Dupleix a écrit:
Marocain a écrit:
malheureusement ce sujet est plus complexe. Le problème c'est que le dogme islamique (pas islamiste) considère que Mahomet est l'exemple de l'homme parfait. Or les islamistes se réfèrent systématiquement à Mahomet pour justifier leurs actes (hadiths essentiellement). Donc un musulman même modéré ne peut pas critiquer frontalement l'islamisme sans s'en prendre à la figure sacralisée et idolâtrée de Mahomet.
Exemple: Un musulman modéré va bien évidemment rejeté la lapidation, mais il sera obligé de passer par une pirouette sémantique pour justifier sa position, cette justification alambiquée paraitra ubuesque pour ceux qui ne le comprennent pas. (cf Moratoire sur la lapidation proposé par Tariq Ramadan).
Je crois que vous mettez le doigt sur la difficulté majeure.
On entend beaucoup dire qu’il est possible de développer un islam dit « modéré » compatible avec les valeurs de la République laïque. Et je ne doute pas que beaucoup de musulmans le souhaitent ou le pensent sincèrement.
Mais quand on va au fond des choses, cela me semble loin d’être aussi simple. L’exemple que vous donnez montre que pour construire cet islam « modéré », et si on ne veut pas se contenter de pirouettes sémantiques, il y a à un moment donné des renoncements à faire dans le dogme. Considérer que certaines certaines prescriptions religieuses (passages du Coran, hadiths, ou traditions autres…) ne sont pas applicables. Et ça, ce n'est facile que pour quelqu'un qui ne croit pas vraiment. Pour un croyant, ça peut être très difficile. Même un musulman non islamiste aura du mal à le faire, surtout si comme vous le dites une certaine pression sociale musulmane idéalise les « purs ».
On dispose d’un exemple historique en France avec la religion catholique.
Les relations aujourd’hui pacifiées entre cette religion et la République laïque peuvent faire croire qu'une évolution similaire est possible aussi pour l’islam sans drames…
Mais en réalité, pour en arriver à la situation actuelle, il y a eu des siècles de combat.
La « laïcisation » de la société française a commencé lors des guerres de religion au XVIème siècle, avec les soubresauts qui ont duré jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes, puis la lutte féroce entre les philosophes du XVIIIème siècle et le parti clérical, lutte qui s’est poursuivie sous la Révolution puis sous les Républiques, avec en point d’orgue la loi de 1905 qui a aussi été un drame national. Au final, ce qui a le plus aidé dans cette évolution, c’est qu’en parallèle il y a eu la déchristianisation. On peut penser que si les relations sont apaisées entre les catholiques et la République, c’est parce qu’il ne reste plus assez de catholiques…
Je crains que la vision intégriste de l’islam ne soit similaire à la vision catholique de la société qui prévalait avant ce combat.
Etes-vous bien sûr d'être allé au fond des choses ???
Ibn Taymiyya qui est pourtant la référence de tous les extrémistes (pas que mais bon...) distingue ce qui est intangible de ce qu'il n'est pas dans le message de l'islam. On parle donc d'un cheikh du XIIIe siècle...
Citation:
"Même des hanbalites comme Ibn Taymiyya et Ibn Qayyim al-Jawziyya s’étaient déjà résigné à distinguer les prescriptions coraniques concernant les croyances et les cultes (aqa’id et ibadat), considrées comme intangibles, et celles susceptibles d’adaptations et ayant trait aux relations sociales et aux mœurs (les mu’amalat)." (cf le politique et le religieux dans le champs islamique de M. Cherif Ferjani)
C'est d'ailleurs tellement "pas si facile" que même l'Arabie Saoudite l'a fait... Je vous conseille d'ailleurs l'excellent ouvrage de Nabile Mouline "Les Clercs de l'islam" – Autorité religieuse et pouvoir politique en Arabie Saoudite(XVIIIe-XXIe siècles) :
Citation:
"En effet, la redéfinition, toujours en cours, de certains concepts et de mots marqueurs importants a fait et continue de faire passer le hanbalo-wahhabisme de manière quasi-
définitive d’une contre-religion à une religion. Affronter trois grandes crises politico-religieuses en moins d’un demi-siècle a permis au hanbalo-wahhabisme d’accomplir
une sorte d’aggiornamento sur des question fondamentales…"
Il y a notamment des exemples assez drôles comme des fatwas contre la télévision et les appareils photos qu'on a discrètement rangé dans les cartons...