Moujik Looping a écrit:
Non pas du tout. Reprenez le fil du poste.
J’ai juste repris en substance ce que dit Benbassa. A savoir que si l’on souhaite lutter pour l’émancipation des femmes il faut leur donner les moyens d’opérer des choix pas leur en dicter des nouveaux…
Pour ce qui est de l’aliénation qu’on oppose à celles qui disent choisir le voile Benbassa rappel juste ce que vous-même avez énoncé : « les déterminismes qui sous-tendent le choix, l'influence culturelle, la trajectoire personnelle ». Elle dénonce juste le fait qu’on occulte totalement cela quand cela ne cadre pas avec nos idées préconçues.
De la même manière que vous écartez d’un revers d’un main les études de Tévenian mais considérez comme représentatif ce que vit votre amie…
Je n'ai pas dit que j'étais pour la pénalisation/contrainte en matière de voile. Par exemple je ne crois pas qu'on rende un gamin particulièrement amoureux de la France si on dégage sa mère d'une sortie scolaire sous prétexte qu'elle est voilée (ce sera à coup sûr envisagé comme une humiliation). Même si évidemment la plupart des mouvements qui s'en plaignent sont d'une tartufferie peu commune, et qu'il n'y aurait absolument défense des concernés si par exemple on écartait des parents arborant des signes juifs.
D'un point de vue logique, vous ne pouvez pas placer sur un même plan deux aliénations quand :
- les méthodes prescriptives se distinguent
- les conséquences diffèrent pour les contrevenants
- la signification profonde de la pratique n'est pas la même
Sans quoi on finirait par dire que le port du costard-cravate en entreprise = le port de la burqa à Kaboul. On finirait par aussi par soutenir que la condition féminine en Espagne = la condition féminine en Iran, sous prétexte qu'il s'agit de deux pays qu'on peut qualifier de patriarcaux avec des règles prescriptives reliées au sexe d'un individu. L'objectif de cette fausse équivalence est bien entendu de minorer celle qu'on peut objectivement juger comme la pire des deux options (dans une perspective progressiste ou féministe). Il s'agit au minimum d'indifférence à l'égard de victimes de bourreaux, au pire de complaisance voire de crypto-soutien desdits bourreaux.
Toujours d'un point de vue logique, on ne peut pas dire que le féminisme se réduit au choix. Ce serait comme dire que la lutte socialiste se résume à la faculté de pouvoir choisir, et que le syndicat signant un accord d'entreprise particulièrement favorable au patron serait dans une démarche socialiste sous prétexte qu'une majorité de syndiqués approuvent. Je prends cet exemple à dessein car il s'agit d'un cadre typique où le choix peut être biaisé par un tas de facteurs, je songe notamment à cette entreprise où j'ai travaillé et où le directeur indiquait explicitement recruter des salariés fragiles (mères célibataires, gens peu diplomés, etc) car ainsi "ils ne se plaignent pas trop" (= faible contestation de pratiques douteuses). Le quartier où vit l'amie que je cite est également un bon exemple de cadre où le choix est biaisé.
Et, non, je n'écarte pas du tout les témoignages des femmes voilées qu'on peut lire chez Tévanian, La Fabrique, ou je ne sais quoi d'autre. Tout simplement parce qu'ils confirment ce que j'ai observé dans mon entourage. Comme je ne suis pas fan du raidissement réactionnaire et identitaire, forcément je ne peux que désapprouver. La critique du monde occidental et de ses règles affleure souvent dans de tels discours ; quand on se pose en donneuse de leçons, ben il faut accepter la réciproque et tant pis si ça fait bobo à l'ego.