Je ne comprends pas pourquoi on emploierait et réserverait à Trump des qualificatifs de type "énergumène" et autres noms d'oiseau.
Que le personnage soit outrancier, ceci ou cela, c'est une caractéristique accessoire au regard des enjeux et des forces de la géopolitique, de la politique, et de la sociologie qui affecte les USA et le reste du monde.
Il y a un tas de dirigeants politiques qui, tout en étant bien dans le moule exigé par le système, n'en sont pas moins nuisibles, incompétents, dangereux, corrompus.
Il faut quand même se demander pourquoi les électeurs américains qui se sont exprimés ont au final préféré, dans le cadre du système fédéral américain qui est un suffrage universel indirect au système majoritaire à un tour par Etat fédéré, préféré élire Trump qui est un outsider de la téléréalité plutôt que Clinton qui est l'archétype du politicien professionnel centriste.
Je relève, comme Aigle, que le niveau de participation a été faible, contrairement à ce qui était envisagé pendant la campagne. Seulement 52% de participation, soit moins qu'en 2008 et même qu'en 2012 où il n'y avait pourtant pas l'enthousiasme de 2008.
Quand vous regardez les résultats par Etats, vous pouvez constater qu'il y a un nombre considérable d'Etats où la victoire de l'un ou de l'autre s'est jouée à un cheveu.
Au passage, je ne peux m'empêcher de m'étonner qu'avec une victoire qui lui a échappé à quelques dizaines de milliers voire seulement à quelques milliers de voix, Clinton n'ait pas demandé une vérification, un recompte, dans les Etats en question alors même qu'on avait beaucoup dénoncé les risques de fraude pendant la campagne et que plusieurs situations manifestement troubles avaient été mises en évidence pendant la campagne par les partisans de Trump dénonçant les manoeuvres douteuses et les inscriptions de nouveaux votants sur les listes électorales sans la moindre vérification des papiers d'identité.
Comme j'ai un peu mauvais esprit, je me dis qu'il y a 2 ou 3 explications possibles. Soit le parti démocrate a fraudé dans certains Etats clés sans pour autant réussir à contenir le vote anti-establishment représenté par Trump, et l'équipe Clinton a donc décidé de ne pas insister pour éviter que les enquêtes et recomptes ne mettent en évidence leurs fraudes. Soit de toute façon l'équipe Clinton avait compris que de telles charges pèsent contre elle que de toute façon, les républicains allaient conduire contre elle une procédure d'impeachment si jamais elle était élue. Soit un mix des deux.
Si je reviens sur cette campagne américaine, je constate que Trump a été un plutôt mauvais candidat qui a néanmoins sur enfourcher le cheval gagnant en termes de ligne politique : le cheval de la protestation anti-globalisation, anti-immigration, anti politiquement correct, anti paupérisation des catégories populaires, et qu'il voulait que l'Amérique s'occupe plus des américains et réduise la voilure sur les aventures guerrières extérieures ruineuses alors que le pays est en voie de tiers-mondisation.
Et que Clinton a été une encore plus mauvaise candidate. Elle a enfourché le mauvais cheval : celui de la globalisation (même si elle a baratiné qu'elle allait modifier le TTIP), de l'immigration clandestine, de toutes les fuites en avant politiquement correctes, bref qu'elle était la candidate de la continuité, et qu'en plus elle voulait aller beaucoup plus loin en termes d'interventionnisme belliqueux à l'étranger, portant les espoirs des néoconservateurs extrémistes qui râlaient contre ce "mou" d'Obama qui a reculé au moment d'attaquer Assad sur des provocations false flag.
Si un candidat comme Trump a été possible, c'est parce que le système politique américain était complètement verrouillé. Le duel programmé par les deux partis devait opposer Clinton à Jeb Bush. Quand le système est verrouillé au point de ne pas permettre une réelle alternative, l'alternative se construit en dehors du système.
Trump a réussi une OPA sur le parti républicain parce que celui-ci a commis l'erreur de multiplier les candidatures si bien qu'aucun des candidats de l'intérieur n'a eu le temps et les moyens de fédérer l'appareil du parti et les électeurs contre l'outisder Trump. Si bien que Trump a réussi son OPA en faisant venir un nombre considérable de nouveaux électeurs qui n'avaient jamais voté républicain ou qui ne votaient plus républicain depuis très longtemps.
Sanders a raté son OPA parce que d'une part c'est un bisounours, un gentil papy qui a retenu ses coups alors qu'il ne faut jamais hésiter et qu'il faut implacablement terrasser l'adversaire, et parce que d'autre part l'appareil du parti démocrate s'est organisé suffisamment à temps pour qu'il n'y ait pas trop de candidatures du système et pour trafiquer éhontément les conditions de la compétition et les résultats.
Ce faisant, les démocrates n'ont fait que retarder l'échéance. Ils ont pris le risque d'hypothéquer les chances des partis pour promouvoir à tout prix la candidature de Clinton qui était pourtant la figure la plus impopulaire de la scène politique américaine. Clinton est viscéralement détestée par l'électorat de droite aux USA depuis 1993. Clinton est de surcroit la candidate la plus corrompue, au sens pénal du terme, qu'on ait jamais vu aux USA depuis la période de la reconstruction ayant suivi la guerre de sécession. Par comparaison, le gang de l'Ohio qui gravitait autour de Warren Harding dans les années 1920, c'étaient des enfants de choeur. Les e-mails diffusés par Wikileaks tout au long de la campagne, selon toute vraisemblance fournis à Wikileaks par des membres du FBI, de la NSA et du Pentagone qui les détenaient grâce au système de surveillance généralisée mis en place en toute légalité par le Patriot Act et ses avatars, et qui ne voulaient pas que la codirigeante d’un gang de haute volée de criminels prévaricateurs corrompus (l’énorme fraude que constitue la fondation Clinton et dont moins de 10% des dépenses respectent son objet social, le reste servant à payer des salaires et des frais à ses proches, à ses alliés, à ses affidés, et à corrompre des correspondants ou acheter des soutiens) et traitres (le serveur privé de Clinton a bien évidemment servi à permettre à celle-ci d’organiser son trafic d’informations secret défense et son organisation d’accords diplomatiques parallèles et de ventes d’armement avec des puissances étrangères en échange de rétro-commissions qualifiées de donations à sa fondation).
La leçon de ces élections, c'est que : 1 - jamais l'élection d'un chat sauvage comme Trump n'aurait été possible si la société américaine ne s'était pas déjà terriblement effondrée et fragmentée sous les ravages d'une trentaine d'années de globalisation sauvage. Les classes populaires et moyennes ont été laminées. Trump n'est pas une cause. Il est un symptome de cette crise terrible, d'une société en voie d'effondrement, des dérives du darwinisme social qui conduit les riches, les biens nés, qui sont aussi les bien qualifiés et les biens connectés, à littéralement cannibaliser leurs autres concitoyens pour pouvoir continuer à s'enrichir. La croissance économique aux USA, par ailleurs assise sur une bulle de dette, se caractérise par un écart-type considérable et seul le haut du panier en profite. Pour la majorité des américains, le niveau de vie baisse depuis une quinzaine d'années et est retombé au niveau des années 1970.
2 - dans le combat politique, il n'y a pas de place pour les saints et autres bonnes soeurs. Pas de place pour les abbés Pierre. La politique est un combat où tous les coups sont permis. Il faut être un "tueur" froid, au sens figuré, pour avoir une chance. Ceux qui ne sont pas prêts à lâcher vraiment leurs coups n'ont aucune chance et finiront par être vaincus par ceux de leurs concurrents qui ne s'encombrent pas de tels scrupules.
Cette situation a conduit à ce que de nombreux électeurs, à la fois mécontents mais dégoûtés par le choix impossible entre Trump et Clinton qui chacun inspiraient de la défiance à la majorité de l’électorat (de l’ordre de 60% de défiance selon les enquêtes d’opinion), préfèrent s’abstenir. Et parmi ceux qui ont voté, une très courte majorité selon le système fédéral américain a préféré prendre le risque Trump plutôt que prendre le risque Clinton, d’autant plus qu’ils commençaient à mesurer suffisamment à quel point l’éventuelle élection de Clinton allait se terminer en enquêtes et procès permanent, en procédure d’impeachment, voire en guerre nucléaire.
Si on croît à la fiction démocratique que le suffrage universel exprime une volonté, alors c'est que l'Amérique estime qu'elle est tombée dans une situation tellement dégradée qu'elle doit : - alléger le fardeau de la surextension impériale, - éviter a fortiori de provoquer des guerres sur le heartland et sur ses pourtours, surtout si cela peut dégénérer en apocalypse nucléaire, - et se reconstruire intérieurement tant elle a été dévastée intérieurement par la politique conduite et aggravée depuis une bonne trentaine d'années (depuis Reagan en fait, même si de nombreux soutiens de Trump sont des nostalgiques de Reagan semblant oublier que c'est Reagan qui a lancé la globalisation ayant ruiné les salariés américains et qui a ouvert en grand les portes de l'immigration aux latino-américains, et essentiellement aux mexicains).
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