Aigle a écrit:
Un des grands arguments des partisans du oui en 2005 était d'affirmer "il n'y a pas de plan B". N'ayant jamais vraiment compris ce que signifiait l'expression, j'ai toujours pensé qu'elle cachait en fait une absence d'argumentation sérieuse en faveur du oui - alors qu'il y en aurait eu en se plaçant sur l'intérêt qu'il pouvait y a voir du point de vue europhile à approfondir la construction européenne.
Toutefois 6 ans et plus ont passé. Le mini traité Sarkozy a été adopté. L'€ (créé par Maestricht) est en pleine tourmente.
Alors les partisans du oui pourraient ils m'expliquer ce que signifiait cette phrase "il n'y a pas de plan B" ?
Alors, il faut rappeler l'opportunité du projet de constitution, à l'échelle européenne et française :
1. L'Union étant fondée sur le libéralisme, le projet reprenait les engagements libéraux du traité de Maastricht.
1.1 Cette reprise était inutile puisque déjà entérinée par le traité de Maastricht mais elle rassurait les libéraux européens (Britanniques, Irlandais, Hollandais, Allemands).
1.2 Cette reprise heurtait un fond antilibéral interventioniste, étatiste et souverainiste français (de l'extrême gauche à l'extrême droite en passant par le centre). C'est d'ailleurs la partie que contestèrent les nonistes (français).
2. Le projet étant principalement rédigé par des Français (VGE en tête), il inscrivait la possibilité de limiter le libéralisme sus-mentionné pour en préserver des entreprises du secteur public.
2.1 Cette possibilité carressait le keynesianisme des administrateurs français.
2.2 Elle heurtait la susceptibilité Européens libéraux, c'est d'ailleurs la partie que contestèrent les nonistes hollandais, encouragés dans les dernières semaines par le stupéfiant refus référendaire français.
3. Le projet envisageait une amélioration des relations diplomatiques et politiques entre Etats membres afin que leur nombre croissant n'entrave pas les capacités décisionnelles de l'Union.
3.1 L'ensemble des Etats membres y souscrivaient.
3.2 Sarkozy sauvera cette partie dans le traité de Lisbonne.
4. Le projet comportait une charte de citoyenneté européenne.
BILAN. Des quatre volets du projet de Constitution :
1. le volet libéral était de toute manière entériné par le traité de Maastricht toujours en vigueur ;
2. le volet institutionnel est repris par le traité de Lisbonne ;
3. le volet, cher aux nonistes français de gauche, destiné à préserver le secteur public, et la charte de citoyenneté, honnie par les nonistes souverainistes de l'Union, sont abandonnés.
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Passons au "plan B".
Les nonistes de gauche ne voulaient pas du volet libéral du projet et souhaitaient le voir abrogé. Fabius leur trouva un argument peut-être capable d'emporter l'adhésion d'indécis : "C'est ce volet que nous refusons. Refusons l'ensemble du projet, les constitutionalistes en ponderont un autre = leur plan B = un projet de rechange sans le volet libéral qui nous dérange."
Une fois le projet refusé par les référendum français puis hollandais, les trois volets "aimables" aux nonistes de gauche (préservation des secteurs publics, institutions facilitant les prises de décision, charte de citoyenneté internationale) passèrent à la trappe.
Comme les constitutionalistes avertirent, il n'y avait pas d'autre texte présentable, ce que les oui-istes résumèrent, navrés, dans "il n'y a pas de plan B" (il n'y a pas de projet de rechange sans volet libéral).
Avec le message, politique et implicite, que les nonistes avaient sacrifié les volets qui leur étaient chers (préservation du secteur public et charte citoyenne) pour avoir gobé les belles paroles de ceux qui leur promettaient un plan B.