Narduccio a écrit:
Admettons qu'il y a 2 ans, Hollande et Fabius aient annoncé qu'ils allaient prendre le chemin de Damas au nom de la lutte contre Daech ... J'imagine déjà le tollé que cela aurait fait. Et il y a fort à parier que ceux qui auraient mené le tollé soient les mêmes qui reprochent aujourd'hui à Fabius et à Hollande de ne pas se compromettre avec Damas. On peut lui faire pas mal de reproche, mais le président Hollande semble tenir à quelques valeurs et ne pas vouloir les galvauder.
Ensuite, il faut se rappeler que les Assads ont souvent œuvré contre la France et très peu en faveur de sa politique.
Il y aurait certainement eu un tollé, en effet. Mais où et de la part de qui ?
D’abord chez une minorité de notre opinion publique qui gobe ou adhère en toute connaissance de cause à l’idéologie de bazar selon laquelle il faut virer les dictateurs tyrans sanguinaires qu’on a les moyens et l’envie de taper.
Le problème, c’est qu’une large majorité de notre opinion publique si elle avait été honnêtement éclairée, serait depuis bien plus longtemps parvenue à l’opinion qui est la sienne aujourd’hui : Assad est un moindre mal et il faut lutter contre les djihadistes sunnites de tout poil qui veulent étendre sur tout le Moyen-Orient un régime islamiste guerrier et expansionniste.
Et on en vient à la 2ème minorité chez qui une telle politique aurait provoqué un tollé : celle des journalistes et faiseurs d’opinion autoproclamés qui tiennent encore les médias mainstream.
Ces journalistes et faiseurs d’opinion ne parviennent en fait plus à faire l’opinion publique. Mais ils conservent encore les moyens d’étouffer autant que possible l’opinion partagée par la grande majorité de l’opinion publique. Eux et ceux des politiques qui partagent leurs vues, leur façon de penser, ont véritablement fait sécession du reste du pays qu’ils prétendent régenter y compris contre ses intérêts de sécurité les plus fondamentaux.
L’opinion majoritaire ne filtre encore qu’au compte-goutte, via les réseaux sociaux.
C’est ce qui me fait qualifier la situation de pré-révolutionnaire. Quand l’élite au pouvoir refuse de faire le boulot, sur un sujet qui n’est pas seulement un sujet de politique étrangère mais qui est étroitement lié à des sujets majeurs de politique étrangère (sur lesquels elle est aussi en porte-à-faux par rapport à l’opinion publique majoritaire), elle court un risque de délégitimation pouvant conduire à un phénomène de sécession/répudiation. Ces comportements conduisent de plus en plus de gens à vouloir renverser la table, au risque de confier le pouvoir à un parti extrémiste à défaut d’une autre alternative crédible.