudrait peut-être que vous commenciez à réfléchir à la notion de nation et à l'idée qu'un pays n'est pas qu'un agrégat d'individus. Ou alors, inutile d'apprendre l'histoire. Ne parlons plus de la France des Lumières. Il n'y a pas de France des Lumières, il n'y a que quelques individus au dix-huitième siècle qui ont eu des idées qui nous paraissent aujourd'hui intéressantes et dont vous ne pouvez absolument pas vous accaparer le mérite. Arrêtons de défiler et de lancer des feux d'artifice le 14 juillet, cela n'a aucun rapport avec aucune choucroute.
Soit on continue à se proclamer la patrie des droits de l'homme et l'on assume aussi le côté moins reluisant de l'histoire, soit on oublie tout et, pour reprendre à l'envers les mots du président de la République, il serait temps que l'homme blanc n'ait plus d'histoire. D'ailleurs, n'a-t-on pas lancé une théorie sur la fin de l'histoire ?
La simplification grandiloquente, ça me paraît dépassé depuis longtemps, ainsi que peu pertinent.
Non seulement la plupart des gens sur ce forum et ailleurs ne vous ont pas attendu pour réfléchir à la notion de nation. A celle d’histoire aussi : faire de l’Histoire, ce n’est pas instruire le procès du passé mais analyser, comprendre, décrire et expliquer le passé.
Quant au rapport avec la choucroute des commémorations du 14 juillet, des célébrations et autres commémorations, il faut une sacrée dose de dialectique stérile et de pensée circulaire (le postulat de départ étant la culpabilité ontologique de ces salauds d’européens) pour ne pas la voir et pour la déformer à ce point.
On commémore des valeurs auxquelles on adhère. On les commémore parce que leur proclamation a été une véritable révolution culturelle, politique, sociale, morale et qu’on se reconnaît dans ces événements fondateurs. On les commémore parce qu’on y est attaché, comme quand on fête l’anniversaire d’un être cher ou qu’on va fleurir sa tombe. Ca n’est pas plus compliqué que cela.
Après, je suppose que certains y voient l’expression d’un insupportable sentiment de supériorité, mais une telle démarche en dit beaucoup plus sur le mode de pensée de ces critiques compulsifs que des personnes qui commémorent ces événements et se réclament de ces valeurs.
Evoquer encore l’homme blanc, ça situe d’ailleurs la pauvreté de la pensée de l’actuel président de la République qui est infoutu (encore que c’est probablement par pur opportunisme électoraliste en ligne avec les analyses à 2 balles de Terra Nova) de faire la différence entre les différentes notions et les différents faits dont il a été question dans cette discussion. Cela traduit aussi le fait qu’il a parfaitement intégré le mode de pensée raciste de ceux qui ramènent tout à une question de couleur de peau.
Je vous invite aussi à creuser un peu plus les notions de responsabilité, de représentativité, de légitimité, et à intégrer les différences abyssales entre les régimes politiques et les structures sociales et culturelles d’aujourd’hui et celles d’il y a 2, 3, 4 ou 5 siècles. L’Histoire devrait aussi vous inciter à manier avec la plus grande précaution les notions de responsabilité collective sur plusieurs générations. C’est extrêmement dangereux, la responsabilité collective intergénérationnelle maniée à tort et à travers, instrumentalisée à des fins finalement assez peu reluisantes.