Narduccio, bien évidemment l'UE peut vivre sans l'euro. Elle et son précédent avatar la CEE ont a vécu sans euro pendant quelques décennies. Bien entendu il est possible d'avoir une union monétaire entre plusieurs pays sans UE.
Ce sont les possibilités théoriques, logiques, et elles sont incontestables puisqu'on est dans le champ des traités et de la souveraineté des Etats contractants qui peuvent se mettre d'accord sur à peu près tout le champ de l'imagination humaine.
Ceci étant dit, si on va sur le champ des faits politiques, juridiques, économiques et historiques, le champ du réel est de fait beaucoup plus restreint et contraint.
Le fait historique, c'est que le nombre d'unions monétaires entre différents pays qui a fini par être dissoutes est de l'ordre de 130 depuis l'après seconde guerre mondiale.
Le fait juridique, c'est que l'euro est une partie indissociable de l'UE. La base juridique de l'euro, c'est précisément le traité de Maastricht de 1992 qui, comme son nom l'indique, institue l'Union Européenne.
L'euro et l'UEM sont un chapitre du traité de l'UE, et non pas un traité à part. Le fait que certains pays membres de l'UE ne soient pas dans la zone euro tient soit au fait qu'ils ne remplissent pas les conditions prévues pour avoir l'euro comme monnaie (les critères de convergence, la capacité de leur économie à supporter cette monnaie), soit au fait qu'ils ne voulaient pas de l'euro et sont parvenus à se faire accorder une exemption d'adhésion à l'euro qui est le principe, la vocation prévue par le traité.
L'euro est une des composantes essentielles de la marche vers "une union toujours Pius étroite", qui est l'un des objectifs, des principes fondateurs que le traité de Maastricht assigne à l'UE, aux institutions européennes et aux Etats membres.
C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le RU voulait avoir une sorte de droit de veto sur les régulations financières que les membres de l'eurozone envisagent de prendre au titre de la gestion de l'euro parce qu'elles impactent bien évidemment toutes les économies de l'UE, y compris celles qui n'ont pas rejoint l'euro.
Le fait économique, qui explique le fait historique susmentionné, c'est qu'aucune union monétaire ne peut survivre durablement à des déséquilibres de prix et de compétitivité entre pays membres. Parce que l'union monétaire conduit à la migration des capitaux et des activités productives vers le territoire le plus compétitif.
Une union monétaire n'est viable à long terme qu'avec des mécanismes de transfert visant à compenser en large partie la perte d'activité résultant de la concurrence sans la moindre barrière, pas même la barrière monétaire permettant le réajustement des prix, entre les territoires les plus compétitifs et les autres.
Sinon c'est comme une ordalie. Plus longtemps le pays/territoire moins compétitif s'accroche au fer chauffé à blanc d'une monnaie et de prix dont ses agents économiques n'ont pas les moyens, plus graves et plus irréversibles seront les dégâts pour lui.
Quand commence de manière nettement observable le grand décrochage des industries italienne, française et espagnole par rapport à l'industrie allemande ?
Quand commence la bulle de dettes privées liées au surinvestissement dans le bâtiment ?
A la même date : l'introduction de l'euro.
Le fait politique, c'est que quand on sait que les opinions nationales des pays les plus riches et les plus compétitifs ne veulent pas payer les transferts visant à compenser les effets de l'union monétaire pour les pays moins riches et moins compétitifs, alors il ne faut surtout pas faire d'union monétaire.
Parce que le risque est que, comme le facteur monétaire devient imbriqué de manière inextricable avec d'autres facteurs (travail détaché, déflation salariale, concurrence fiscale, ... etc), il y a un risque que les opinions publiques, révoltées par la longue agonie économique provoquée par cette union monétaire foireuse, jettent le bébé avec l'eau du bain. Et qu'on aboutisse à un marché-arrière toute : on retourne à une bonne union douanière, voire à une simple zone de libre échange avec facilités pour les visas de voyage d'affaires et de tourisme, comme les anglo-saxons l'ont toujours voulu.
Or jamais les pays riches n'accepteront de payer ce qu'il faudrait payer pour faire tourner l'euro. Il leur faudrait multiplier par 12 ou 15 le montant des transferts nets qu'ils paient pour les autres.
Les économistes sérieux, aussi bien fédéralistes que souverainistes, aussi bien libéraux que régulateurs ou socialistes font tous ce raisonnement et ce constat. Les autres sont dans le déni de réalité ou tentent de noyer le poisson, ou tentent de faire peur en expliquant que défaire une union monétaire c'est un saut dans l'inconnu et cela va appauvrir les moins compétitifs (omettant ainsi de rappeler que tous les problèmes sont déjà là mais encore masqués par l'illusion monétaire).
Je conseille de lire "la fin de l'euro", de Christian Saint Étienne, économiste libéral et fédéraliste qui avait été candidat MODEM aux élections municipales à Paris en 2014.
http://m.observatoiredeleurope.com/La-f ... a1227.htmlSi vous voulez d'autres points de vue, il y a Patrick Artus, Jacques Sapir, ... etc.