Je pense que c'est non seulement très exagéré mais faux de qualifier l'AfD de parti extrémiste nationaliste. Je n'irai pas jusqu'à mettre ce parti sur le même plan que le RPR de Chirac de la fin des années 1970 et du début des années 1980 que la gauche et une partie du centre traitaient de facho (quand on y repense, traiter Chirac de facho, c'est encore plus bidonnant qu'affligeant).
L'AfD n'est pas le NPD qui, lui, est en effet un parti ultranationaliste et d'extrème droite.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_nat ... 7AllemagneL'AfD est un parti populiste, souverainiste, avec 2 ailes dont une aile dominante de droite et une autre aile qui ne se définit pas comme telle.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Alternati ... 7AllemagneCe que nos médias, dans lesquels, selon les enquêtes d'opinion ciblées, près de 80% des journalistes sont de gauche et 90% des journalistes sont partisans de la construction européenne telle qu'elle s'est faite et de la globalisation économique et culturelle, c'est que c'est la CDU de Merkel qui a ouvert un boulevard à cette droite populiste et souverainiste en gauchisant (c'est-à-dire, en devenant beaucoup plus centriste que de droite modérée) sa politique sur ces enjeux par rapport à ce que faisait la CDU d'avant Merkel.
Juste avant l'AfD, il y a eu un autre phénomène, révélateur du même mouvement profond dans l'opinion allemande, le phénomène Thilo Sarrazin.
Ce mouvement profond de l'opinion allemande, qu'on rencontre à peu près partout en Europe et en Amérique du nord, c'est un mouvement anti-globalisation à la fois sur le plan économique, sur le plan culturel-identitaire et sur le plan politique et des relations entre démocratie nationale et relations internationales.
Une majorité des opinions publiques ne veut apparemment pas se fondre dans un grand tout de concurrence totale entre les agents économiques de toute la planète, les cultures de la planète (lesquelles ont souvent des valeurs si divergentes que les relations de proximité ne peuvent être que conflictuelles), les demandeurs d'aide/ayant droit de toute la planète.
S'y ajoute en Allemagne la question aïgue de l'avenir du modèle économique.
L'Allemagne est particulièrement attachée à son modèle et à ses résultats économiques. C'est là que se sont réinvestis l'ambition nationale et l'affect national après qu'il a clairement été signifié à l'Allemagne, en 1945, que la voie de l'expansionnisme géopolitique au détriment de ses voisins lui était interdit.
La majorité de l'opinion allemande a très bien compris que la mise en place d'un véritable fédéralisme européen signifierait que l'Allemagne devrait payer un prix absolument prohibitif : de l'ordre de 8 à 10% de son PIB en transferts nets au bénéfice des autres pays membres de l'UE. Et elle n'en veut pas, pas seulement par égoïsme légitime mais aussi par bon sens pragmatique. Car le bon sens pragmatique fait bien mesurer à l'Allemagne que si elle veut garder son niveau de vie élevé, elle doit éviter d'alourdir les charges pesant sur ses secteurs performants (automobiles premium et machines-outils) sinon elle se fera laminer à moyen terme par ses concurrents asiatiques. Le marketing trouve ses limites quand il est confronté à des arguments de qualité et de coûts. Et quiconque est monté dans une Lexus a des chances assez fortes de trouver les charmes d'une Audi ou d'une BMW finalement assez banals.
Une majorité de l'opinion allemande est absolument furieuse de la politique monétaire de la BCE qui détruit l'épargne, alors que l'obsession des allemands c'est d'épargner beaucoup, de préserver la valeur de leur épargne et d'assurer une rentabilité raisonnable à leur épargne.
Ce que nous dit ce mouvement d'opinion en Allemagne, c'est qu'une part importante du peuple allemand ne veut pas davantage se sacrifier pour les vagues d'immigrés-concurrents venus du Moyen-Orient et d'Afrique que pour les demandes de transferts financiers des autres pays européens décrochant face à la concurrence mondiale. Elle voit cela comme des tonneaux des Danaïdes.
Le véritable risque géopolitique, d'ailleurs déjà en cours, c'est que l'Allemagne coupe partiellement les ponts avec l'Europe, aussi bien sur le plan économique (parce que l'Europe est devenue une terre de stagnation et de crise) que politique.
D'ailleurs, l'éclatement ou la dissolution de l'UE et du projet de construction européenne, s'il survient (hypothèse qui atteint désormais un niveau de probabilité non négligeable), sera provoqué par la sécession des pays riches de l'UE.
Regardez l'état de l'opinion publique aux Pays-Bas sur l'UE et la construction européenne. Ce sont les pays les plus riches, ceux dont les comptes courants enregistrent de très gros excédents quand tous les autres ont des comptes courants (balances des transactions courantes avec les autres pays) déficitaires, qui à un moment décideront qu'ils ont plus à perdre qu'à gagner à continuer l'aventure et claqueront la porte de tout ce qui, dans l'UE, leur coûte trop et risque de leur coûter encore plus cher à l'avenir.
On constate la même chose au niveau infra-national dans certains autres pays avec les mouvements sécessionistes de Catalogne, du nord de l'Italie, de Flandre, ... etc.