Pour des raisons sociologiques et idéologiques.
Les partis modérés (à gauche, le PS, le PRG et les écologistes encore qu'une partie de ces derniers soit radicale, et à droite l'UDI, les LR hormis ce qu'il reste de leur frange souverainiste, ainsi que la cabine téléphonique que constitue le MODEM) ont fait des choix idéologiques et politiques essentiels qui les mettent en porte-à faux avec la jeunesse.
Ces partis modérés ont fait le choix des rentiers et des protégés contre les jeunes actifs qui cherchent à se faire une place. Ces choix s'illustrent surtout dans le cadre européen qu'ils ont construit depuis le milieu des années 1980 :
- Acte Unique de 1986 de Mitterrand et Delors qui établit le principe de la concurrence libre et non faussée, c'est-à-dire en réalité la concurrence asymétrique et le moins disant social, fiscal et salarial aussi bien au sein de la CEE/UE qu'à l'extérieur avec lequel les accords commerciaux ont supprimé la quasi-totalité de nos barrières douanières alors que les autres les maintiennent,
- traité de Maastricht de 1992 (à l'époque, j'étais pour. J'ai eu tort. J'étais trop jeune et pas encore assez capé en économie) qui construit une monnaie de rentiers contre les actifs (les rentiers veulent une monnaie forte et pas d'inflation alors que les jeunes et les entrepreneurs ont intérêt à une monnaie plutôt faible et à une certaine inflation pour alléger le poids des dettes qu'ils contractent pour construire l'avenir, le leur comme celui du pays), et qui ne favorise que les professions hautement qualifiées, celles capables de vendre cher des services très demandés, à très forte valeur ajoutée et pas soumis à une concurrence étrangère trop intense. C'est le vieux mythe de la division internationale du travail qu'on m'enseignait à la fin des années 1980 et au début des années 1990, sur le thème "A nous occidentaux les métiers les plus qualifiés et aux autres, non-occidentaux, les métiers moins qualifiés". A quoi j'objectais, tant c'était évident "comment pouvez-vous croire que tous les français seront ingénieurs, chercheurs, concepteurs, ... etc, et que les non-occidentaux ne seront pas capables de le devenir à leur tour ?",
- politique du marché du travail de protection des insiders, visant surtout à bénéficier aux plus qualifiés (qui sont ceux qui bénéficient de très loin le plus de la formation professionnelle continue) que cela soit ceux qui ont bénéficié de CDI dans le privé ou les fonctionnaires, les autres, nouveaux entrants jeunes en particulier, étant soumis à une concurrence beaucoup plus rude ne laissant de place qu'aux plus qualifiés ou aux plus adaptables (logique darwinienne).
Grosso modo, on a la gauche modérée qui est le parti des fonctionnaires, des agents publics et para-publics, et des agents des entreprises publiques, ainsi que des professions du spectacle et des médias.
On a la droite modérée qui est le parti des cadres supérieurs et moyens du privé, des chefs d'entreprises pas trop petites, des professions libérales et d'une partie des artisans, ainsi bien sûr, ne l'oublions pas, surtout des retraités qui sont par essence conservateurs au sens matériel du terme (il faut que cela tienne parce qu'ils vivent matériellement du produit des cotisations des actifs et du produit des intérêts et dividendes versés par les entreprises et par les autres agents économiques ayant contracté les dettes que les séniors détiennent, puisque les séniors sont évidemment les principaux détenteurs des capitaux en France).
On a l'extrème gauche qui est le parti des petits salariés du secteur public et des survivants de la grande époque où le communisme, dans sa version PCF ou trotskiste, était encore fort.
Et on a l'extrème-droite qui est le seul parti dynamique et qui est grosso modo, le parti de ceux qui sont le plus exposés aux conséquences négatives de la crise dans laquelle la France s'enfonce depuis 40 ans. C'est-à-dire les personnes du secteur privé, soit ceux des niveaux de qualification les moins élevés, soit ceux des secteurs les plus soumis à la concurrence internationale, le parti de ceux qui se sont éloignés vers les zones périurbaines pour ne pas rester dans les quartiers devenus trop chers pour eux ou de plus en plus peuplés par des gens issus de l'immigration maghrébine et africaine. Une très large majorité de ceux qui constituaient l'électorat populaire du RPF-RPR, et même du PCF, sont passés soit dans l'abstention, soit au FN. Le FN est devenu le parti des jeunes et des actifs, en particulier des actifs qui ne sont pas les plus qualifiés et qui sont dans le secteur privé (même s'il y a de plus en plus de fonctionnaires, là aussi surtout dans niveaux de qualification moins élevés).
Le FN est en dynamique parce que la France va mal. Les gens qui se sentent menacés, qui croient qu'ils vont être de ceux qui n'auront pas leur place dans les canots de sauvetage, passent soit au FN soit à l'abstention. Les gens qui pensent qu'ils ne seront pas touchés et qu'ils ont donc un intérêt au statu quo restent modérés.
Regardez enfin qui sont les membres des partis politiques modérés, leurs candidats, leurs militants. Au PS et chez les écologistes, ce sont quasiment tous des agents publics. Souvent des jeunes biberonnés au militantisme dès le lycée ou l'université qui n'ont jamais rien fait d'autre que de la politique. Dès la fin de leurs études voire avant la fin de leurs études, ils deviennent collaborateurs d'élus, deviennent vite conseiller municipal cela, avec en plus si possible un emploi semi-fictif dans une collectivité locale, un établissement public local, une association locale vivant des subventions de la mairie tenue par leur parti, ou une société d'économie mixte ou une régie détenue par telle ou telle collectivité locale.
Chez les LR et à l'UDI, ces mêmes profils sont surreprésentés, même si ce n'est pas de manière aussi écrasante parce qu'il y a davantage de professions libérales, d'anciens cadres supérieurs de grandes entreprises, et quelques anciens chefs d'entreprise.
Ces gens ne savent pas parler à ces jeunes parce qu'ils ne savent pas leur parler, ou parce que plus exactement ils ne veulent juste pas leur parler. La gauche a perdu la jeunesse qui traditionnellement votait massivement en sa faveur à cause de sa politique économique contraire aux intérêts des jeunes (les différents emplois aidés ou CDD voies de garage payés par l'Etat dans les secteurs public et associatifs ne sont qu'un anesthétisant temporaire) et parce que la seule jeunesse qui l'intéresse c'est la jeunesse issue de la diversité, et encore non pas tant celle qui ne pose aucun problème que la minorité qui pose problème au sein de cette jeunesse issue de la diversité.
Gauche modérée et droite modérée font délibérément semblant de leur parler, parce qu'il faut bien se faire élire et qu'ils ne peuvent pas assumer ouvertement qu'ils se contrefichent de cette jeunesse et qu'ils mènent une politique surtout en faveur des insiders et des vieux et que les jeunes n'ont qu'à se démerder tout seuls. Tout compte fait, ils préfèrent que les jeunes s'abstiennent parce qu'ils ne veulent pas faire la politique que voudraient les jeunes.
Et ils peuvent tenir encore pas mal d'années dans cette impasse mortifère parce que le vieillissement démographique les y aide. Les séniors sont les classes d'âge les plus nombreuses et en plus, ce sont celles dont le taux de participation aux élections est le plus élevé. Le jour où cela sera fini, ce sera le jour où on sera obligé de réduire massivement le robinet des aides.
|