Essayant de me placer d'un point de vue socialiste, il me semble que le parti sera mieux mené par Aubry que par Royal. Cette dernière semble avoir une incapacité psychologique à oeuvrer de façon "cadrée"; elle pense qu'on peut faire une carrière politique jusqu'au plus haut niveau en franc-tireur, sans s'appuyer sur des structures éprouvées, rodées. Son truc, c'est directement des électeurs à l'élue, pas d'intermédiaire, une relation directe entre ses fans (ce ne sont pas des partisans, ce sont des fans) et elle, et l'orchestration du culte de sa personnalité comme stratégie.
Elle a une façon totalement non-conventionnelle de faire de la politique; elle lance des idées parfois intéressantes mais elle est incapable de les élaborer, de les structurer, de leur donner corps, de finaliser quoi que ce soit. Elle est connue pour annuler ou manquer ses rendez-vous à la dernière minute. Lors de l'élection du premier secrétaire du PS, elle est arrivée en retard car elle aurait manqué son train! Pour moi qui n'ai jamais manqué un train de ma vie, ça me semble aberrant de manquer son train le jour d'un événement aussi crucial pour elle. Elle semble avoir quelque chose de foncièrement désorganisé, d'amateur, et penser qu'on réussit en faisant les choses de chic, dans l'inspiration, sans tenir compte du rôle crucial de l'organisation et de la transpiration.
Elle fait des déclarations bizarres, comme quand elle a dit qu'elle "avait envie" du poste de premier secrétaire. En politique, ça ne sert pas à grand'chose de dire qu'on a envie d'un poste, ça me semble aussi vain et impuissant que de déclarer qu'on a envie d'avoir un meilleur salaire à son patron.On peut dire qu'on veut être président de la République et qu'on fera tout pour y arriver, ou encore qu'on est pleinement qualifié et expérimenté et totalement prêt à l'être, mais avoir envie?
Elle me semble bien partie pour devenir ce personnage que les Français adorent, l'éternel second, le Poulidor de la politique. Avec elle, le PS semblait parti pour la terra incognita, avec Aubry, on est dans quelque chose de beaucoup plus prévisible, on connnait d'avance la partition. On va sans doute ressortir des recettes de l'époque mitterandiste, ou du moins relevant de l'approche "socialisme années 80"; pour ce qui est du renouvellement idéologique, ça me paraît mal parti.
Le PS risque fort de rester ce qu'il est actuellement, le défenseur des situations acquises, le parti de l'opposition systématique, de la résistance au changement.
Mais si la crise est assez grave, peut-être qu'elle pourra faire oublier l'image calamiteusevofferte par le congrès de Reims.