Duc de Raguse a écrit:
Comment voulez-vous que l'école, avec des moyens désuets, corrige ce que l'élite fabrique, politiquement, en parallèle ?
Je ne suis pas certaine que les moyens en France soient inférieurs à ceux des autres pays de l'Ocde.
Par ailleurs, je ne suis pas persuadée qu'il soit nécessaire de mobiliser des moyens considérables pour faire reculer les inégalités scolaires.
Il est préférable d'avoir beaucoup de moyens, mais il reste à démontrer que l'abondance des moyens soit le principal facteur pour faire réussir les élèves.
Même si les moyens ne sont pas à la hauteur des espérances, cela ne peut pas expliquer que les inégalités scolaires soient considérablement plus fortes en France que dans la plupart des autres pays de l'Ocde.
Duc de Raguse a écrit:
Selon vous, on peut placer sur un pied d'égalité la société finnoise et ses 5 millions d'habitants, comptant plus de 92% d'"autochtones" ou "de souche" si vous préférez, parlant une langue unique et étant obligés dès le plus jeune âge d'apprendre une langue étrangère, avec une population de près de 69 millions d'individus aux origines, cultures et moeurs tellement différentes et traversée par des fractures sociales et identitaires ces vingt dernières années ?
Au Canada le nombre d'habitants se situe à 36 millions. C'est quand même une population nombreuse, même si le nombre d'habitants en France est beaucoup plus élevés.
En ce qui concerne l'Estonie et la Finlande, il faut bien admettre que le nombre d'habitants est très inférieur à celui de la France. Mais il est difficile de croire que la réussite de ces deux pays (et quelques autres) repose uniquement sur ce facteur.
Vous parlez de l'apprentissage d'une langue étrangère dès le plus jeune âge. Je suis favorable à cette façon de faire, mais l'enquête Pisa ne mesure pas les compétences des élèves dans une langue étrangère. L'enquête Pisa évalue les compétences des élèves de 15 ans dans trois domaines : la compréhension de l'écrit [dans la langue du pays], la culture mathématique et la culture scientifique.
Vous parlez de la population "autochtone" qui représente 92% dans certains pays. C'est vrai dans certains pays, mais ce n'est pas vrai au Canada. Il serait intéressant de comprendre pourquoi la corrélation entre résultat scolaire et origine sociale (ou ethnique) est plus forte en France qu'au Canada et autres pays de l'Ocde.
En Finlande les élèves qui ne sont pas autochtones représentent une faible proportion de la population totale. Pourquoi ces élèves ont-ils une réussite scolaire relativement proche de celle des autochtones ? La réussite serait-elle facilitée par le fait qu'ils représentent une faible part de la population ?
En France, les élèves issus de l'immigration pourraient-ils espérer une réussite scolaire considérablement meilleure que celle qui est observée actuellement s'ils étaient moins nombreux ? Cela reste à démontrer.
Duc de Raguse a écrit:
Je ne vous ferai pas l'affront de vous répondre sur la prétendue égalité des revenus en France - même après l'imposition.
En France l'écart des revenus après imposition est faible car l'Etat redistribue l'argent vers les ménages modestes.
Que pensez -vous du graphique posté par Narduccio ? Aux Etats-Unis les inégalités de revenus sont fortes. Mais ce pays ne figure pas sur la liste des pays qui ont les plus fortes inégalités scolaires : Israël, Luxembourg, Hongrie, France.
Duc de Raguse a écrit:
Je ne connais pas bien les déséquilibres sociaux finlandais, mais en France, en 2019, les 2/3 des richesses (patrimoniales) sont possédées par les 10% des Français les plus riches. Comme société égalitaire on aura vu (et fait) mieux...
L'enquête Pisa révèle que la plupart des pays occidentaux sont en dessous de la Finlande au classement. Mais l'enquête ne se limite pas à faire un classement (la France et la Belgique se trouvent dans la moyenne de l'Ocde). Elle montre quels sont les pays dont les inégalités scolaires sont fortes. On ne peut s'empêcher d'être consterné de trouver la France parmi les quatre pays dont les inégalités scolaires sont les plus fortes.
Si l'on prend en compte le patrimoine, on se heurte à deux obstacles : (1) il n'est pas certain que les inégalités de patrimoine soient considérablement plus fortes en France que dans les autres pays, (2) il est difficile de comprendre pourquoi un grand nombre d'élèves de l'école primaire se trouvent en échec, même si on fait l'hypothèse que leurs parents possèdent un patrimoine très faible. La faiblesse du patrimoine dans les familles modestes serait-elle la principale cause de l'échec scolaire ?
Supposons que vous soyez le père ou la mère d'un enfant. Si votre patrimoine est modeste, devez-vous vous résigner à l'idée que votre fils sera en échec scolaire ? Une telle résignation n'a pas de sens.
Vous avez sans doute lu le message posté par Pierma au sujet de l'école primaire.
Si on était pessimiste, on pourrait penser que les résultats scolaires à l'école primaire reflètent inévitablement les inégalités de patrimoine des parents d'élèves. Il y aurait donc une fatalité à laquelle il faut se résigner.
Si cette fatalité me semble douteuse, c'est parce qu'il n'existe aucune preuve que les pays relativement "égalitaires" dans l'éducation ont des inégalités de patrimoine considérablement plus faibles que la France.
Duc de Raguse a écrit:
- ajoutons à cela que l'école a eu un rôle dans la construction identitaire du pays par le passé (1882-1980), qu'elle ne trouve ou ne comprend plus du tout aujourd'hui, dans une société multiculturelle profondément fracturée.
La société est multiculturelle non seulement en France mais aussi dans d'autres pays.
L'Ocde a nommé les pays où les inégalités scolaires sont très fortes : Israël, Luxembourg, Hongrie, France.
Quels sont les pays où l'école a eu un rôle dans la construction identitaire ? Uniquement ces quatres pays : Israël, Luxembourg, Hongrie, France ? A qui veut-on faire croire ça ?
Dans ces quatre pays, la corrélation est forte entre l'origine sociale des élèves et les performances scolaires. Je vous donne mon interprétation : ces quatre pays n'ont pas cherché les solutions pour réduire cette corrélation.
Dans certains pays (finlande, suède, canada, irlande, etc) les gouvernements ont cherché des solutions. Si on ne cherche pas activement, on ne risque pas de trouver.
Contrairement à ces pays qui ont des politiques
volontaristes, la France a toléré trop longtemps une forte corrélation.
Que l'école en France soit moins efficace que l'école des pays scandinaves pour faire baisser cette corrélation, je veux bien le comprendre et l'accepter, mais comment pouvons-nous tolérer un écart considérable ? Il ne s'agit pas de parvenir à la même efficacité que la Finlande. Cela serait trop ambitieux. Il s'agit d'atteindre une efficacité relativement proche des pays scandinaves.
Duc de Raguse a écrit:
En recentrant sur l'
Ecole de la République - pour que personne ne confonde
- et puisque nous sommes dans la comparaison avec les pays de l'OCDE, allons sur les différences de notre
mammouth avec les systèmes étrangers :
- en moyenne (ce qui ne veut pas dire grand chose soit dit en passant) les classes françaises sont plus chargées que celles des pays voisins, avec plus de 24 élèves (bon c'est grâce aux CP et CE1 dédoublés en REP cela, car la plupart des CM2 flirtent avec 30-31) ;
- les journées de travail sont plus longues qu'ailleurs : 5h30 par jour contre, par exemple, 3h20 pour cette très chère Finlande ;
- des journées de classe moins nombreuses sur l'année (en gros on concentre tout aux mêmes moments, très français cela...) ;
- les enseignants les plus mal payés de l'OCDE - pour attirer des vocations aujourd'hui, faut y aller...
;
- des "réformes" sur les programmes et la formation des enseignants qui vont dans toutes les directions depuis 10 ans - 4 programmes différents dans le primaire depuis 2002 et 4 formes de formations différentes depuis 2008 pour les enseignants stagiaires (1er et 2nd degrés). L'absence de logique à ces réformes pourrait nous faire penser qu'en dehors d'agiter le cerveau des enseignants pour les rendre totalement stupides il n'y a rien d'autre, mais ce serait, peut-être, faire là un procès d'intention... (
).
Alors vous voyez bien que le patrimoine n'est pas le vrai problème. La France a eu le tort d'accepter des absurdités qu'elle n'aurait jamais dû accepter. Il n'y a pas de fatalité. La France peut corriger cela dans les dix ans à venir. Il faut commencer le plus tôt possible.