PS: je suis désolé de cette longue réponse, mais je voyais mal comment faire plus court sans tomber dans la caricature.
Aigle a écrit:
S'agissant de la dimension démocratique du sujet, il y a effectivement quelque chose de choquant de renforcer l'union alors qu'en 2005 deux référendums rendus dans des Etats fondateurs ont marqué nettement la réserve des électeurs à l'égard du progrès de l'intégration ! la commission et le conseil me semblent peu légitimes - et encore plus maladroits car ils donnent de merveilleuses armes aux europhobes pour dénoncer la manie centralisatrice de Bruxelles.
Il y a eu plusieurs sondages qui montrent qu'en fait, la plupart des électeurs européens reprochent à l'Europe sa division et sa faible construction. On est contre l'Europe parce que l'Europe n'a pas su se bâtir de manière à nous défendre. Or, cela est le résultat des tergiversations de nombreux hommes politiques qui sont rentrés dans l'Europe en essayant d'en obtenir le maximum pour leur pays. Si on veut construire un ensemble qui défendent les européens autant que les USA défendent les américains ou que la République Populaire de Chine défende les intérêts chinois, il faut une Europe intégratrice. Or, les nouveaux entrants ont souvent peur d'y perdre leur âme et cherchent à la préserver. Si les USA avaient agit de même, le Texas ou la Californie seraient encore indépendants. Et l'Allemagne est passé par des phases plus centralisatrices et à une identité culturelle forte qui permettent de faire tenir son modèle fédéral.
Citation:
Lorsque l’Europe demande à ses citoyens si elle est encore la plus belle du royaume, seuls 49 % répondent "oui". Le dernier Eurobaromètre publié par la Commission révèle que moins de la moitié des européens considère qu’appartenir à l’UE est "une bonne chose" pour leur propre pays. On n’était pas passés sous la barre des 50 % depuis 2004, et l’on comptait 58 % d’euro-enthousiastes en 2008. Nous sommes au plus bas niveau depuis que l’Europe compte 27 membres. La saison de la majorité absolue est temporairement suspendue.
Est-ce là une défaite de l’Union ? Oui, bien sûr. Une défaite de l’Europe ? Absolument pas. Une victoire des euro-sceptiques ? Vous voulez rire ? Ce même sondage indique qu’il existe un désir croissant de rassembler et de consolider l’énergie politique européenne. Le nombre de personnes considérant que l’Europe doit résoudre les problèmes liés à la récession est en hausse. Trois quarts des européens demandent en effet davantage de coordination.
Nombre de personnes souhaiteraient du reste mieux connaître ce que l’Europe peut faire pour elles, parce qu’elles s’attendent à ce qu’elle le fasse. Si de nombreux européens pensent finalement que l’Europe n’est pas "une si bonne chose", ce n’est pas parce qu’ils sont opposés à l’intégration, mais parce qu’ils se sentent trahis par les Vingt-Sept et par la façon dont ceux-ci ont conçu le projet d’intégration. Ils exigent davantage. Ils se sentent abandonnés par les petits jeux de pouvoir qui se nouent entre Bruxelles et les autres pays européens. Ils veulent savoir et participer.
http://www.presseurop.eu/fr/content/article/325291-l-europe-trahie-par-les-vingt-septhttp://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb73/eb73_first_en.pdfLe souci, c'est que depuis que les euro-optimistes se taisent, on entend de plus en plus les euro-pessimistes qui ont décidé d'occuper la place libérée.
Citation:
L’Union européenne est en train de mourir. Ce n’est ni une mort violente ni une mort tragique mais une longue agonie, si lente que nous pourrions un jour regarder de l’autre côté de l’Atlantique pour nous apercevoir que le projet européen - que nous prenions pour un fait acquis depuis plus d’un demi-siècle - n’est plus.
Le déclin de l’Europe est en partie économique. Un grand nombre de pays européens ont payé un lourd tribut à la crise financière et le niveau d’endettement des Etats et les incertitudes planant sur les banques du continent ont de quoi inquiéter. Ces calamités ne sont pourtant rien comparées à la propagation d’une maladie autrement plus grave : de Londres à Berlin en passant par Varsovie, l’Europe connaît une renationalisation de son paysage politique, chaque pays se raccrochant désormais à sa souveraineté qu’il était auparavant prêt à abandonner à la réalisation d’un rêve collectif.
Une multitude de nations éparses
Les Européens ne semblent plus guère se préoccuper du bien commun. Ils se demandent ce que l’Union leur apporte et si cela en vaut la peine. S’ils poursuivent dans cette voie, ils pourraient compromettre l’un des projets les plus marquants et les plus ambitieux du 20e siècle : celui d’une Europe unie, en paix avec elle-même, et affirmant sa puissance comme un tout cohérent. Il en résulterait une multitude de nations éparses, sans la moindre influence géopolitique, et les Etats-Unis se verraient privés d’un partenaire prêt à les seconder dans leurs missions internationales et ayant les moyens de le faire.
http://www.presseurop.eu/fr/content/article/329841-l-union-europeenne-se-meurtPar chance, le moribond vit encore :
http://www.presseurop.eu/fr/content/article/330321-n-enterrez-pas-si-vite-l-ueCitation:
Le 13 mai dernier, à Aix-la-Chapelle, la chancelière allemande Angela Merkel a exposé sous un jour nouveau sa vision de l'Europe lors de la remise du Prix Charlemagne au Premier ministre polonais Donald Tusk, en plein tsunami économique et financier grec. "La crise de l'euro" – a-t-elle souligné – "n'est pas une crise comme les autres. Il s'agit de la plus grande épreuve pour l'Europe depuis la signature du Traité de Rome en 1957. C’est une épreuve existentielle. Si nous échouons, les conséquences seront incalculables. Si nous parvenons à vaincre la crise, l'Europe en sortira plus forte que jamais."
Ces propos étaient si inattendus que la presse internationale a été littéralement prise de court. "Si nous voulons surmonter la crise", a ajouté la chancelière allemande, "nous devons faire face aux défis réels avec plus d’efficacité, en tirer les conséquences juridiques nécessaires et unifier plus que jamais notre politique économique et financière. Nous devons également prendre des initiatives au-delà de la sphère économique, en créant par exemple une armée européenne. Enfin, nous devons défendre nos principes et nos valeurs, à savoir la démocratie, la protection des droits de l’homme et la croissance durable".
Malgré les tensions, une gouvernance économique se met en place
À la lumière des propos d’Angela Merkel, l'analyse du professeur américain Charles Kupchan, qui annonce la fin de l’intégration européenne, démontre à quel point il est difficile, et pas uniquement outre-Atlantique, de comprendre l’Europe en profondeur. Bien que cet arrêt de mort, prononcé depuis un pays, les Etats-Unis, en proie à une crise si violente qu’il a perdu toute notion d’identité et de futur, semble provocatrice, l'Europe, dont les contours sont encore très vagues, demeure depuis sa création, un navire sans destination précise.
Le centre du pouvoir s’est déplacé de Bruxelles à Berlin à cause de la crise. Pour mesurer pleinement l'influence que l’Allemagne a exercée dans cette affaire, il est nécessaire de partir du communiqué du Conseil européen du 11 février 2010. À cette date, la crise grecque bat son plein et les appels se multiplient pour que les pays économiquement plus forts manifestent leur solidarité envers Athènes. Le mot "solidarité" n’apparaît cependant pas dans le communiqué. Herman Van Rompuy, tout juste investi président du Conseil européen, soutient la position de Berlin, qui souligne les responsabilités de la Grèce et reconnaît la participation de tous les pays en raison de leur intérêt à la solidité de l'euro. Ce jour-là, la rhétorique européenne change : la solidarité commune cède le pas à l’intérêt national.
Entre le Conseil de février et celui qui s’est réuni fin mars, Angela Merkel assume l'initiative européenne, mettant totalement en marge le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et même Herman Van Rompuy. Les décisions du Conseil européen sont prises entre Paris et Berlin de concert avec le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, qui joue un rôle intermédiaire crucial. Malgré le face-à-face tendu qui les oppose, les deux capitales semblent toutefois être sur la voie d'une coopération et d’une gouvernance économique de l'euro.
Tous les pays européens se rapprochent du modèle allemand
En avril, la lenteur des décisions européennes, dénoncée à maintes reprises par Trichet, laisse le champ libre aux marchés financiers, persuadés que l'engagement politique de Berlin à l’égard de l'Europe est de plus en plus faible et que la solidarité est irrémédiablement sur le point de se rompre. Il s'agira là d'une erreur d'évaluation. Les décisions prises au début du mois de mai permettent de créer une structure d'aide commune [le mécanisme de stabilisation] qui freinera la crise grecque. L’euro constitue "la pierre angulaire de la construction européenne", a déclaré Angela Merkel. "Son échec entraînerait des conséquences désastreuses pour l’Europe."
Il y a quelque chose d'important dans cette analyse :
Citation:
L’euro apporte d’ailleurs des avantages non négligeables à l'Allemagne. Tous les pays européens se rapprochent du modèle économique allemand : plus grande discipline fiscale, réformes structurelles permettant d’ajuster les différences de compétitivité, création d'un mécanisme de résolution des crises et renforcement de la coordination économique.
En plus, tout le monde fait un constat, depuis que Sarkosy est devenu "Sarko le petit" (cf la presse anglosaxonne, mais d'autres aussi), lEurope est en panne de leaders :
http://www.presseurop.eu/fr/content/article/326151-l-union-en-panne-de-leadersCitation:
Cette crise est une variante extrême d’un malaise politique qui se fait sentir dans presque tous les Etats membres de l’UE et qui fait obstacle à une politique constructive.
Curieusement, l’Europe semble résignée face à ce déclin. Cette résignation peut en partie s’expliquer par le succès du processus d’intégration européenne proprement dit. Celui-ci a apporté prospérité et sécurité. Mais il également rendu les gens blasés de leur bien-être. Tout ce qui menace le paradis ainsi créé aboutit au mécontentement, à demander "moins d’Europe" et à désigner des boucs émissaires : les juifs, les tsiganes, les musulmans ou encore "les riches".
Tout cela conjugué à l’absence de dynamisme des politiques nationales empêche les Etats membres de respecter des promesses essentielles, comme la mise en œuvre des objectifs de Lisbonne de 2000. L’Europe n’est pas devenue "l’économie de connaissance la plus compétitive et dynamique au monde". Le nouveau plan "Europe 2020" ne devrait pas non plus aboutir.
Pas de véritable réflexion
Une autre explication du déclin est l’extrême vitesse de circulation des informations : les hommes et femmes politiques courent d’un battage médiatique à l’autre ce qui empêche toute réflexion approfondie pour des solutions durables aux problématiques qui se posent. De plus, les leaders manquent souvent de connaissances et de perspicacité. Par conséquent, il leur est difficile de justifier la nécessité des mesures politiques contestées. Prenez l’exemple du vieillissement de la population. Pour l’instant on compte encore quatre actifs pour un retraité dans l’UE. En 2040 ils ne seront plus que deux actifs par retraité. Il faut donc des immigrés pour compenser ce vieillissement démographique.
Selon Eurostat, 40 millions d’immigrés entreront dans l’UE d’ici 2050, permettant ainsi de compenser en partie les effets de la faible natalité et de l’augmentation de l’espérance de vie. Et pourtant, les politiciens veulent freiner l’immigration. Or sans augmenter le nombre d’immigrés, le déclin de l’Europe s’accélérera. Espérons que la crise financière fasse comprendre aux hommes politiques qu’il faut renverser la tendance négative. Pour ce faire, ils doivent réussir à travailler ensemble et mobiliser la capacité d’innovation des Européens afin d’adapter l’UE aux temps qui changent.
Et puis, on recherche l'esprit européen qui semble s'être perdu en route.
http://www.presseurop.eu/fr/content/article/335711-esprit-europeen-es-tu-encore-laCitation:
Le déclin de l’Europe est une idée en vogue, renforcée par les mauvais indicateurs économiques et démographiques. Mais une civilisation se juge aussi sur sa force créatrice, rappelle le journaliste et écrivain Alexandre Lacroix.
Citation:
Imaginons que les choses se passent, avant notre naissance, comme l’imaginait jadis Plotin, c’est-à-dire que les âmes descendent lentement vers les corps. Vous êtes l’une de ces âmes à naître. Au cours de votre trajet astral vers l’incarnation, un ange vous interpelle et vous propose de choisir : vous pouvez voir le jour en Inde, en Chine, au Brésil, en Indonésie ou en Europe. Pour quelle destination optez-vous ? Quel est, selon vous, le lieu où vous aurez le plus de chance de vivre librement et en bonne santé, sans crainte de la violence, qu’elle soit propagée par l’Etat ou qu’elle règne dans la sphère sociale ? Où vos rêves trouveront-ils à s’épanouir ? Ça y est, vous avez choisi ? Vous n’êtes pas complètement guéri de l’Europe ?
Citation:
Ici, ce sont les dernières pages du Déclin de l’Occident de Spengler, publié en 1918, qui nous aiguillent : " La pensée et l’action économiques sont un côté de la vie, affirme-t-il, chaque vie économique est l’expression d’une vie psychique. " Autrement dit, la prospérité ou le marasme d’une économie ne font que traduire un certain état de la culture et de l’esprit. Un an plus tard, en 1919, Paul Valéry enfonce le clou dans un texte intitulé La Crise de l’esprit, dont la première phrase est restée fameuse : "Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles." On connaît moins l’argumentation qui suit, or elle est saisissante. "La crise économique, explique Valéry devant le spectacle du Vieux Continent ruiné par la guerre, est visible dans toute sa force ; mais la crise intellectuelle, plus subtile, et qui, par sa nature même, prend les apparences les plus trompeuses (puisqu’elle se passe dans le royaume même de la dissimulation), cette crise laisse difficilement saisir son véritable point, sa phase." Attention à ne pas confondre les forces et les quantités, prévient Valéry !
Donc, l'idée de l'Europe décline parce que nous avons peur de perdre ce qu'elle nous a amené et pour cela nous sommes prêts à un repli sur soi qui serait catastrophique et qui irait à l'encontre du but désiré.