Lord_Akhenaton a écrit:
Désinformation.
Ha bon ? Et qu'apportez-vous pour étayer cette accusation ?
Je vous conseille par conséquent de vous attaquez à la dernière production d'Eric Laurent sur le sujet, "La face cachée des banques", qui est un réquisitoire impitoyable sur le milieu financier et bancaire américain, et où il dénonce notamment les liens incestueux absolument invraisemblables entre ce dernier et le pouvoir politique et/ou institutionnel. C'est à dire ceux la-même qui, précisément, étaient chargés, pour ce qui est des législations et autres dispositifs de contrôle qui n'ont pas été sciemment et méthodiquement démantelés auparavant, de la régulation dudit milieu.
Quelques exemples (sans que la liste soit bien entendu exhaustive):
- Robert Rubin, ancien Secrétaire au Trésor sous Clinton de 1995 à 1999, puis dès la fin de ses fonctions "conseiller spécial" au sein du Conseil exécutif de la banque Citigroup, dont il demeure actuellement membre du Conseil d'administration. Il fut également l'un des dirigeants de Goldman Sachs. Il va ni plus ni moins que faire sauter avec l'aide de son successeur le fameux "Glass-Steagall Act" instauré en 1933 sous F.D. Roosevelt, alors en pleine Grande dépression, et qui permettait une compartimentation entre activités bancaires, financement et dépôts. La Glass-Steagall Act, ce pilier du "New Deal", fut instaurée en réponse au climat de corruption, de manipulation financière et de "délit d’initié" qui mena à la faillite de plus de 5000 banques dans les années qui suivirent le krach de Wall Street en 1929. Son abandon remplace par la FSMA (ou Loi de modernisation des services financiers... tu parles) va jouer un rôle fondamental dans le processus d'exposition, et donc de fragilisation, de l'ensemble du secteur en donnant le feu vert aux banques pour utiliser l’argent provenant des dépôts de leurs clients dans des opérations spéculatives. Ce faisant, il ouvrait concomitamment la porte à une concentration (que l'on retrouve dans les références pré-crises de 1929), que l'on peut assimiler à un phénomène de phagocytation (ce qui n'a rien de bien concurrentiel pour correspondre aux canons du libéralisme, n'est-ce pas...), dont le premier conglomérat qui suivra immédiatement la révision législative sera, je vous le donne en mille, la fusion de Citicorp et de Travelers Group qui donnera naissance à... Citigroup ! Chapeau l'artiste !
La conscience la plus timorée comprends bien que le conflit d'intérêt est tellement massif qu'il devrait le conduire a minima devant les tribunaux pour s'expliquer, à tout le moins, sur son rôle - proéminent - et sa responsabilité, entre dérégulation politique et intérêt essentiellement privé.
Au lieu de cela, tenez-vous bien, M. Rubin va devenir à l'issue d'une crise dont il aura sciemment contribué à créer les conditions d'émergence, l'un des principaux conseiller économique de l'actuelle administration Obama. Ce n'est plus une blague mais une farce, au sens marxiste du terme.
- Lawrence Summers est l'homme qui va succéder à Rubin, de 1999 à 2001, au poste de Secrétaire au Trésor. On le dit très proche de David Rockefeller. Ancien économiste en chef à la Banque mondiale de 1991 à 1993, il est à l'origine de nombreux plans d'ajustement structurel et autres programmes de réformes, de concert avec le FMI, au cours de cette période. En 1993, Summers est passé au Trésor des États-Unis. Il a d’abord occupé le poste de sous-secrétaire au Trésor pour les affaires internationales et, plus tard, secrétaire d’État adjoint. En liaison avec ses anciens collègues du FMI et de la Banque mondiale, il a joué un rôle clef dans l’élaboration du « traitement de choc » économique lié au train de réformes imposées à la Corée du Sud, à la Thaïlande et à l’Indonésie, qui va ravager le Sud-Est asiatique lors de l’apogée de la crise de 1997. Il jouera, lui aussi, un rôle clef dans le lobbying au Congrès pour l’abrogation du Glass Steagall Act qui légitima le délit d’initié et la manipulation financière. Il fut à la suite, lui aussi, consultant de la banque d'affaire Goldman Sachs et accessoirement Directeur général de D.E. Shaw Group, un organisme de fonds spéculatifs. Il fait enfin, lui aussi, parti intégrante de l'actuelle administration Obama car il en a été tout simplement désigné par ce dernier... chef du Conseil économique national. No comment.
Ainsi les libéraux auront décidément beau jeu d'invoquer l'interventionnisme étatique pour justifier ensuite des désordres financier que ces mesures ne manqueront pas d'engendrer effectivement. Sauf à dénier de considérer fort naïvement, ou de manière malhonnête, que tous ceux qui eurent à prendre ces mesures interventionistes au sein de l'appareil d'Etat furent systématiquement eux-mêmes, une fois re-balancés dans le secteur privé, les ardents défenseurs d'une auto-régulation qui avait tout de la malversation, de la tromperie, et du montage frauduleux.
Et pour les intellectuels sincères qui condamneraient l'interventionnisme par principe, alors ils doivent le faire même lorsque celui-ci va dans le sens d'un démantèlement des outils de régulation si cher aux théoriciens libéraux. Ce qui revient à raisonner par l'absurde chacun en conviendra.
Le raisonnement sous-jacent au discours économique néolibéral est d'ailleurs souvent cynique et méprisant. Voilà, entre autre, ce que M. Summers déclarait dans une note de service controversée (c'est le moins que l'on puisse dire) de la Banque mondiale en 1991:
"Les pays sous-peuplés d’Afrique sont largement sous-pollués. La qualité de l’air y est d’un niveau inutilement élevé par rapport à Los Angeles ou Mexico. Il faut encourager une migration plus importante des industries polluantes vers les pays moins avancés. Une certaine dose de pollution devrait exister dans les pays où les salaires sont les plus bas. Je pense que la logique économique qui veut que des masses de déchets toxiques soient déversées là où les salaires sont les plus faibles est imparable." Du vrai Mozart n'est-ce pas ?
- Timothy Geithner est l'actuel Secrétaire au Trésor de l'administration Obama. Il était auparavant président de la Federal Reserve Bank de New York de 2003 à 2009. Il fut également sous-secrétaire sous Rubin et Summers lors de la précédente décennie et pris part à de nombreuses décisions visant à déréglementer le secteur financier. Il lui sera également bientôt reproché d'avoir, alors qu'il était encore chargé du secteur financier à la Fed, au début de la crise, conseillé à l'assureur AIG - qui sera finalement sauvé de la faillite par l'Etat en plusieurs phases à hauteur de 175 milliards de dollars - de cacher aux yeux du grand public et des contribuables "des détails-clés" de l'accord de renflouement. La consigne de silence visait tout particulièrement l’identité des bénéficiaires du versement de la totalité des sommes dues dans le cadre des Credit Default Swaps dont la chute de Lehman Brothers déclenchait le paiement. Les banques Goldman Sachs et Société Générale seraient les principaux bénéficiaires de cette manne. Comble de l'ironie, M. Geithner fut contraint de s'excuser devant le Sénat au moment de sa confirmation comme Secrétaire au Trésor l'année précédente, pour avoir "omis" de régler une partie de ses impôts entre 2001 et 2004. Là encore on nage en plein Vaudeville.
- Ben Bernanke est le président en exercice de la Federal Reserve depuis 2006, et reconduit incessamment par le "métisse providentiel". Il succède à ce poste à Alan Greenspan. Abonné aux thèses de Milton Friedman, il développa l'idée - typiquement libéral - peu avant l'advenue de la crise, que la responsabilité des différents déficits et déséquilibres extérieurs (de plus en plus chronique et pour cause) des États-Unis étaient du à un excédent mondial d'épargne plutôt qu'un excès de consommation des Etats-Unis. Lui-même produit d'un déséquilibre de plus en plus prégnant de la balance des paiement à mesure d'un processus de désindustrialisation (plus exactement de délocalisation de la production), du éminemment au fait d'une libéralisation des échanges entre sphères ne disposant d'aucune législation sociale ou environnementale équivalente. Proposition totalement rejetée par les économistes non-endoctrinés au néolibéralisme, c'est à dire attachés à une lecture un tant soit peu objective des faits et des tendances. D'aucuns estiment que sa politique actuelle en tant que président de la Fed afin d'apporter de la liquidité au système bancaire, en laissant filer le dollar et en pratiquant des taux directeurs à un niveau plancher, créer les conditions même de gigantesques bulles spéculatives futures. Ce qui serait comique si M. Bernanke n'était considéré aux Etats-unis comme un spécialiste, sinon le spécialiste, de la crise de 1929...
- Henry Paulson, ancien président de Goldman Sachs (décidément), dont il fut l'employé-actionnaire pendant 32 ans (excusez du peu) et ex-Secrétaire au Trésor sous Bush jr. Initiateur du plan de sauvetage bancaire éponyme, il n'en fit pourtant pas profiter Lehman Brothers qui se révélait effectivement un vrai concurrent de Goldman Sachs sur le secteur des banques d'investissement.
http://www.nytimes.com/2009/08/09/busin ... son&st=cse"Au cours du seul sauvetage d'AIG, M. Paulson et M. Blankfein (PDG de Goldman Sachs) se sont parlés deux douzaine de fois au téléphone, soit bien plus fréquemment que lorsque M. Paulson échangeait avec les autres dirigeants de Wall Street", écrit le quotidien.
Quel rabat-joie oserait parler de conflit d'intérêt et/ou de trafic d'influence ??
Paradoxalement, l'ancien patron de cette dernière, et l'un des plus ardents promoteurs du libéralisme comme nombre de ses déclarations pré-crise le mettent en évidence, était accusé par sa famille politique de tenter un coup de force pour imposer son plan dans la plus pure tradition marxiste. Allez comprendre
Enfin, M. Paulson qui reconnaissait lui-même en Septembre 2007, et alors que les signes préliminaires d'une crise grave et avérée du crédit était en cours suite au retournement puis à l'effondrement du marché immobilier, je cite: "que la crise financière exercerait une ponction «modeste» (euphémisme) sur la croissance de la première puissance mondiale" et qui pronostiquait que "la force intrinsèque de l'économie devrait permettre une poursuite de la croissance". Tout le monde se bidonne rétrospectivement devant tant de médiocrité aveugle. Même le flot de chômeurs et de précaires ?
Le meilleur pour la fin:
- Alan Greenspan, libertarien revendiqué et assumé, est l'ancien président de la Fed de 1987 à 2006 dont Milton Friedman disait de lui qu'il en était le meilleur président. Il est vrai que ce dernier, qui décéda en 2006 en pleine euphorie des marchés qui caractérise si bien les collapsus à venir, n'eut malheureusement la chance de constater les fruits de la politique (qui a dit de la croissance ?) de taux directeurs absolument irresponsable menée alors par le "maestro".
J'entends l'argument - encore une fois typiquement libéral - qui consiste à incriminer le programme d'accession à la propriété des ménages les moins solvables, le CRA. C'est une tarte à la crème ! Ce dernier avait près de trente années à l'instant du déclenchement de la crise...
En réalité, c'est essentiellement la politique de la FED sous M. Greenspan, aveuglé par ses utopies idéologiques et tiraillé par ses mandants qui sont les seuls et uniques propriétaires de l'institution qu'il dirigeait, qui, en fixant les taux directeurs à des niveaux historiquement bas au tout début des années 2000, a dopé puissamment le recours au crédit et creusé par conséquent l'endettement des ménages. Pour preuve, les prêts hypothécaires ont augmenté en moyenne de 56% par an pendant trois ans, passant de 1,05 trillions de dollars en 2000, à 3,95 trillions de dollars en 2003 ! (source Jdf).
Or, et les libéraux omettent consciencieusement de le dire, la Réserve fédérale est une institution de droit privé, statutairement. Elle est financée uniquement sur fonds privés et ne touche pas un centime du gouvernement fédéral. Elle appartient de fait à un consortium de banques dites "fondatrices" et administrée par elles indépendamment du pouvoir politique. Seul son président est nommé par le gouvernement (Bernanke a d'ailleurs très récemment refusé devant des sénateurs élus par le peuple de fournir les noms des actionnaires ainsi que sont chiffrage précis en invoquant l'indépendance de cette dernière vis à vis des institutions politiques ainsi que le Freedom of Information Act, source Ron Paul).
Et donc je pose la question: Quid de l'interventionnisme étatique la dedans pour justifier des mécanismes puis du déclenchement de la crise ?
kelk1 a écrit:
Ce n'est pas parce que l'on dit l'exact opposé de l'idéologie dominante que l'on est intéressant ou non orienté.
Bien sûr mais il faut entendre ce que je dis. A savoir que l'on donne systématiquement la parole et l'on relaie allègrement sur toutes les ondes et plus grave, aux sein des instances politiques nationales (et plus encore européennes), la bonne doxa néolibérale qui justement n'a ni vu la crise, mais plus fondamentalement, ne la croyais simplement pas possible. Enfin, il faut pouvoir se rappeler les déclarations abasourdis d'Alan Grennspann au plus fort du crash boursier et qui, en substance, comme saisis d'effroi, se disait lui-même en état de sidération dogmatique avancé. Et donc ma remarque concernant une certaine prime à l'incompétence semble plus que pertinente et devrait donner matière à réflexion. Réflexion, au demeurant, dont un certain nombres semblent fort démunis.