Nous sommes donc en effet à peu près d’accord sur les 35 heures. Cela a été très coûteux, inefficace et même contre-productif et cela a détourné les attentions de l’essentiel. La droite quand elle était au pouvoir s’est amusée à redonner de la souplesse juridique sans régler le problème du coût. C’est la même chose que fait la gauche de Hollande, Valls et Macron. Et même en pire, au point qu’Attali lui-même (mais peut-être est-ce parce qu’il est devenu un vieux schnoque nostalgique de 1968 rêvant de plages privées sous les pavés du quartier latin) dit que le projet de loi Valls-El Khomri c’était le retour au 19ème siècle (avant toutefois la pantalonnade annoncée ce matin par Valls).
Franchement, quand vous dirigez une entreprise, pouvoir conclure des accords de modulation, cela a le même effet sur le niveau de votre carnet de commandes que pisser dans un violon à partir du moment où les lois ou conventions nationales vous imposent des niveaux de coût quasi-prohibitifs par rapport à vos concurrents sur les mêmes segments d’activité.
Remettez le code du travail version 1982 mais avec des charges beaucoup plus basses, et les affaires marcheront du feu de Dieu. Mettez une législation du travail à l’allemande ou à la britannique voire à la chinoise tout en continuant à avoir le même niveau de charges actuelles et l’activité économique ne se redressera pas d’un iota. Elle risque même de péricliter davantage par effet déflationniste.
S’agissant du problème des partis dits de gouvernement, je suis en revanche en désaccord avec vous.
Sur la dichotomie entre militants d’une part et administrés/électeurs d’autre part, le problème n’est pas univoque. Dans les partis de gauche, les militants sont plus à gauche que la majorité de leurs leaders politiques qui sont eux-mêmes plus à gauche que leurs électeurs. Dans les partis de droite, les militants sont plus à droite que la majorité de leurs leaders. Les électeurs sont eux aussi plus à droite que les figures des partis de droite, et je ne saurais dire avec certitude s’ils sont plus ou moins à droite que les militants. J’aurais tendance à penser que l’électorat de droite est polarisé avec une partie plutôt minoritaire qui est moins à droite que les militants de droite et une partie plutôt majoritaire qui est encore plus à droite que les militants. C’est aussi ce qui explique le score assez catastrophique de l’alliance UMP/LR+UDI lors des dernières élections régionales, alliance qui a réussi le tour de force, malgré un rejet sans précédent des partis de gauche (lesquels, du centre-gauche à l’extrème-gauche, n’ont obtenu que 36% des voix au 1er tour), de faire moins de voix que le FN au 1er tour.
Quant aux réformes, le problème c’est le défaut de mandat populaire et le dévoiement de ce mot utilisé comme un mantra pour ne pas assumer la réalité d’une politique. En démocratie, il est moralement scandaleux de se faire délibérément élire sur un axe politique qu’on sait impossible à tenir mais qu’on propose pour enfumer l’électorat et ensuite de conduire une politique assez radicalement contraire à celle sur laquelle on s’est fait élire. J’entendais récemment Jean-Louis Debré, interpellé sur ce sujet, s’en tirer par une pirouette franchement minable, en objectant qu’en France il n’y avait pas de mandat impératif. Certes, la lettre c’est qu’il n’y a pas de mandat impératif. Mais l’esprit c’est qu’on n’enfume pas les électeurs par carriérisme pour leur voler littéralement leur vote car s’ils l’avaient su, lesdits électeurs n’auraient en grande partie pas voté pour ces candidats.
La démocratie, ce n’est pas « Je t’arnaque pour avoir un chèque en blanc pendant 5 ans. Puis je t’enfumerai de nouveau dans 5 ans pour essayer de me faire réélire ou à tout le moins pour sauver un maximum de sièges qui font vivre mes professionnels de la politique et leurs militants professionnels rémunérés sur des contrats de collaborateurs d’élus ».
Il faut arrêter de prétendre au consensus car c’est un mensonge éhonté. En effet, le principe d’une mesure plus libérale ou plus redistributrice ou plus ceci-cela, c’est qu’il va y avoir des gagnants et des perdants mais que, du moins on l’espère, cette mesure, dite « réforme », va produire un mieux global pour le pays, bref qu’elle est au service de l’intérêt général.
Certes les partis populistes ne proposent pas de solution crédible. Encore que cela dépend des sujets. Sur certains sujets, ils proposent des solutions crédibles, efficaces mais les partis de gouvernement, leurs dirigeants, et les faiseurs d’opinion qui partagent les mêmes idées que les partis de gouvernement rejettent ces mesures. Mais le problème est que les partis dits de gouvernement ne proposent pas davantage de solution crédible. C’est aussi pour cela que de plus en plus de gens votent pour des partis populistes ou s’abstiennent. C’est que les partis estampillés de gouvernement, avec à leur tête des gens bien diplômés supposés être compétents, expérimentés, efficaces, ont des résultats aussi nuls que ceux que décrocheraient les chats sauvages des partis populistes.
D’ailleurs, le problème c’est notamment la généralisation du manque de compétence et de moralité civique qui frappe tous les partis, de gouvernement autant que populiste. Franchement, quand vous voyez les buses qu’on en est venu à nommer ministres : Bédier, Estrosi, Dati, Clément, Bachelot et j’en passe à droite, Montebourg, Hamon, Vallaud-Belkacem, Martin, Désir, et j’en passe à gauche, comment voulez-vous que quoi que ce soit retienne les électeurs d’aller voter pour des candidats de partis populistes ? Ajoutez le cas des théoriquement compétents mais factuellement nuisibles comme Fabius ou Taubira et tout devient possible parce que de plus en plus de gens ont le sentiment d'avoir une classe politique des partis dits de gouvernement qui ont un agenda différent de celui de la majorité de l'opinion publique sur un certain nombre de sujets essentiels.
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