Aigle a écrit:
Ce que veut implicitement Johnson c'est recréer une union douanière anglo-irlandaise : pas de barrières entre l Ulster et la Grande Bretagne ni entre l'Ulster et l'Eire. Et donc soit aucune barrière entre le RU et l UE continentale - ou bien une barrière entre les iles britanniques et le RU ?
Il y a deux arguments à cela : c'était le régime existant en 1972 avant l'adhésion des deux États à la CEE... Et Johnson (comme Trump) fait parti de cette nouvelle vague de dirigeants à moitié dingues qui sont totalement crédibles quand ils brandissent des menaces absurdes.
On peut trouver qu'il y a là une regrettable régression intellectuelle et une transformation de la négociation diplomatique traditionnelle en partie de poker. Je crains que cette évolution qui me semble plaire à une partie au moins et l'opinion publique ne soit durable ...surtout si Trump est réélu en 2020...
Je suis assez d'accord avec votre analyse, si tant est qu'on puisse comprendre ce qui se passe dans la tête de Johnson, l'homme aux 350 millions par semaine.
Mais il y a plusieurs bémols qui font que sa position ne constitue pas une menace qu'il pourrait mettre à exécution de façon unilatérale.
D'abord ces deux solutions supposent un accord avec l'UE, accord qui pour des raisons de principe me peu probable :
je n'imagine pas l'UE supprimer les barrières douanières sans que le RU se plie aux mêmes règles que l'UE, ce qui signifie pas de Brexit. j'imagine encore moins que l'UE établisse des barrières entre un état membre (l'Eire) qui n'a rien demandé à personne et le reste de l'UE, pour satisfaire les demandes d'un membre qui a choisi de partir. Donc ce retour à 1972 n'est pas possible sans un accord de l'UE qui me semble improbable..
Et puis je comprends aussi que l'enjeu irlandais n'est pas seulement l'union douanière mais aussi la libre circulation des personnes (liée à l'accord du Vendredi Saint), et là, il faudra expliquer comment tous ces immigrés honnis que refusent les Brexiters pourront passer sans contrôle ou presque de l'UE à l'Eire, de l'Eire à l'Ulster, et de là en Grande-Bretagne. Mais SuperJohnson a certainement une solution.
Dans cette diplomatie des invectives et du poker qui, comme vous le soulignez justement, a le vent en poupe ces derniers temps, des gens moins policés que Barnier pourraient faire deux types de reproches à WonderBoris.
1) Tout dans son attitude et ses arguments (rendre le Royaume-Uni grand à nouveau, oublier la frontière terrestre de juste 500 km comme si elle n'existait pas, revenir à 1972 comme si l'entrée de l'Eire dans l'UE n'existait pas...) fleure bon les glorieuses années 1840, lorsque la Navy régnait sur les mers, que le Royaume-Uni imposait ses accords commerciaux à la Chine, et que l'Irlande n'était qu'une colonie. Je comprends l'agacement de Varadkar.
2) Quelle que soit la manière dont Superboris présentera les choses à l'opinion publique, si comme c'est probable le Brexit débouche sur une frontière entre les deux Irlandes et que celle-ci allume à nouveau la guerre civile en Ulster, c'est lui qui, en faisant une campagne mensongère pour un projet politique incompatible avec la paix civile, aura du sang sur les mains.