Ce qu'il s'est passé.
Tous les ans, c'est la même comédie : lors de l'adoption du budget, on sous-estime les dépenses et l'on surestime les recettes de sorte que l'on termine systématiquement l'exercice avec un déficit supérieur à celui prévu dans la loi de finance. Mais soyons juste avec François Hollande, le déficit a tout de même été réduit significativement au cours de son quinquennat. Pas assez selon les uns, en adoptant une politique libérale alignée sur celle de l'Allemagne en contradiction avec ses promesses de campagne selon les autres, mais c'est un fait, le déficit s'est réduit.
Cette année, la Cour des comptes a tapé du poing sur la table : insincérité. C'est une évidence lorsqu'on adopte un budget pour les opérations extérieures de 400 M€ alors qu'on sait pertinemment qu'elles vont en coûter 1 000. De fait, le point fait fin juin révèle que les dépenses, au train où vont les choses, seront supérieures d'1 milliards d'euros à ce qui a été voté.
Ce qui est nouveau est que le président, en réponse au rapport de la Cour des comptes, a lui aussi tapé du poing sur la table : on dépensera ce qui a été budgeté, pas plus, débrouillez-vous. Les armées devront se serrer la ceinture. Elles le feront, non en réduisant les dépenses de fonctionnement, ce qui est impossible, sauf à mettre fin à l'opération Barkane, par exemple, mais en hypothéquant les investissements futurs. Ce manque de 0,8 Mds€ devrait être comblé par l'augmentation annoncée des budgets des armées qui passeraient en cinq ans de 1,7% du PIB à 2,0%. Mais il faudra, à ce rythme, attendre 2 ou 3 ans, sachant de plus que la les excédents de dépenses entraînées par les opérations extérieures ne seront plus mutualisés avec les autres ministères. Finalement, on peut raisonnablement attendre une sanctuarisation des budgets militaires, mais une augmentation réelle de celles-ci n'est pas du tout certaine.
Autre chose à relever dans cet article : un comportement césariste du nouvel exécutif.
Ce n'est pas dans le rôle du CEMA de défendre le budget des armées selon le président de la république. Si l'on s'en tient à l'organisation de la Défense définie par les textes, c'est parfaitement exact. Le CEMA n'a que des compétences opérationnelles. Les compétences organiques appartiennent aux chefs d'Etat-major des trois armées sous l'autorité du ministre. Cela étant, prétendre interdire aux commissions parlementaires d'entendre qui elles veulent, c'est tout de même un peu fort et vouloir édifier une cloison étanche entre chaînes organiques et opérationnelles n'est pas très intelligent. Si les parlementaires veulent des éclairages en matière militaire, ils interrogent des militaires, et ceux qu'ils souhaitent interroger, en matière de justice, des magistrats, en matière d'éducation des enseignants etc et non pas seulement le ministre de tutelle. Il semblerait qu'on ait élu à la tête de l'Etat un nouveau Bonaparte et au parlement des députés godillots appelés à entériner ce qu'ordonne l'Elysée. C'est ce qui existe ou se se met en place en Russie, en Turquie, en Hongrie ou en Pologne. Mais ce n'est pas dans les usages des vraies démocraties et il est douteux que les citoyens français acceptent longtemps une telle conception du pouvoir. Peut-être n'est-ce qu'un faux pas qui sera corrigé. Espérons.
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