Citation:
La démocratie n'est pas immédiatement en cause dans cette affaire :
Mais bien sûr que si; et ce qui est grave, c'est justement que l'on ne voie pas qu'elle est directement en cause dans cette notion de développement d'une gouvernance européenne.
Faut-il le rappeler: jusqu'à présent, l'essentiel des avancées européennes, en particulier les plus dommageables comme l'élargissement à marche forcée, l'engagement de négociations pour l'adhésion de la Turquie et l'adoption d'une Constitution, se sont faits de façon totalement non-transparente et non démocratique, décidées par des élites eurocratiques non élues qui passent par dessus la tête des peuples en leur imposant des décisions dont ils ne veulent pas (au besoin en organisant et réorganisant des votes jusqu'à ce que le résultat du scrutin les satisfasse).
Toute avancée dans le projet de gouvernance européenne a jusqu'à présent correspondu à une évacuation progressive de la sanction des électeurs par un transfert des droits souverains des gouvernements nationaux à des instances décisionnelles "fédérales" non élues.
La gouvernance s'oppose donc directement au gouvernement: il s'agit essentiellement d'attribuer des pouvoirs d'orientation et décisionnels à une foule d'instances non représentatives (associations, lobbies etc), sans légitimité démocratique. La responsabilité devient diluée, vague, intraçable, et les responsables ne répondent pas de leurs décisions devant un Parlement.
Ou encore comme l'écrit si joliment P. Magnette (auteur de plusieurs livres sur l'UE) au sujet de la gouvernance européenne: il s'agit de mettre en place des formes de gouvernance plus complexes et moins rigides que celles du gouvernement démocratique "en faisant appel à des agences indépendantes composées d'experts ...en mesure de fournir une analyse objective de la situation en échappant aux mouvements cycliques dus aux élections."
La démocratie, c'est impratique, instable et (les décideurs étant soumis à la sanction exercée par des citoyens lambda non formés) pas objectif; c'est aux experts européens "indépendants" de prendre des décisions sans être perturbés par les "mouvements cycliques dus aux élections".