Kurnos a écrit:
Zadrobilek a écrit:
On ne prendra que trop tardivement la mesure des mutations structurelles favorisant l'individualisme. .
Je ne suis pas certain de bien comprendre, les facteurs essentiels ne me semblent pas bien identifiés ?
"mutations structurelles", pour moi ce sont les "mutations technologiques" qui sont le moteur. La révolution technologique est un bouleversement total dont on a du mal à appréhender les conséquences qui peuvent être dramatiques. Tous se vautrent et s’empiffrent de nouveautés technologiques jusqu’à saturation, on assiste à une indigestion généralisée de technologie.
Qui met en garde contre les dangers du monde connecté, du téléphone portable et de l’intrusion d’Internet dans le domicile de chacun, qui ?
Qui essaye de contrer la prolifération incontrôlée de technologie, qui ?
Pour lutter contre les risques d’indigestion et d’empoisonement, il faut faire des mathématiques au plus haut niveau, chercher, inventer des armes technologiques pour se protéger,
ce n’est pas la nudité physique qui pose un problème, c’est la nudité de la vie intime et intellectuelle de chacun, la pensée n'appartient plus à l'individu.
Le stade physique est complètement dépassé, c’est de la décence intellectuelle qu’il faut se préoccuper.
Mais au lieu de lutter, on se gave de technologie, tous sans exception.
Concernant les jeunes, j’habite une partie de l’année à 50 mètres d’un lycée international, toutes les filles sont en short ou jupes courtes, les garçons ne semblent pas les importuner, tous ces adolescents me semblent heureux de vivre. Si il y avait un problème ce n’est pas au niveau des cuisses qu’il serait, il serait au niveau de leur téléphone qu’elles n’arrêtent pas de consulter.
Qui se préoccupe de la révolution technologique, qui ?
Qui fait de la recherche à ce sujet, qui ?
Les vrai dangers tout le monde s’en fiche, salafistes inclus tant qu’il peuvent répandre leurs idéologie avec la révolution technologique, ils se gavent de technologie eux aussi via les réseaux cryptés.
Notre salut viendra de la recherche et non des prières stériles.
Je vais donner quelques exemples concrets mais l'on pourrait écrire des pages entières :
- Tout d'abord les mutations économiques, avec une compétition généralisée et la disparition progressive des filets de sécurité depuis le backlash néo-libéral des années 80. Les mécanismes de solidarité/redistribution s'estompent, or ils garantissent du lien social. Plus les inégalités sont fortes, et moins les gens se mélangent, provoquant de fait un apartheid spatial puis mental. Ces mécanismes n'ont pas encore totalement disparu chez nous (mais ça ne saurait tarder, les LR qui vont sans doute prendre le pouvoir se surpassent dans la surenchère anti-sociale), toutefois les inégalités se creusent et sont excluantes. D'où l'attrait exercé par l'Oumma qui est une forme de solidarité alternative et qui est d'autant plus attrayante que l'Islam est posé comme l'ennemi principal de cette République haïe.
- Le danger absolu n°2 pour les membres de ce forum est le communisme. Or, il n'avait pas que du mauvais, et plus précisément dans le quotidien des gens des cités-dortoir dans les décennies qui ont succédé à leur édification. Le communisme proposait un idéal d'émancipation, d'amélioration des conditions de vie, et surtout une alternative aux cultures proposées par les généalogies (réelles ou fantasmées) des individus. Un horizon alternatif qui créait du commun avec les autres français, en somme, auquel absolument rien n'a succédé d'où l'anomie qui favorise le nihilisme, la violence et
in fine la psychopathie. Ce n'est pas un hasard si les premiers mouvements "beurs" étaient laïques et volontiers assimilationnistes (car ils ont poussé sur ce terreau) et si les mouvements islamiste (salafistes ou autres) ont prospéré dans ces territoires abandonnés de l'ex-banlieue rouge dont les édiles ont troqué les idéaux d'émancipation collective au profit du clientélisme et de la compromission.
- Echo au premier point : le climat de compétition économique brutal n'incite pas les individus à la solidarité. D'où un rapport très particulier au travail de ce qu'on appelle par commodité "la génération Y", élevée dans la certitude du déclin occidental irrémédiable, jugée unanimement plus ambitieuse et individualiste que les précédentes, son faible attrait pour le syndicalisme malgré un environnement pro en constante dégradation, etc. Le mécanisme est simple : "La vie est dure, donc je vais penser à mon cas propre avant de me soucier d'autrui" ; autrement dit, le chacunsamerdisme. À cet égard, je me souviens précisément d'une interview de Raymond Barre qui se félicitait d'avoir introduit le CDD en 1979, avec pour finalité explicite de faire baisser le taux de syndicalisation. Craignant pour leur reconduction de contrat, ou certains de quitter l'entreprise, les salariés ne jugeaient plus opportun de se soulever collectivement.
- L'influence des programmes culturels anglo-saxons et notamment américains qui exercent une influence considérable sur les téléspectateurs. À force de voir des personnages de série américaine, de s'identifier à eux, on finit par vouloir en adopter les valeurs d'autant que les USA apparaissent (à tort ou à raison) prospères, puissants, dynamiques et inventifs - contrairement à cette France sclérosée qui paraît surtout vieille, gestionnaire et panurgiste. Kurnos, je doute que vos proches aient été entièrement soustraits aux programmes US, ne serait-ce que Friends ou les Simpsons par exemple (le second donne notamment une image attractive du progressisme US fondé sur l'individualisme et le communautarisme). Et si tel est le cas, vos proches incarnent l'exception.
- Sans parler de la "culture du narcissisme", titre d'un livre de Christopher Lasch (auteur également de "La trahison des élites" qui préfigurait des évolutions politiques effectivement constatées récemment) qui traite de la diffusion du narcissisme dans la culture américaine du XXè, culture qui influence très profondément la nôtre par subjugation. Son constat est implacable : l'individualisme triomphant rompt les liens de solidarités ancestraux et brise les processus de continuité historique (= on vit par et pour soi, et de préférence dans l'instant). Le résumé qu'en propose la notice wikipédia est limpide :
Citation:
Dans cette culture du présent, sans passé ni avenir, la satisfaction des besoins immédiats matériels ou affectifs, la recherche d’un bien-être ou tout du moins d’une impression de bien-être sont la priorité. Il en découle une civilisation thérapeutique centrée sur le moi, négligeant tout ce qui s’en éloigne, tout ce qui pourrait encourager au désintéressement personnel, à l’amour ou à l’altruisme. Dès lors se déploie une stratégie de survie - parfois déguisée en hédonisme - ainsi qu’un sentiment de danger, d’incertitude, d’inauthenticité, de vide intérieur, de solitude, dans un climat de « guerre morale » ou de guerre de « tous contre tous ».
Après, lutter contre ces phénomènes implique que la classe moyenne remette en question les choix politiques qu'elle a effectués depuis plusieurs décennies, ce qu'elle ne fera pas pour préserver son confort à court terme - quitte à léguer une situation apocalyptique à ses descendants immédiats. Un patriote authentique ne doit jamais oublier que la devise nationale comporte trois termes. Il est sans doute trop tard, cependant, pour infléchir des tendances à l'oeuvre depuis quelques décennies et dont l'aboutissement n'a pas encore été réalisé.