Le salon géopolitique de Passion-Histoire

Une confirmation, s'il en était besoin, du fait que la recherche du bipartisanisme à tout prix affaiblit la crédibilité politique de BO: le refus de Gregg, sénateur républicain, pressenti comme Secrétaire du Commerce, d'accepter ce poste, est le dernier des ratés commis par le Président dans la constitution de son équipe gouvernementale.
Pour justifier son refus, Gregg a exposé publiquement ses désaccords avec BO sur différentes questions économiques, sur le plan de relance en particulier;
mais alors pourquoi diable l'avoir pressenti comme Secrétaire au Commerce sans avoir auparavant vérifié avec lui qu'il était bien en accord avec le Président sur l'essentiel de ses conceptions et de son programme économiques--c'est bien le moins qu'on puisse demander à un Secrétaire du Commerce !!?
Il y a là une approche plutôt brouillonne et irréfléchie de la part du Président.
Et bien sûr, pourquoi aller chercher Gregg dans les rangs républicains pour assumer cette fonction? Le CV de ce sénateur n'est pas exceptionnel au point de justifier cette incursion risquée derrière les lignes partisanes; BO aurait pu trouver sans problème chez les Démocrates un Secrétaire du Commerce possédant une qualification et une expérience égale ou supérieure à celle de Gregg pour exercer cette responsabilité.

Le plus drôle étant l'annonce du staff de la Maison Blanche, qui sent tellement fort la mauvaise foi sur le mode "c'est pas de ma faute c'est lui qui nous a mentit"...

Plus globalement sur la question de savoir si le bipartisanship est un avantage ou un inconvénient pour Obama, je pense qu'il est bon de rappeler que les prochaines élections ont lieu dans maintenant moins de deux ans afin de renouveller la Chambre des Représentants et un tiers du Sénat. Si on part du principe - assez facilement envisageable - que la situation économique ne se sera pas tellement améliorée d'ici là, il sera facile pour les démocrates d'accuser "l'obstructionnisme" des républicains d'être la cause des échecs de l'administration...

Reste qu'effectivement, le Obama candidat maniait infiniment mieux sa barque que le Obama Président. Mais c''est quelque chose d'assez courant avec tous les Présidents qui débutent leur premier mandat.

L'argument du ''c'est lui qui nous a menti, c'est lui qui nous a approchés puis s'est ravisé sous la pression de certains membres du PR" ne tient en effet pas la route: depuis quand suffirait-il à un Républicain--ou même à un Démocrate-- de poser sa candidature à un poste gouvernemental majeur pour être agréé par l'administration Obama sans plus ample informé?
Quid des procédures de vetting, justement réputées aussi approfondies que pointilleuses? Il semblerait qu'il y ait eu des insuffisances de ce côté.
BO candidat était habile et inspiré; BO président est brouillon et gaffeur. Il serait souhaitable, dans son intérêt et celui des Dems, qu'il abandonne rapidement ces absurdes contorsions bipartisanes et se décide à revenir au réel, c'est-à-dire à la bonne vieille politique partisane.

Rahm Emanuel, Chief of Staff de BO, reconnaît dans une interview que le Président a commis une erreur: selon lui, il a perdu le contrôle du débat sur le plan de relance en se concentrant trop sur la recherche d'un accord bipartisan.
Mais il aurait cessé de poursuivre cet objectif en constatant à quel point ses avances envers le PR étaient peu payées de retour: à la Chambre des Représentants, il y a eu zéro vote républicain pour son plan.

http://www.huffingtonpost.com/2009/02/1 ... 66692.html

Le républicain Linsey Graham, ainsi que quelques autres membres de son parti, pense que la nationalisation des banques américaines devrait être envisagée par le gouvernement:

http://www.huffingtonpost.com/2009/02/1 ... 67048.html

Alors que BO a vigoureusement pris position contre une telle solution "à la suédoise"! On a envie de se pincer quand on lit ça, c'est le monde à l'envers!

Oui, ça rappelle la citation, dont je ne me souviens plus de l'auteur : "Tant que vous n'aurez pas vu tout et le contraire de tout, vous n'aurez pas vécu !"

Note d'humour: le chief of staff d'Obama, Rahm Emanuel, bien connu pour son caractère abrasif, a été surnommé par des proches: "undersecretary of go f--ck yourself".

Les républicains peinent à trouver un second souffle; ils peinent à trouver des personnalités marquantes et politiquement prometteuses et surtout ils peinent à trouver un message qui soit de droite tout en répondant aux angoisses des américains face à la crise.
Suite au discours fait par BO devant le Congrès mardi pour défendre le plan de relance, c'est le gouverneur de Louisiane, Bobby Jindal, qui lui a succédé pour présenter la critique républicaine de ce plan.
Les républicains autant que les démocrates ont trouvé sa performance médiocre et peu convaincante--je cite: "amateurish", "laughable" (risible) et "a missed opportunity" (une occasion manquée). Même sur la chaîne Fox News, bastion médiatique républicain, un journaliste a utilisé à propos de son discours les qualificatifs de "simplistic" (simpliste) et "childish" (infantile).
Jindal (né dans une famille immigrée d'origine indienne) en qui beaucoup voient une étoile montante du GOP, a déçu sur tous les plans: non seulement, c'est un mauvais orateur qui anonne--parler après l'excellence oratoriale d'Obama n'est certainement pas facile--mais de plus il n'a proposé que du plus pur reaganisme face à la crise: le gouvernement n'est pas la solution à vos problèmes, le gouvernement est le problème, il ne doit pas intervenir dans l'économie, aussi brutale que soit la récession, seuls les efforts individuels des citoyens peuvent sortir le pays du marasme.
Un journaliste a qualifié ces positions de "nihilisme". La réponse des électeurs, consultés par sondage, ne semble pas être plus favorable.

Ce n'est pas forcément le monde à l'envers. Les républicains (du moins certains d'entre-eux) acceptent peut-être l'intervention de l'Etat dans le secteur bancaire afin de sauver les banquiers, tandis que les démocrates refusent pour faire quelques exemples.

Au fond, ça rappelle un peu ce qui semble vu d'Europe être un paradoxe de la gauche américaine du début du XXème siècle, et notamment du côté syndicaliste, qui refusait farouchement toute nationalisation, tout accord avec les socialistes ou les progressistes, bref, toute implication dans la vie politique afin de se concentrer sur la lutte sociale. Il valait mieux, en effet, lutter contre les patrons que contre l'Etat, bien plus puissant; comme le disait Samuel Gompers, leader de l'AFL : « ce que l’Etat peut donner un jour, il peut le reprendre le lendemain ».