Le salon géopolitique de Passion-Histoire

Il semble que la justification du projet A400M soit politique : donner un exemple éclatant de la volonté des Etats membres de l'UE de bâtir une industrie aéronautique militaire de 1er rang et d'unifier les matériels de leurs armées de l'air... Voilà un volontarisme qui risque de coûter un peu d'argent si j'en crois le blog "secret défense" :

"Les ministres de la défense des pays concernés par le programme A-400M, réunis en Provence, au Castellet, à la veille du weekend, ont décidé de prolonger le moratoire avec l'industriel jusqu'à la fin de l'année, comme nous l'annoncions vendredi.

Est-il réaliste de poursuivre ce programme d'avion de transport militaire ? La question du prix mérite d'être examinée, même si elle n'est pas la seule à entrer en ligne de compte.

Selon des sources proches du constructeur Airbus, le prix final sera vraisemblablement de 25 % supérieur au coût initial de 20 milliards d'euros pour 180 avions. Soit de l'ordre de 25 milliards, ce qui porte le prix unitaire de l'appareil à environ 140 millions d'euros. La France comptant en commander 50, le prix final pour le contribuable sera de l'ordre de sept milliards d'euros.

Comparons maintenant, sur la base des documents budgétaires américains que l'on peut consulter ici, ce qu'il en couterait d'acheter cinquante C-130J. Celui-ci est facturé 65 millions de dollars pièce à l'USAF - soit en arrondissant de l'ordre de 50 millions d'euros pièce. La facture totale serait donc, pour le même nombre d'avions, de 2,5 milliards d'euros. Sept milliards d'un côté, deux et demi de l'autre. 2,8 fois moins cher. Le contribuable économiserait environ 4,5 milliards. De quoi s'acheter pas mal de choses... n porte-avions par exemple ou des hélicoptères lourds.

Acheter américain relève-t-il du crime de lèse-majesté ? C'est oublier un peu vite que la France n'avait pas hésité à acquérir, entre 1987 et 1997, quatorze C-130H pour complèter son parc de Transall.

D'autres pays européens possèdent également des C-130J : le Royaume-Uni (24), l'Italie (22), le Danemark (4), la Norvège (4), sans compter nos alliés du Qatar (3). "

Qu'en pensez vous ?

Je ne suis pas du tout un spécialiste de la défense. Mais disons que grosso-modo, je serais favorable à une défense européenne. Celle-ci coûterait donc plus cher au niveau de l'aviation apparemment. C'est une belle somme que j'aimerai bien avoir, mais comparé aux PIB, aux différents budgets, etc etc, ce chiffre est-il si énorme que cela? Je n'en ai pas l'impression (même si ce n'est pas rien non plus, surtout avec la dette). Et disons que d'un point de vue plus commercial, je serais pour une technologie européenne, un des points où je nous pense moins menacé par la concurrence étrangère, pour l'instant. Il suffit d'y mettre de la volonté.
En gros, je penses que ce n'est qu'une grosse dépense parmi d'autres, donc faisable.

Si toutes les armées de l'air s'étaient mises d'accord sur les spécifications de l'appareil, il y aurait belle lurette que celui-ci volerait. Mais chacune a rajouté ses propres désiderata, faisant de cet avion une usine à gaz. Mais les usines à gaz ont un coût, élevé en général.

D'autant plus que l'on a décidé que le moteur serait fait par un conglomérat d'entreprises qui n'ont jamais travaillé ensemble.

Oui il semble que tout programme en coopération égalitaire se heurte à des blocages insurmontables
-> militaires : toutes les armées n'ont pas la même culture ni les mêmes besoins (que représente le théatre africain pour l'allemagne ?) ni les mêmes moyens
-> industriels : chaque partenaire veut retirer le maximum pour ses propres entreprises (ce qui génère une méfiance contraire à l'esprit même de partenariat).

Airbus a bien marché car a longtemps reposé sur un leadership français (de l'aérospatiale) dont l'Allemagne ne veut plus entendre parler.

Le F35 semble marcher car les Etats Unis dirigent le programme d'une main de fer (comme l'Otan).

Les fédéralistes européens sont intellectuellement cohérents (mais politiquement hors des réalités) en voulant plus d'intégration car plus un sujet est complexe plus les responsables doivent être autoritaires et ne pas trop s'embarrasser de diplomatie.

Toujours sur le blog "secret défense" de Merchet :


"Les ministres français et allemand de la Défense, Hervé Morin et Karl-Theodor zu Guttenberg se sont retrouvés hier soir à Paris pour discuter de l'avenir du programme d'avion de transport militaire Airbus A400M. La ligne de fermeté allemande l'a emporté, alors que les Français semblaient prêts à faire plus de concessions à l'industriel afin de sauver ce programme européen dans la panade.

La France et l'Allemagne attendent désormais "un geste financier" d'EADS. Pas question non plus de renegocier le contrat en deux tranches, comme l'a évoqué le général Palomeros, chef d'état-major de l'armée de l'air, lors du salon aéronautique de Dubaï. "La fidelité au contrat n'est pas seulement une phrase romantique" a martelé le Karl-Theodor zu Guttenberg. Une position également partagée par les Britanniques, qui souhaitent "rester fermes et mettre l'industriel à l'épreuve".

Le "geste financier" attendu par la France et l'Allemagne arrive dans un contexte où EADS (maison mère d'Airbus) a enregistré une perte nette de 87 millions d'euros au troisième trimestre 2009. Une annonce, il est vrai, très opportune, au moment où les Etats font les gros yeux...

Les sept pays participants à ce programme (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grande-Bretagne, Luxembourg, Turquie) doivent se retrouver aujourd'hui à Berlin.

Heureux hasard (sic), Airbus Military a annoncé aujourd'hui que les moteurs de l'A400M tournaient enfin, ce qui constitue "une étape très importante sur le chemin du premier vol", s'est félicité Thomas Enders d'Airbus.

L'Afrique du sud, seul client à l'export avec la Malaisie, vient d'annuler sa commande de huit appareils. Le premier vol de l'avion est toujours promis, par Airbus, "vers la fin de cette année". Le retard est déjà de quatre ans. 180 appareils doivent être commandés pour un coût de 20 milliards d'euros, un chiffre sans doute sous-évalué de 25%, s'accordent les experts."

Il est probable que renoncer au A400M aurait un effet négatif sur les programmes civils d' EADS, ce qui conduit à persévérer dans le projet militaire, pour éviter de tout perdre à terme, ce qui serait dommage. Sans compter les dégats sur l'idée d'une Europe plus agressive sur le plan économique, à un moment où elle semble s'essouffler voire même douter de son avenir!

D'après "Secret Défense" de Merchet, le directeur espagnol de Airbus military, envisage le premier vol du A 400M, entre le 7 et le 13 décembre prochain.

Il est malheureux que l'appareil soit construit en pleine crise économique et à un moment où la tendance est plutot à réduire les dépenses militaires, sauf en Chine.

bonjour ! 2 éléments pour synthétiser

Point A : les choix technologiques : les compétences aéronautiques s'usent quand on ne s'en sert pas ... ca fait des décennies que personne en Europe n'a conçu un avion "à hélices" (comme disent les journalistes) entièrement nouveau ...Or le choix de l'A400M est de construire un avion nouveau et en plus de très très hautes performances...en partant d'un socle de connaissances faibles !
Point B : la "gouvernance" : alors que les compétences (limitées) qui sont restées en Europe sont ... espagnoles (Casa) le leadership de l'A400M est plutôt allemand (33% des commandes et du financement par la Luftwaffe) - la France qui a a traditionnellement "orienté" Airbus (politiquement et industriellement - via Aérospatiale) ne joue plus vraiment ce rôle.

Post scriptum : A400M n'est pas un projet européen mais une pure coopération entre Etats (Allemagne, France, Espagne et quelques autres dont l'Afrique du Sud... sans l'Italie).