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 Sujet du message: Re: Re-industrialisation de la France ?
MessagePosté: Dim 7 Mar 2010 10:45 
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N'étant pas un expert de ces questions,je m'avance avec prudence. Mais il me semble que la désindustrialisation résulte aussi pour une part de la concurrence insoutenable des pays à très bas coûts de maind'oeuvre - autrement dit qu'elle résulte d'abord de la conjonction de deux phénomènes : le taux de change (très favorable à la Chine ou à l'Inde) et l'absence de droits de douanes aux frontières de l'Europe.

Ces phénomènes seraient sans doute gérable s'ils étaient séparés mais leur cumul rend la compétition impossible à gagner. Qu'en pensez vous ?

Je crois que les allemands s'en sortent mieux car ils bénéficient de bons choix faits depuis longtemps : production très haut de gamme (ou la réputation permet un prix très élevé), biens d'équipement (exportés massivement vers les pays émergents), dynamisme d'entreprises moyennes à capitaux familiaux (plus puissantes que nos PME et moins bureaucratiques que nos grands groupes).

Notre pays a fait des choix stratégiques plus délicats : l'aéronautique (très dépendante des taux de change €/$ et des pressions politiques), l'industrie d'armement (sinistrée par la baisse constante des budgets d'équipement et de R&D depuis 1990 - or sans base nationale pas d'exportation possible), la création de grands groupes publics (Areva, EDF, NEXTER) ou semi-publics (EADS) ou privés mais très liés à l'Etat (Dassault, Thales, Lagardere...) qui sont très lourds à gérer en interne et sont engagés en externe dans des querelles constantes entre eux et de délicates parties d'échecs avec les Gouvernements successifs. Dans tout cela le rapport qualité prix des productions et leur adaptation aux besoins des clients ne joue aucun rôle.

En conclusion je vous propose deux thèses un peu sommaires : dans l'industrie "courante" (textile, automobile, siderurgie, ...) nous sommes laminés par les importantations des pays émergents et dan sl'industrie de haute technologie nous nous paralysons nous nous-mêmes...


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 Sujet du message: Re: Re-industrialisation de la France ?
MessagePosté: Dim 7 Mar 2010 21:41 
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Vitalis a écrit:
Cette désindustrialisation concerne aussi les Etats-Unis ou l'emploi industriel s'est effondré ces 30 dernières années.
Il faudrait peut-être la réapparition de grands entrepreneurs comme l'ont été André Citroen, Marius Berliet, Edouard Michelin , Marcel Dassault ou Louis Renault en leur temps.
Il n'y a pas d'industrie sans industriel.


Oui, j'ai lu un article dans un journal économique qui parlait du problème, il y a pas mal de temps (alors, j'aurais du mal à citer la source exacte). L'un des soucis actuel est le passage du statut de PME à celui industrie moyenne, voire grand groupe industriel. Souvent, il arrive un moment ou le futur industriel doit emprunter de l'argent. Il a 2 choix, s'adresser à des actionnaires ou emprunter.
- s'il s'adresse à des actionnaires, souvent ceux-ci vont exiger un certain retour sur investissement. S'il ne l'atteint pas, il perd ses actionnaires et la boite ferme dans la plupart des cas.
- s'il emprunte, tant qu'il arrive à assurer le remboursement correct de ses mensualités, ça va. Mais, il y a de fortes chances que tôt ou tard les banquiers (s'il a des difficultés ou s'il doit emprunter plus pour s'agrandir) viendront lui démontrer que son entreprise est mal gérée et qu'il doit obéir à leurs conseils amicaux s'il veut s'en sortir.

En fait de nombreuses entreprises n'arrivent pas à passer le cap. Lorsqu'elle font faillite, souvent des investisseurs récupèrent les brevets pour une bouchée de pain et produisent dans des pays à faible valeur ajoutée.

Et si mes souvenirs sont bon, j'ai lu cet article il y a plus de 5 ans ... En fait, c'était une association d'industriels qui demandaient au gouvernement de mettre en place des leviers pour les aider à passer ce cap. Ce qui aurait pour but de dynamiser le tissu industriel français. Mais à l'époque ceux qui prônaient la dématérialisation de l'économie avaient le vent en poupe. On gagnait beaucoup plus d'argent en misant sur les subprimes qu'en investissant dans l'industrie.

L'un des nœuds du problème se situe exactement sur ce point. On le voit d'ailleurs avec les profits des banques. Malgré le contexte de crise, les banques réalisent de sérieux profits grâce à leur ponction sur les flux financiers. Pourquoi bloquer de l'argent dans une industrie avec un retour sur investissement au bout de 2 ou 3 ans, alors qu'on voit bien qu'on peut gagner rapidement de l'argent ?

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 Sujet du message: Re: Re-industrialisation de la France ?
MessagePosté: Mar 9 Mar 2010 12:36 
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:!: C'est donc un simple problème de capitalisme sauvage, un grand classique en Histoire...

Si l'Europe est devenue puissante, ce n'est pas parcequ'elle a imité bêtement le Royaume Uni, pays du capitalisme un peu sauvage et vaguement féodalisant.
Or l'Europe actuelle (UE) s'est enferrée dans une logique basée sur les flux financiers, sur un modèle que je trouve proche de l'économie britannique.
:arrow: Les Anglais produisent peu eux-même, mais ils recherchent une monnaie forte pour pouvoir importer avantageusement.
:arrow: Les Allemands produisent beaucoup de biens, mais ont une certaine dépendance alimentaire et minière; ce qui les oblige à trouver un compromis entre monnaie forte (imports et sortie de devises) et industrie forte (export et entrée de devises)
:arrow: La France produit des biens et des aliments en suffisance (elle et l'Ibérie fournissaient beaucoup), elle dépend plutôt moins d'approvisionnement étrangers que ses voisins. Elle se montre donc logiquement plutôt frivole.

:idea: Il me parait donc que c'est l'adoption plus ou moins consciente d'un modèle économique "à l'anglaise" qui est la source de nos ennuis, plus la frivolité française (un défaut historique qui ne date pas d'hier...).
:?: Les Allemands se retrouvent donc assez seuls en terme de puissance industrielle!


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 Sujet du message: Re: Re-industrialisation de la France ?
MessagePosté: Mar 9 Mar 2010 15:44 
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Deux choses:

_La puissance économique se limite-t-elle à la puissance industrielle?

_On ne peut pas tout faire. Le principal problème des pays européens c'est qu'ils sont minuscules. USA / Chine / Brésil / Inde ... un point commun? Puissance établie ou émergente ... géant géographique. La France est la première puissance agricole de l'UE, l'Allemagne la première puissance industrielle. Il y a de toute façon un problème de place. Vous ne pouvez pas être une grande puissance industrielle et agricole.

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 Sujet du message: Re: Re-industrialisation de la France ?
MessagePosté: Mer 10 Mar 2010 02:04 
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Lord_Akhenaton a écrit:
_La puissance économique se limite-t-elle à la puissance industrielle ?


Non ! Mais derrière cette volte face de certaines personnes qui ont poussé à la roue pour faire de la France un pays post-industriel, il y a un constat. En cas de crise, ce sont les pays industrialisés qui s'en sortent le mieux et avec le moins de pertes. C'est aussi parce que ce qu'on se débarrasse en premier, ce sont les services.

Ma fille a fait un BTS en communication d'entreprise. Tous ceux qui ont passé le BTS avec elle ont fait comme elle, ils ont changé de filière. Ceux qui ne l'ont pas fait pointent au chômage. Quand une entreprise n'est pas au meilleur de sa forme, elle s'arrange avec les moyens du bord pour sa com, qu'elle soit interne ou externe.

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 Sujet du message: Re: Re-industrialisation de la France ?
MessagePosté: Mer 10 Mar 2010 07:54 
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Il est possible que dans les années à venir l'industrie française retrouve en partie sa compétitivité pour une raison simple; la hausse des coûts dans les pays émergents. En Chine les salaires progressent comme le PIB de plus de 10% par an. Ainsi le SMIC chinois est de l'ordre de 70 euros par mois soit 15 fois moins qu'en France. Il y a 30 ans l'écart était de 1 à 50. Cet écart va encore se réduire.
En europe de l'est les salaires augmentent aussi rapidement (sauf en ce moment à cause de la crise)

Donc les entreprises françaises vont progressivement dans les décennies à venir se retrouver à armes égales

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 Sujet du message: Re: Re-industrialisation de la France ?
MessagePosté: Mer 10 Mar 2010 11:51 
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Bon avec mes faibles connaissances :
Jean-Marc Labat a écrit:
Pour ré-industrialiser, il faut être compétitif, et nous le sommes de moins en moins. Ce n'est pas en confiant à l'Etat le soin de dire aux entreprises ce qu'il faut faire que cela va changer quelque chose au problème. Distribuer des subventions avec le fric piqué aux entreprises, hurler au charron de concert avec la CGT à chaque fois qu'une restructuration est nécessaire, faire peser le coût des allocations familiales sur les seules entreprises, avec tout cela, l'industrie est sauvée.


Hum j'ai comme contre-exemple les Etats-Unis où l'assistanat ne m'a pas l'air si développé que ça mais qui a subi de plein fouet la désindustrialisation en particulier sur la "Rust Belt", sur ce sujet les différentes idéologies sont particulièrement malsaines et créent elles-mêmes des grilles de lecture bien trop simplistes.
Petit listing : "si on pome notre industrie c'est parce qu'on surtaxe les entreprises alors que l'exemple des USA met à mal cette thèse" ou "Si on pome notre industrie c'est parce qu'on ne travaille pas assez alors que la productivité horaire des Français est plus que respectable" vs. "si on pome notre industrie c'est à cause de l'immoralisme des grands patrons qui nous mettent en concurrence avec des Indonésiens sous-payés"

Vitalis a écrit:
Donc les entreprises françaises vont progressivement dans les décennies à venir se retrouver à armes égales

Tout à fait d'accord avec Vitalis et Akhenaton, maintenant que les écarts technologiques entre les différents pays du monde se réduisent, comment être leader dans un secteur qui demande extrêmement de main d'oeuvre quand on est 65 millions? Pour moi la France va devenir demain une sérieuse concurrente pour les pays émergents d'aujourd'hui mais ne pourra pas assumer une sorte de leadership industriel comme tous les autres pays de l'UE pris un par un. (l'Allemagne va aussi connaître cette situation, elle est passée récemment 2ème en terme d'exportations derrière la Chine et d'autres pays vont suivre)

marc30 a écrit:
et AUCUNE dimension europeenne !!!

a quoi sert l'UE pour le president français ? on a parfois l'impression que sarkozy est encore plus eurosceptique que brown : il critique pas l'europe - il fait comme si elle existait pas ...


"Nicolas Sarkozy entend aussi demander à l'exécutif européen "de prendre enfin une initiative pour une véritable politique industrielle européenne". " (Le Monde.fr)


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 Sujet du message: Re: Re-industrialisation de la France ?
MessagePosté: Jeu 11 Mar 2010 02:43 
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Narduccio a écrit:
Il semblerait qu'après une marche forcée vers une société de services (ces 30 dernières années), le gouvernement français se soit rendus compte que ce n'était pas une bonne solution. D'où la volonté de ré-industrialiser la France. Avec un objectif annoncé par le président Sarkosy d'augmenter la production industrielle française de 25%.

Quel est votre avis sur cette ré-industrialisation ? Est-elle réalisable ? A quel prix ? Comment ? L'objectif est-il réaliste ? A quel terme ?

Salut,

L'objectif de Sarkozy d'augmenter la production industrielle de 25% correspond à ce qu'elle était en réalité il y a juste... 3 ans ! Son objectif, louable au demeurant mais illusoire dans la configuration idéologique actuelle, n'est donc pas de l'augmenter sur une tendance moyenne, mais bien de la maintenir à un certain niveau ou plus exactement d'enrayer son inévitable déclin.

Voilà le fameux document de travail publié il y a moins d'une semaine par la très sérieuse Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE), et où Lilas Demmou, auteur de l'étude, conclut "qu'il apparaît (...) une accélération des destructions d’emplois imputables à la concurrence étrangère dans la dernière décennie". On y apprend également que "l’industrie a perdu 36 % de ses effectifs entre 1980 et 2007, soit 1,9 million d’emplois ou encore 71 000 par an principalement dans l’industrie manufacturière".

http://www.economie.gouv.fr/directions_ ... 010-01.pdf

Pour résumé on n'y apprend également que l’ouverture des frontières commerciales, qui correspond à l'abandon de tarifs douaniers aux frontières, contribueraient à une perte de l'emploi salarié dans l'industrie allant jusqu'à 45% entre 1980 et 2007 et s'accélérant sur les 10 dernières années puisque passant jusqu'à 63% du total des pertes. Le reliquat est du en partie à une externalisation des emplois vers les services de l'ordre de 25 % (sans perte d'emploi en valeur absolu donc) et, assez marginalement, (puisque cela représenterait si je calcule bien au pire 30% du total et au mieux mois de 15%) pour ce qui concerne les gains de productivité (automatisation/automation).

On peut donc en conclure que c'est donc, et de loin, la concurrence étrangère symbolisée par des zones à faible coût de production, sans législations sociales ou environnementales contraignantes sur le travail, qui ont pesé - et continue de peser lourdement - sur l'emploi industriel en France; concurrence qu'il faut juger pour ces raisons déloyale, et qui aurait coûté au bas mot entre 900000 et près de 1.300000 des 2.000000 d'emplois industriels estimés avoir été perdu au total en France dans l'industrie, toujours selon le rapport, sur la période 1980/2007. Entendons-nous bien: ces emplois ne sont pas détruits pour être remplacés par des machines ou des logiciels mais bel et bien transférés à l'étranger où ils sont là-bas créateurs net d'emploi !

Chiffres comparables à ce qu'en évalue d'ailleurs Jacques Sapir, pour qui le libre-échange "coûte 2% de la population active en emplois industriels perdus ou non créés" (donc 2% du total de l'emploi salarié en France Ndlr), et cela sans compter l'effet dépressif sur le marché intérieur (salaires, consommation, prestations sociales ect...). De telle sorte que cela lui fait dire "qu’avant la crise le taux de chômage en France était de 8,3%, l’effet net du libre-échange représenterait ainsi au moins la moitié de ce taux (4% à 4,5% de la population active)".

http://www.observatoiredeleurope.com/Un ... a1189.html

Donc, et sauf à faire abstraction volontaire et tendancieuse de déterministes macro-économiques pourtant bien réels, on ne peut raisonnablement réduire le phénomène de désindustrialisation justement à une cause, mais bien à une conséquence d'une politique qui a été menée singulièrement depuis la fin des années 70, et qui correspond de manière tout à fait visible, étayé, à l'abandon des tarifs douaniers aux frontières, et concomitamment d'une ouverture progressive de nos économies. C'est à dire part le fait d'une volonté politique concerté et délibéré, au plus haut niveau de l'appareil d'Etat (sans qui rien en démocratie n'aurait été possible), et cela par convergence d'intérêts politiques et idéologiques avec la composante sociale détentrice du capital: moyens de production, foncier, matières premières ect... Bien aidé en cela dans le discours, il est vrai, par l'établissement d'une véritable pensée unique à vocation de légitimation (et d'aliénation pourrait-on dire) avec tout la force d'impact sur l'inconscient collectif qu'elle a pu susciter.

La raison qui a motivé ce processus est donc cristalline: c'est une simple question d'abaissement du coût de production en la délocalisant au sein des zones à faible coût de main d'oeuvre, pour des raisons de protection sociale-environnementale, et de fiscalité, qui sont soit très faible, soit quasiment inexistante. Cela pour un but et un seul: le rendement du capital. Un enfant de quatre ans comprends dans ces conditions qu'il ne peut y avoir que trois alternatives pour maintenir un semblant de compétitivité:

1/ Démanteler ses propres législations et abaisser sa propre fiscalité sur le travail, avec pour conséquences immédiates: paupérisation généralisé, baisse absolue du niveau de vie et disparition de pan entier de notre système de protection sociale, au sein d'espace géographique où la culture est imprégné historiquement de lutte sociale de grande ampleur. Conséquence probable: "C'est une révolte ? Non Sire, c'est une révolution !" Et les gouvernements grecque et portugais commencent à en savoir quelque chose, n'est-il pas ?

2/ La méthode prônée par le corpus libéral (c'est la fameuse destruction créatrice cher à Schumpeter) et qui consiste à abandonner littéralement ces productions en considérant que l'on est définitivement plus compétitif sur ce plan (lorsque l'on sait qu'un européen de l'Ouest est en moyenne 14 fois plus productif qu'un chinois ou un indien il y a de quoi se pincer...) et se résoudre à investir massivement en recherche et développement en vue d'innovation et ce afin de créer de nouveau marché générateur d'emploi. Problème: les nations occidentales à la suite de la crise et le sauvetage en catastrophe des institutions financières et bancaires (et surtout des déséquilibres fiscaux engendré inévitablement par celle-ci) n'ont pas le dernier centime - bien au contraire - pour investir puisque l'endettement crève dors et déjà les plafonds.

Plus fondamentalement, les désordres structurels macro-économiques qui préexistaient puisque instaurés par le processus de libre-échange entre sphères qui n'ont économiquement et socialement rien de commun, entraîne inexorablement un déficit chronique de la balance des paiements (ou des transactions courantes); aggravé par le fait que dans ces conditions de compétition à l'échelle globale les protections sociales sont de nouveau considérés par le capital comme un coût pure qui entrave sérieusement la rentabilité qui se voudrait non pas optimale, mais maximale; que les détenteur de capitaux et les très hauts revenus appartenant au centile supérieur opèrent un chantage à l'évasion fiscale en poussant à la baisse des prélèvements et combattent toute progression de l'impôts; que la concurrence réalisée hors zone euro par les dites sphères à laquelle vient s'ajouter une immigration économiquement (et plus encore socialement) inutile sauf à pousser à la baisse des revenus, des prestations et revendications sociales notamment chez "les plus faible et les moins éduqués"; que pour toutes ces raisons, par conséquent, les nations occidentales se retrouvent (quoi qu'elle puisse raisonnablement faire d'ailleurs, ce n'est plus le problème puisque ce dernier est systémique et prépondérant) avec des déficit abyssaux et ne sont donc objectivement plus maître de leur fiscalité comme de leur budget: je ne vois pas comment elles pourraient être disposé - et surtout capable - d'investir dans ces conditions, et donc de compenser ce phénomène pas des créations d'emplois. La "solution" libérale est donc caduque.

3/ Opérer une "dé-mondialisation" en renchérissant les échanges de marchandises par une réinstauration de tarifs douaniers aux frontières modulé en fonction du change monétaire. Cela passe nécessairement par convaincre nos voisins et partenaires avec qui nous avons partie liée. Cela veut dire qu'il faut pour les convaincre rentrer dans ce qu'il convient de nommer un rapport de force, c'est à dire exactement ce qui a balisé les rapports entre puissance depuis à peu près Mathusalem, et soit exactement ce qui est dénié par les nations européennes qui réduisent dorénavant la politique à un concert de bons sentiments.

Et s'ils n'y entendent rien, commencer déjà par menacer (en paraphrasant Emmanuel Todd) de "foutre en l'air" la zone euro. Ce qui devrait produire un électrochoc chez nos amis allemands qui le redoute plus que tout pour des raisons, du moins le croient-ils, de politiques internes. Or au final même eux y auraient intérêt puisqu'encore une fois, 75% des exportations qu'ils réalisent chaque année, et qui est le moteur de leur croissance et de leur balance commerciale, s'effectue en Europe, et pour une grande part au sein de la zone euro (l'excèdent que Allemagne engrange grâce au gain de compétitivité issu de sa politique de compression salariale et de limitation des prestations sociales se fait donc au trois quart sur le dos de ses "partenaires" européens, qui ne peuvent réagir en dévaluant par une politique de change afin de regagner eux-même en compétitivité et cela pour la raison évidente qu'ils ont admis de se soumettre à une union monétaire qui ne le permet plus de facto. Cette stratégie porte un nom: une politique non-coopérative). Ils auraient tout à gagner dans ces conditions, et nous aussi, en cas de mise en place de mesures protectionnistes, à se recentrer quasi-exclusivement sur le marché européen. Puisque parallèlement, une relance de la demande ne peut être réellement efficace que dans cette optique d'un relatif patriotisme économique (est-il besoin d'en détailler le mécanisme ?). Relance de la demande qui se ferait qu'à la condition d'une relance conjointe des salaires. C'est justement ce que le protectionnisme permet de réaliser. Peu importe alors que la Chine ne renchérisse elle-même ses productions en mesure de rétorsions.

Et donc faut-il déjà commencer par obtenir des allemands qu'ils cessent immédiatement cette politique irresponsable qui menace nous le voyons bien, indépendamment d'ailleurs de paramètres structurels internes, la Grèce, puis bientôt le Portugal et l'Espagne, c'est dire la stabilité de la zone euro et sa viabilité - et remet ainsi en cause son existence même - puisque l'actualité le démontre magistralement, les politiques ont été (rendu) incapable de brider une finance pourtant devenu incontrôlable et ce alors même qu'ils disposaient de toute la légitimité que leur fournissait aux yeux des citoyens l'émergence d'une crise majeur d'un capitalisme devenu financiarisé (en interdisant par exemple les paris sur les fluctuations de prix comme le préconise Paul Jorion).

De toute façon l'Euro est condamné à terme, tout les économistes un peu sérieux le prédisent dont de nombreux libéraux (C. Saint Etienne par exemple). Pour la simple et bonne raison que l'on ne peut décemment espérer avoir, qui plus est en période dépressive ou de croissance atone, de monnaie unique valable, qui suppose un pacte de stabilité et des critères de convergences communs, dans le cadre d'économies nationales qui divergent fondamentalement sur leur fiscalité, leur capacité productive, leur modèle social et redistributifs, ect... A moins d'envisager, et cela très rapidement afin de juguler la dynamique à l'oeuvre, une Europe fédéral. Problème: aucun des peuples européens n'en veut, ni maintenant ni demain.

Ce qui me fait dire que l'euro, au même titre qu'une confédération politique parfaitement utopique pour qui possède une culture historique même modeste, n'était que l'aboutissement d'une vision néolibérale qui a prédominé depuis trente ans, qui a subsisté grâce - ou à cause - d'une (très relative) croissance qui accompagna à notre fort préjudice l'ouverture à tout les vents de nos économies aux échanges internationaux, et qui s'achève à présent avec grand fracas, comme doit nécessairement s'achever toute illusion confrontée à l'inévitable retour du réel, et qui lui (nous) revient à la face tel un boomerang.


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 Sujet du message: Re: Re-industrialisation de la France ?
MessagePosté: Ven 12 Mar 2010 09:27 
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Vitalis a écrit:
Donc les entreprises françaises vont progressivement dans les décennies à venir se retrouver à armes égales

L'industrie française, et par conséquent les entreprises française qui sont rattachées au secteur, aura périclité depuis bien avant que ne se produise le phénomène de rattrapage de la masse salariale chinoise que vous décrivez, si tant est qu'il se produise un jour et ne soit limité en fin de cycle aux fins de conserver un avantage concurrentielle déterminant puisqu'il suffira, à lui seul, à continuer de justifier le processus de délocalisation. N'oublions pas que nous avons affaire à un capitalisme d'Etat "planifié", et accessoirement à un régime autoritaire qui a toute latitude le cas échéant pour agir en ce sens. Et pourquoi donc, au final, se restreindre à la Chine: il y a bien des pays en situation plus détériorée - ou favorable, cela dépend effectivement du côté où l'on se situe (qui du salariat, qui du patronat) - où pourrait s'externaliser la production en vue de maximaliser le rendement du capital.

Ce qui est foncièrement intéressant dans cette perspective de rattrapage, c'est que les "penseurs" libéraux théorisent un retour à l'équilibre des distorsions sévères provoqués par la mondialisation par l'accession, au niveau planétaire, d'une majorité des travailleurs à un niveau de revenu mondial médiant. C'est de cette manière qu'ils justifient le transfert des pans entiers de secteurs dit "non productif" (tu parles, évidemment la concurrence est déloyale, c'est parfaitement tautologique !) vers les zones à bas coût de production. Or ce processus ne peut se réaliser qu'à la condition, et j'insiste sur ce point, que de voir non pas seulement le revenu moyen, mais bien le niveau de vie baisser de manière absolue au sein des zones à fortes protection sociale. C'est à dire essentiellement en Europe et aux Etats-unis. Et donc d'assister à un phénomène de paupérisation progressive de la classe salarié occidentale, la première concernée, en train de se matérialiser à ce moment même (tous les indicateurs le démontrent depuis un certain nombre d'années à présent).

Cette théorie a été brillamment exposée, entre autre, lors d'un colloque (auquel j'ai eu la chance d'assister) sur la mondialisation à l'initiative de la Fondation Res Publica, par Jean-Marc Daniel, Rédac chef de la revue Sociétal, apologète libéral et chantre de "l'équivalence ricardienne", et assermenté comme il se doit par l'orthodoxie. Ce qui à l'époque avait fait dire à Marie-France Garaud (éminence grise de la chiraquie dois-je le rappeler), qu'avant qu’on ait stabilisé à un niveau moyen de revenus et absorbé les 600 millions de Chinois qui attendent aux portes des villes, trois générations d’Européens seront mortes de faim ! Voilà où semble nous conduire les chimères libre-échangistes, incapable que sont ses partisans et idéologues de réfléchir en terme social et à ses conséquences éminemment politiques, engoncés qu'ils sont dans une vision se réduisant purement à un économisme béat. C'est d'ailleurs, je le crois intimement, le plus grand reproche que l'on peut faire au libéralisme de manière générale, et au néolibéralisme qui sous-tend la doctrine libre-échangiste en particulier: ne tenir aucun compte des ses effets concrets tant au niveau social qu'inévitablement politique, du moment que l'on reste arc-bouté sur des principes sous-jacent de l'idéologie qui ont tout de dogmes inébranlables.

Sait-on pourtant que cette perspective ne sera tolérée - parceque tolérable - par la masse qui doit en subir les contradictions internes ? Doit-on rappeler que le NSDP arriva démocratiquement au pouvoir en 1933, en Allemagne, quand le taux chômage en 1932 atteignait plus de 25% de l'ensemble de la classe d'actif (sans il est vrai l'ensemble des "amortisseurs" du système de protection social qui s'est développé fort heureusement depuis) ?


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 Sujet du message: Re: Re-industrialisation de la France ?
MessagePosté: Ven 12 Mar 2010 12:10 
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Vous avez peut-être en partie raison cher kelk1 mais quand même à mon humble avis les salaires chinois vont non seulement rattraper les salaires européens mais peut-être même les DEPASSER d'ici la fin du siècle
Je m'explique : La croissance en Chine est très forte de l'ordre de 10% l'an , cette dynamique va se poursuivre jusqu'au moment ou sur sa lancée le niveau de chinois finira par dépasser celui des européens englués dans leur croissance durable. Ce jour là les salaires chinois dépasseront les salaires européens

Voyez le Japon. Il y a un siècle les salaires japonais étaient nettement plus faibles que les européens ce qui a en partie aidé les industriels japonais.
Aujourd'hui le Japon a rattrapé son retard et les salaires nippons sont au niveau occidental.
C'est ce qui en train de se passer en Corée du sud et à Taiwan.

Il y aura aussi en Chine des problèmes d'inflation. Les chinois accumulent des milliers de milliards de devises étrangères, euros, $. Elles se déversent dans l'économie chinoise ou elle finiront par entrainer de l'inflation (vu qu'il y a augmentation de la quantité d'argent en circulation). Déjà l'inflation en Chine durant les années 2000 a été sensiblement plus importante que dans la zone euro.

En tout cas il n'y a aucune raison de penser que la Chine sera éternellement un pays de bas salaires et de basse productivité.

Le problème c'est que maintenant il reste l'Inde et 4 autres milliards d'habitants......

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