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 Sujet du message: L'UE face à la crise: quelques interrogations
MessagePosté: Mar 14 Oct 2008 17:48 
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L'UE était en crise; maintenant elle doit faire face à la crise, et elle ne s'en sort pas trop mal: malgré le manque de structures politiques et économiques unifiées, les dirigeants européens ont mis en place une coordination empirique rassemblant tous les grands Etats, qui sont aussi les plus anciens dans l'UE, pour trouver des solutions concertées aux problèmes rencontrés par le système bancaire européen.
Cette crise va-t'elle déboucher sur un retour de l'Europe des Etats, ou au contraire va-t'elle donner une poussée à une unification politique en panne et devenue très problématique suite aux élargissements récents et aux divers blocages référendaires constitutionnels?
Faudra-t'il en venir à la création d'un directoire européen, comme l'avance Christophe Barbier, où figureraient ces Etats qui, sur le tas, se sont confirmés comme capables d'élaborer des solutions et de jouer un rôle d'entraînement?
Faudra-t'il revenir sur des dispositions visiblement inadaptées aux situations d'urgence où un leadership fort est nécessaire, comme par exemple celle de la présidence tournante accessible à tous les Etats à tour de rôle et pour 6 mois seulement? Doit-on se féliciter que la crise se soit produite en période de présidence française, et non durant la présidence slovène antérieure, ou pendant la présidence tchèque à venir?
Faudra-t'il remettre en cause, au moins dans une certaine mesure, l'absence de droit de regard des instances politiques sur la BCE? A noter que directeur de la Fed, bien que bénéficiant également d'un statut d'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, se concerte néanmoins constamment avec le gouvernement américain dans l'exercice de son pouvoir décisionnel, ce que ne fait pas Trichet.
Faudra-t'il redéfinir différemment les missions de ladite BCE, définition qui sert d'excuse à certains pour justifier l'obsession anti-inflationniste de son directeur?
Finalement, l'UE a un sérieux problème d'image: alors qu'il y a 15 ans, elle était associée à la paix et à la prospérité économique, elle suscite maintenant dans l'esprit de beaucoup d'Européens des évocations assez largement négatives: une bureaucratie hypertrophiée de hauts fonctionnaires pointilleux s'ingérant constamment dans la vie économique des nations pour en entraver l'essor à coup de régulations absurdes, un déficit démocratique ancien peu corrigé par les nouveaux modes de fonctionnement prévus par les textes récents, une Commission investie de l'initiative législative et du pouvoir exécutif, ce qui contrevient à toutes les normes démocratiques, un élargissement trop rapide rassemblant des pays avec des intérêts politiques, économiques et géostratégiques divergents qui rend la prise de décisions difficile et tend à transformer le concert européen en cacophonie, une adhésion rigide au ''fondamentalisme du marché'' (la formule est de George Soros) qui font que certains voyaient en l'UE le cheval de Troie des néo-libéraux américains, des structures inadaptées qui fonctionnent tant bien que mal en période de croisière mais sont totalement incapables de permettre une réactivité rapide en temps de crise, des référendums par lesquels on demande aux électeurs d'exprimer une volonté dont on ne tient compte que si elle recoupe les décisions des dirigeants, le débat non résolu de l'adhésion turque, poussée par les Etats-Unis et favorisée par les élites eurocratiques mais largement rejettée par les peuples, etc.
La construction européenne sera aussi affectée par la crise. Comment voyez-vous son avenir, quelles mutations subira-t'elle de ce fait, à quelles transformations ou ajustements structurels devra-t'elle se résoudre si elle veut progresser, quelles réponses donnera-t'elle à des questions fondamentales comme celle des réformes structurelles ou de l'entrée de la Turquie?


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 Sujet du message: Re: l'UE face à la crise: quelques interrogations
MessagePosté: Mar 14 Oct 2008 18:29 
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Une brève, parce que j'ai peu de temps.

La poussée de la droite populiste en Autriche lors des récentes élections serait due en partie à l'imposition du mot Konfitüre en lieu et place de celui de Marmelade. Une directive européenne a en effet menacé d'un procès l'Autriche si elle ne changeait pas sa législation sur l'emploi de ces mots, car celui de Marmelade doit servir uniquement à la confiture d'agrumes. Un journal populaire s'est emparé de la chose et a mené une campagne de tout les diables. Marmelade ayant le sens de confiture en Autrichien.

La bureaucratie a donné un d'arrêt à la belle idée d'Europe. Lorsque j'étais dans l'agro-alimentaire, j'ai piqué une crise de fou-rire devant une directive européenne réglementant la commercialisation du concombre tordu.

Voilà comment on tue une idée magnifique.

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 Sujet du message: Re: l'UE face à la crise: quelques interrogations
MessagePosté: Mar 14 Oct 2008 18:46 
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Citation:
devant une directive européenne réglementant la commercialisation du concombre tordu.

Jean-Marc L., dites-nous tout tout tout sur la réglementation du concombre tordu; c'est peut-être périphérique--et encore, ce n'est pas sûr-- mais c'est absolument fascinant. Nous citoyens européens, avons le droit de savoir! :lol:


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 Sujet du message: Re: l'UE face à la crise: quelques interrogations
MessagePosté: Mer 15 Oct 2008 08:10 
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N'étant plus de la partie, je ne l'ai plus sous la main, mais il y avait un angle de torsion admissible au delà duquel la commercialisation était interdite. Le concombre tordu valait beaucoup moins cher que le concombre droit, et moi qui travaillait comme acheteur pour des collectivités qui coupaient le délicieux cucurbitacé en rondelles, c'était particulièrement intéressant.

Il y a aussi des tas de réglementations bizarres destinées à protéger les productions européennes. Ainsi, les cailles étaient très fortement taxées à l'entrée dans l'UE pour protéger les élevages essentiellement espagnols, mais la viande de caille désossée n'était pas taxée du tout, ce qui me permettait de faire désosser des cailles en Roumanie (qui n'était pas dans l'UE), ou la main d'oeuvre ne valait rien, de l'importer et de la vendre à des industriels charcutiers pour en faire des pâtés.

Il y a toujours une combine :mrgreen:

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 Sujet du message: Re: l'UE face à la crise: quelques interrogations
MessagePosté: Jeu 16 Oct 2008 12:42 
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Merci, JML, de ces intéressantes précisions sur les ruses de Sioux que les hommes d'affaires doivent développer pour déjouer les stringentes régulations européennes.
Je reprends une des questions, sans doute la plus polarisante, posée dans l'énoncé initial: Est-ce que la crise risque d'influer d'une manière ou d'une autre sur la question de l'entrée de la Turquie dans l'UE--actuellement un peu oubliée dans les medias--ou est-ce que cela ne change rien à la donne?


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 Sujet du message: Re: l'UE face à la crise: quelques interrogations
MessagePosté: Jeu 16 Oct 2008 14:42 
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Cela ne change rien à la donne pour l'instant, l'échéance étant lointaine. Il faudrait une boule de cristal à l'heure actuelle pour percevoir les implications profondes de tout ceci. Je pense la crise brève, mais je peux me tromper.

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 Sujet du message: Re: l'UE face à la crise: quelques interrogations
MessagePosté: Jeu 16 Oct 2008 23:06 
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L'Europe a quand même permis de lever quelques blocages intra-communautaires. Ainsi, certains charcutiers français (ou plutôt alsaciens), c'étaient mis en tête de vendre du pâté en Allemagne sur les marchés. Ils avaient découvert à l'époque qu'ils n'en avaient pas le droit puisque le terme pâté (ou soin équivalent) recouvrait un produit différent en Allemagne et qu'il n'y avait pas de règlementation adéquate pour un produit tel que notre pâté. C'était d'ailleurs aussi le cas des poulets rôtis, un alsacien qui s'était spécialisé dans la vente de poulets rôtis sur les marchés avait décidé d'élargir sa clientèle en allant faire un tour sur les marchés allemands. Il a découvert qu'il n'en avait pas le droit.

Maintenant, où un produit homologué dans l'un des pays à le droit d'être vendu dans tous les autres de telles contraintes disparaissent et plusieurs commerçants alsaciens ont su s'ouvrir de nouveaux débouchés.

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 Sujet du message: Re: l'UE face à la crise: quelques interrogations
MessagePosté: Ven 17 Oct 2008 08:33 
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De la même façon que la moutarde sucrée à l'allemande est désormais autorisée en France alors qu'elle y était interdite.

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 Sujet du message: Re: l'UE face à la crise: quelques interrogations
MessagePosté: Ven 17 Oct 2008 14:09 
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D'ailleurs, la raison principale des règlementations "ubuesques" européennes est bien de satisfaire toutes les administrations. Or, certaines avaient mis des barrières économiques déguisées en lois pour la défense du consommateur. Et, elle ne compte pas déclarer que ces lois n'avaient aucun fondement sérieux. Donc, les réglementateurs européens doivent faire avec et trouver un moyen de contourner la loi nationale ou doivent la prendre en compte. Or, il y a une volonté de rendre la règlementation européenne plus limpide. Mais, ce n'est pas facile, il ne faut pas oublier que faute d'avoir un nouveau traité, c'est toujours l'ancien qui s'applique et que dans bien des cas, 1 pays peut s'opposer à la volonté de tout les autres. Donc, qu'un seul pays déclare que les concombre tordu cause un problème pour lui, et ben, le concombre tordu reste interdit.

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 Sujet du message: Re: l'UE face à la crise: quelques interrogations
MessagePosté: Sam 18 Oct 2008 03:42 
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Puisque nous sommes dans le hors-sujet depuis la première réponse, je poursuis dans la même veine :mrgreen:

Le degré maximal de torsion admissible pour le concombre tordu s'explique aisément : il s'agit d'une action de lobbying bruxellois d'un grand fabriquant d'ustensiles culinaires généraliste qui voulait couper l'herbe sous le pied d'un coutellier de niche concurrent qui avait développé un couteau-économe astucieux à balancier permettant un parfait épluchage du concombre tordu même dans les angles les plus aigus. Ce qui montre que tout est rationnel quand on creuse un peu !


Et pour revenir dans une partie du sujet, je ne vois pas en quoi la crise aurait une influence sur l'adhésion de la Turquie. L'adhésion de la Turquie, et sa date, me semblent être une question politique avant tout.
Les pays qui ne veulent pas d'une Europe politique sont plutôt pour une adhésion rapide de la Turquie qui en l'état actuel des institutions serait un obstacle supplémentaire et de taille à l'Europe politique.
Les pays qui veulent une Europe politique forte quant à eux n'envisagent pas l'adhésion de la Turquie avant qu'un approfondissement politique décisif et spectaculaire ait eu lieu.
Les considérations culturelles, religieuses, géographiques, etc... ne sont là que pour amuser la galerie (pardon, j'aurais dû dire "les opinions publiques")

_________________
Qui, a fait quoi, et à quelle date ?

- Alaric, a éteint le feu sacré, à Rome, en 410.


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