Le salon géopolitique de Passion-Histoire

Il n'a échappé à personne que l'Allemagne subit un grave crise économique due à de mauvais choix en matière d'énergie. En effet, il semble que l'Energiewende soit un ratage de grande ampleur. Elle était basée sur l'éolien, le solaire avec comme énergie d'appoint le gaz. Elle a donc fermé toutes ses centrales nucléaires, mouvement initié par Merkel et terminé par Scholz.

Or, l'éolien est intermittent, le vent ne souffle pas tout le temps, il faut donc des centrales à gaz, et celles-ci étaient alimentées par du gaz russe bon marché. Les sanctions contre la Russie et les sabotages des gazoducs de la Baltique ont mis fin à cet approvisionnement abordable au profit de gaz de schiste américain qui revient beaucoup plus cher et de centrales à lignite assez peu écolo.

L'Allemagne est un pays industriel, et l'industrie n'est jamais que de l'énergie transformée, et on constate des usines qui se délocalisent dans des pays où l'énergie est abondante et peu chère. Si les grandes entreprises peuvent le faire, il est beaucoup plus difficile de le faire pour le Mittelstand et les faillites sont nombreuses.

Comment tout cela va influer sur la politique allemande, intérieure et extérieure, je n'en sais rien. Tout ce que je sais, c'est que les intentions de vote pour l'AfD sont au niveau de celles pour le SPD.

Rhaaaaa !!!

L'AfD rassemble les mécontents de tout poil, ceux qui trouvent que l'écologie les appauvrit, qui sont contre les sanctions contre la Russie, contre une immigration trop importante et des tas de choses plus locales. J'ai même des amis que je connais depuis fort longtemps et qui ont toujours voté SPD qui ont décidé de voter AfD.

Effectivement les choix opérés par les élites allemandes ces quinze dernières années en matière économique, énergétique et diplomatique sont plus que surprenants. Ou comment faire trébucher dans le tapis la 1ère économie d'Europe et une des premières du monde... Cela dit, si à court terme on peut voir les effets dévastateur de cette politique suicidaire très bien décrits par Jean-Marc, je n'ose croire qu'un redressement ne s'opère pas à moyen ou long terme et que ce cap soit modifié. Dans le cas contraire, on nagerait dans l'inconscience... Remarquez, la politique diplomatique allemande en Europe l'est déjà, donc.
De plus, si ce problème persistait ce pays entrainerait ses partenaires "vassaux" - dont la France - dans une récession sans nom.
Et après certains s'étonnent que ces partis dits "populistes" (à gauche comme à droite) prospèrent. Pas moi.
A ce demander si la gestion du problème ukrainien n'a pas été l'occasion pour les Etats-Unis d'asseoir encore plus leur domination sur l'Europe occidentale, tout en l'affaiblissant.
Cela dit, ces élites ne semblent pas contrariées plus que ça par la situation actuelle, si ce n'est que les "extrêmes" montent et que les gens ne vont plus voter (là aussi, ce n'est pas étonnant).

Die Grünen voulaient la peau du nucléaire, ils ont pesé de tout leur poids électoral pour ça, ils ont gagné, ils ont eu sa peau. Les écologistes les plus cons du monde !

Même en l'absence de problème ukrainien, même si le loup était joliment habillé en grand-mère, aller se mettre dans la main de Poutine c'était totalement idiot. (C'était lui donner un pouvoir de pression qu'il n'avait pas jusque-là. Comment les Allemands ont-ils pu ignorer ça ?)

Dans un pays moins calme, Schröder-Nordstream se ferait tirer dessus !

On ne se rend compte que maintenant que c'était totalement idiot, mais il y a une vingtaine d'année, beaucoup de gens pensaient que la guerre froide était terminée et que la coopération avec la Russie était sur les rails et les Russes pensaient de même. Les deux pays auraient ils construit Nord Stream I si ce n'avait pas été le cas.

Les Verts allemands sont pourtant moins dogmatiques que leurs homologues français, un Joschka Fischer a tenu un rôle honorable, même si la ministre actuelle Baerbock m'a l'air d'enchaîner les gaffes à grande vitesse.

Exact - et même Nord Stream II... - c'était avant que les zones d'influences russe et américaine ne se touchent et se frictionnent en Europe orientale. L'Allemagne avait alors la capacité d'être très proche de Washington, mais également, par tradition historique, de Moscou. Qui plus est, elle bénéficiait d'une source d'énergie peu chère avec ce partenariat et d'une protection américaine sans faille.
Les prédécesseurs de Merckel - je laisse de côté Scholz, qui n'est vraiment pas l'homme de la situation - n'étaient ni stupides ni naïfs.
Les résultats économiques et sociaux le prouvaient bien, c'était le temps de l'"insolente prospérité allemande".
Cela semble terminé... jusqu'à quand ? difficile à dire.

https://www.lefigaro.fr/conjoncture/en-juin-la-production-industrielle-allemande-a-plonge-de-1-5-20230807

Je trouve qu'il y a là une grande part de naïveté. Que la Guerre Froide soit terminée est une chose, que les intérêts de l'Europe occidentale et de la Russie coïncident en est une autre. A quel moment a-t-on été certains de pouvoir parier sur une longue période de stabilité dans nos relations avec Poutine ? (Pour cela il aurait fallu déjà une entente stable entre Russes et Américains, ce qui aurait été possible, en gros à l'époque du 11 septembre, mais n'a pas eu lieu. Une erreur américaine, pour moi.)

Pas sectaire, les écolos allemands ? Non, ils voulaient juste la fin du nucléaire, quoi qu'il en coûte sur le plan stratégique. Or c'était donner à l'Allemagne le choix entre le pétrole et le gaz. (le constat que le solaire et l'éolien ne suffisent pas ne date pas d'aujourd'hui.)

Angela a fait le choix du gaz, moins polluant, et pourtant elle ne pouvait ignorer que c'était donner à Poutine la main sur la production électrique allemande. (Ce n'était pourtant pas faute d'avoir constaté que Poutine utilisait le prix du gaz comme une arme, notamment pour garantir la docilité ukrainienne. Comment ont-ils pu rêver qu'il se comporterait différemment en cas de crise avec l'Allemagne ?)

En fait Angela a dû affronter des Verts qui à peine arrachée la décision de fermeture des centrales nucléaires ont commencé dès le lendemain à protester contre le charbon qu'il avait fallu réactiver en urgence. Hors elle avait besoin de leurs voix. Le gaz est apparu comme la solution à la fois la plus rapide et la moins polluante. On a donc effacé toute réticence envers Poutine pour satisfaire cette équation à une seule solution.

Solution unique qui vient de leur claquer dans les mains, ce que je regarderais avec une certaine satisfaction si la situation économique de l'Europe de l'Ouest n'était pas en partie liée à la prospérité allemande.

Très belle analyse sur l'accord OTAN-Russie de 1997 et les évolutions des relations entre l'OTAN et la Russie jusqu'en 2013 (l'Ukraine ne vient pas empoisonner l'analyse...) :
https://www.cairn.info/revue-d-etudes-comparatives-est-ouest1-2013-3-page-9.htm
Les Américains, à partir du second mandat de Clinton, jouent à nous refaire du Bismarck : ils tentent de donner des gages de bonne foi aux Russes, tout en pénétrant chez l'"étranger proche" afin d'élargir leur zone d'influence. Les Russes s'en rendent finalement compte à la fin des années 2000 et deviennent menaçants.


Il me semble que c'est Schröder qui avait déjà fait ce choix à la fin de son dernier mandat. Il conduit d'ailleurs le début des travaux de Nord Stream I.
Puis, c'est le choix de virer le nucléaire de Merckel - également débuté sous Schröder (en réalité Merckel est davantage sa fille spirituelle que celle de Kohl ! ) - qui a renforcé la dépendance allemande au gaz, essentiellement au gaz russe.

C'est bien Schröder qui initia Nord Stream. A noter que les Américains firent le maximum pour le faire échouer avec leur méthode de sanctions habituelle.